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Citations de Émilienne Malfatto (234)


Je suis l’épouse, la femme soumise, la femme correcte, celle qui respecte les règles, qui ne les discute pas. Celle qui ne peut concevoir qu’on ne les respecte pas. Je suis celle qui observe, qui juge et qui condamne. Celle qui approuve la société, qui glorifie son époux. Je ne m’opposerai pas au bras vengeur. Plus tard, dans la nuit, je ne verrai pas en lui un assassin, mais un homme fort.
(…)
Je suis douce et soumise, je reste voilée dans la maison, devant mes beaux-frères, une épouse comme il faut. Je ne ris pas trop fort et ne parle pas trop. Une femme respectable.
Je suis celle qui ne questionne pas, qui ne bouscule pas. Je suis celle qui accepte sa condition, qui n’imagine pas qu’une autre vie est possible. Je balaie le sol à genoux avec des roseaux tressés. Je sucre le thé de mon époux. Je me farde chaque soir avant son retour.
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Quand nous sommes arrivés de Bagdad, c’était mon endroit favori. J’allais m’asseoir sur les berges. Je regardais les pêcheurs remonter des carpes luisantes dans leurs filets. En été, les garçons se baignaient avec de grands gestes, dans des éclaboussures argentées. Je ne me baignais pas, je restais au bord. Toute ma vie j’ai eu la sensation de rester au bord de la vie. Puis le sang est arrivé, ce premier sang poisseux, noirâtre entre mes jambes, et maman a dit que désormais je devais apprendre à me tenir, et ne plus traîner dehors et couvrir mes tresses. Et un soir, Amir m’a lancé un grand manteau noir et a dit que désormais je porterais l’abaya. Personne n’a bronché. Mon frère Ali a froncé les sourcils et j’ai cru qu’il allait dire quelque chose, faire reculer le manteau noir. Mais il a gardé le silence, il m’a jeté un regard mêlé de pitié et de honte puis il a baissé les yeux et a évité le mien, de regard. Après, je n’ai plus eu le droit d’aller m’asseoir au bord du Tigre.
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Ma vie est derrière moi et je ne sais plus ce que j'ai vécu. J'ai glissé sur les joies et les peines en acceptant mon sort, j'ai épousé l'homme qu'on me destinait, j'ai eu des enfants, j'ai traversé des guerres. A chaque enfant, à chaque guerre, à chaque humiliation quotidienne de ce monde fait pour les hommes, je me suis voûtée un peu plus, je me suis tassée sous les voiles noirs. Il y a bien longtemps que je ne ris plus.
Je suis vieille et le monde de mes enfants m'est étranger. J'ai consciemment appliqué à mes filles les règles qui m'avaient été imposées. J'ai bâti autour d'elles la même prison que pour moi. J'ai justifié mon monde en le reconduisant.
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(Comme un symbole de l'oppression masculine sur les femmes, à qui on fait croire dès la jeunesse que c'est "normal" et même mieux qu'elles souffrent :)
(La première nuit...) les femmes doivent avoir mal, c'est une preuve que leur mari est bien un homme.
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Depuis la guerre, il avait vu plusieurs cas de ce genre. "Psychosomatique", mais nous ne connaissions pas ce mot en arabe.
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La ville empestait la mort. C'était douceâtre, un peu sucré, un peu écœurant, un peu métallique. L'odeur des charognes. Dans les narines, sous les vêtements, sous la peau, sous les ongles. La mémoire olfactive de la mort. Cette odeur-là ne se lave pas. Elle revient frapper sans prévenir, quand on mange ou quand on dort ou dans l'amour elle s'insinue et remplit le nez, la tête, la chambre, et revoilà la rue Farouq et Mossoul et les cadavres à pourrir.
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Excellent tout petit roman.
Dans l'air du temps, pour faire bouger les consciences rétrogrades et engluées dans les dikdats sociétaux.
Court, efficace, poignant, bien ficelé, poétique...
On peut compléter avec "Les cerfs-volants de Kaboul" de K. Hosseini et la "Femme lapidée" F. Sahebjam.
C'est un livre idéal pour les études de texte, à mettre en main pour tous les ados, plus accessible que les "Impatientes" de D. A. Amal mais, dans le même courant de pensée : Il faut que ces pratiques changent et que la femme soit reconnue, non comme un objet ou un ventre mais une égale à l'homme.
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  Je n’établirai pas la vérité, et justice ne sera probablement jamais faite. Et tu tomberas dans l’oubli. Une pierre tombale dans la touffeur des tropiques. Une ligne de plus dans les registres d’un Etat corrompu. 
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« Je suis la mère et je suis absente, confite en dévotion et en douleur obligatoire sur la tombe de mon mari, dans la vallée des morts. On va tuer ma fille. Amir attendra-t-il que je rentre ? La route est longue par le car des pèlerins. Mon fils va tuer ma fille et je ne m'y opposerai pas. M'y opposerai-je si je rentre à temps ? J'ai depuis trop longtemps accepté les règles.»
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Je suis le frère, celui par qui la mort arrive. [...]
Je suis l'assassin. Je vais tuer tout à l'heure et je l'ignore encore. Que ferais-je si je le savais ? Ferais-je demi-tour dans l'allée poussiéreuse ? Je vais tuer tout à l'heure et je penserai que je n'ai pas le choix. Sa vie ou notre honneur à tous. Ce n'est pas moi qui tuerai, mais la rue, le quartier, la ville. Le pays.
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Juste en face, au bord de la route, une petite fille hurlait en tenant la main de sa mère. Aucun bras n'était attaché au bout.
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 Nous naissons dans le sang, devenons femmes dans le sang, nous enfantons dans le sang. Et tout à l’heure, le sang aussi. Comme si la terre n𠆞n avait pas assez de boire le sang des femmes. Comme si la terre d’Irak avait encore soif de mort, de sang, d’innocence. Babylone n𠆚-t-elle pas bu assez de sang. Longtemps, au bord du fleuve, j𠆚i attendu de voir l�u devenir rouge. 
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L'ordonnance, lui, se tient toujours en dehors du cercle de lumière (qui n'est accessible qu'a partir d'un certain nombre de galons) et il reste donc très concentré sur son étude des couleurs pour ne rien voir d'autre.
Surtout pour ne pas trop voir la chose, l'ordonnance n'imagine pas quel autre mot utiliser, bien sûr qu'il sait qu'il s'agit (qu'il s'agissait) d'un homme, mais vraiment il faudrait faire un effort pour se rappeler que ce fut un homme alors l'ordonnance, dans ses réflexions à lui-même, parle toujours de chose.
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Nous naissons dans le sang, devenons femmes dans le sang, nous enfantons dans le sang. Et tout à l'heure, le sang aussi. Comme si la terre n'en avait pas assez de boire le sang des femmes. Comme si la terre d'Irak avait encore soif de mort, de sang, d'innocence. Babylone n'a-t-elle pas bu assez de sang ? Longtemps, au bord du fleuve, j'ai attendu de voir l'eau devenir rouge.
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je croyais n'avoir plus peur de la mort
de l'avoir trop donnée elle est devenue une
habitude une
compagne
une amie une
alliée
mais enfin vous avouerez que ce n'est pas

la même chose

selon l'extrémité


on se place
donner la mort ou la recevoir
ce n'est pas tout à fait
pareil
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après la guerre après les Hommes-poissons les
marécages
il n'y avait que le silence
et les médailles les décorations accrochées sur
les poitrines que les âmes
avaient désertées
du clinquant du doré sur une poitrine vide
ça fait joli mais ça sonne creux
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1er roman de cette autrice qui connaît bien l'Irak.
Roman très court mais saisissant.
Une jeune fille est enceinte de Mohammed , son ami d'enfance puis son amoureux et est devenu son amant juste un jour et rapidement avant qu'il parte à la guerre. Mais enceinte, elle a déshonoré la famille et dans cette religion, l'honneur passe avant la vie. Cette jeune fille sera tuée par son frère qui a l'autorité paternelle, leur père étant mort. Mohammed mourra à la guerre. Chaque chapitre se fait l'écho du ressenti de chaque membre de la famille. Il n'y a pas de colère, tristesse certes pour certains mais soumission. Cette jeune fille devra être oubliée des siens . Et c'est cela qui fait froid dans le dos : pas de révolte
Quelle horreur, au nom de la religion, de cette culture. Je me dis que j'ai de la chance d'être née dans le pays qui est le mien 😚
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Vous me direz
il faut bien distinguer
entre tuer à la guerre
et tuer pour tuer
c'est en tout cas ce qu'on nous disait à l'époque
les morts de guerre ne sont pas des crimes
soldats
nous disait-on
puisque vous avez tué pour une cause
noble
pour la défense de la Nation
pour la Victoire
et dans leur voix tu sentais la majuscule
alors que vie n'en prenait pas
[...]
voyons soldat
il faut bien que quelqu'un tue pour éviter
d'être tués
pour sauvegarder la Nation
que quelqu'un se tape le sale boulot
mette les mains
dans
le cambouis dans le sang les entrailles
dans la merde
et vous voudriez après
vous voudriez
qu'on se remette en question
impossible soldat
impossible
suspect
après la guerre après les Hommes-poissons les
marécages
il n'y avait que le silence
et les médailles les décorations accrochées sur
les poitrines que les âmes
avaient désertées
du clinquant du doré sur une poitrine vide
ça fait joli mais ça sonne creux
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après les Hommes poissons mon lit resta vide
personne à qui
chuchoter
peut-être qu'à cette époque vous mes ombres étiez
déjà trop fortes trop envahissantes
et impérieuses ombres de métal
de pierre
vous n'auriez laissé personne prendre votre place
bien au chaud au creux du lit
c'est après vous les Hommes-poissons
après la Longue Guerre
qu'on me demanda de tuer différemment
couper tailler sectionner rompre trancher
briser
arracher
enfin tous ces synonymes
qui sont devenus mon métier ma

spécialité

bien sûr on ne me les formula pas ainsi
au départ
non
c'était plus subtil que ça
sécuriser
protéger
et toujours la cause la noble cause noble forcément
le capitaine qui me convoqua utilisa ces mots-là
et il me souriait
on a besoin d'hommes comme vous d'hommes
de votre trempe soldat
pour consolider les acquis de la Victoire
il me souriait
quand j'y pense il me semble qu'il était lui aussi
un peu gris
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Le colonel a oublié le moment exact où il a cessé de dormir. Après quel mort, quel interrogatoire, quelle bataille, quel corps qui n’en était plus un. C’est venu peu à peu lui semble-t-il.
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