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Citations de Éric Pessan (510)


Les sentiments ne sont jamais abstraits. S'ils sont vrais, ils s'expriment par des actes. Les sentiments construisent. Celui qui aime sans réagir pourrait tout autant être déjà mort. Son amour n'est rien.
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Il faut s'appuyer sur la parole, avait-il dit, C'est comme un travail choral. On reprend la parole de l'autre pour l'amener un peu plus loin. C'est un crescendo. Le plus important, c'est la circulation : comment la parole circule. Il ne faut pas jouer le sens, sinon on explique mais on ne joue pas. C'est la voix qui rend les choses vitales. Le mot doit construire un espace. Il doit pouvoir s'épaissir.
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Si l'on réfléchit trop aux hasards, on invente des miracles.
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Les pensées des enfants sont un grand mystère, on ne sait de quoi est tissée cette étoffe-là. Avec aplomb ou détachement, il arrive à la fillette de poser les questions essentielles : pourquoi papa et maman s'aiment ? Pourquoi papa est triste ? Toujours des pourquoi et jamais des comment bien plus faciles à expliquer.
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Jusqu'à quel point deux personnes qui s'aiment peuvent étirer le silence sans que ce soit leur amour qui se déchire ?
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C'est de cela que David a besoin : des joies et des lumières solaires de sa fille. On insiste beaucoup sur le travail nécessaire pour bien élever un enfant, on dit peu l'inverse : tout ce que l'enfant offre en contrepartie à ses parents. La paternité, c'est donnant-donnant, protection, éducation et nourriture contre émerveillement, amour inconditionnel et supplément de vie. Une tendresse pour adoucir la rugosité du monde.
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La mort, la vie, il ne faut pas croire que c'est si simple. C'est bien le problème avec vous autres, en Europe, vous aimez les choses binaires, oui/non, noir/blanc, mâle femelle, vie/mort.
Déjà, il faut arrêter d'imaginer une route qui irait en ligne droite de la vie à la mort, il faudrait plutôt voir un cercle. La mort et la vie se touchent, ce ne sont pas deux états éloignés.
Et puis, ce ne sont pas les deux seuls états possibles. Entre la mort et la vie, il existe une infinité de conditions intermédiaires.
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Les hommes qui montaient dans la barque ont malheureusement depuis longtemps l'expérience des morts-vivants, dit le vieux, ils en ont vu combattre à leur côté ils en ont vu combattre contre eux. Ils ont vu ce dont ces êtres creux peuvent être capables : tailler en pièce, violer, éventrer, couper des mains, des pieds, des têtes, torturer, sans jamais être retenus par leur conscience. C'est le prix à payer pour avoir des bons combattants : tuer leur esprit pour que leurs corps dépourvus d'instincts acceptent de se redresser sous la mitraille, courent en direction des flammes, mutilent et tuent sans connaitre la peur.
Celui qui est déjà mort n'a aucune crainte de mourir.
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Combien faut-il de de jours de déracinements, de marche, de prises de risques et de traumatismes pour que ces jeunes gens précisément, ce soir, s'intéressent à un type d'une cinquantaine d'année, voûté, I'oeil vide, les mains sur les cuisses ?
Ils ralentissent à sa hauteur. L'homme ne bouge pas, il n'a plus rien à craindre, son portefeuille a disparu, comme se sont volatilisés son téléphone et e sac contenant son ordinateur et ses dossiers. Ouelles chances avaient ceux-là de rencontrer celui-ci ? Une prétendue règle surnommée théorie des six poignées de main voudrait que n'importe quel humain habitant sur cette planète soit relié à n'importe quel autre humain au travers d'une chaîne comprenant au maximum six maillons. Il est possible que l'homme adossé en silence ait déjà joué au jeu qui consiste de savoir à combien de poignées de main il se trouve de telle ou telle star. Pour lui, c'était assez facile, ses déplacements comme son travail l'ont conduit à croiser le chemin de personnalités politiques. Qui a serré une fois la main d'un chef d'état peut très rapidement dresser des itinéraires vers une quelconque célébrité. Mais quelle chance aurait-il eu de pouvoir entrer en contact avec ce garçon penche sur lui, né en Syrie, exilé, ayant transité par la Grèce puis séjourné quelques années en Allemagne avant de venir en France dans l'idée de gagner l'Angleterre ? Ce garçon pauvre, pratiquement sans famille, n'ayant jamais été en contact avec qui que ce soit d'important, il n'aurait jamais pu le joindre, il n'aurait jamais su son existence, comme il n'aurait jamais su placer son village natal sur une carte. Cette théorie des degrés de séparation n'agit qu'entre nantis. L'illusion de la proximité est rassurante, ces spéculations semblent bâties uniquement pour apaiser les angoisses de celles et ceux qui culpabilisent d'être nés du bon côté. Qu'ils serrent des mains à n'en plus finir, jamais les occidentaux opulents n'atteindront un éleveur Maassaï, un gamin dévasté par le sida dans une favela pourrie ou un mendiant amputé d'une jambe à la naissance vivant au ras de Lilongwe.
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Au fil des annees, le geste est devenu un petit rituel inconscient : I'index et le majeur de la main droite se portent au poignet gauche et écoutent battre le sang. Le geste est machinal ; trouver la veine, exercer une légère pression et la sentir puser se fait sans réfléchir il n'y a plus besoin de chercher, les doigts se posent d'emblée pile au bon endroit, là où la peau semble plus fragile, plus fine.
Souvent, vous écoutez battre votre cœur. vous n'avez jamais porté de montre-bracelet, vous boutonnez rarement les manches de vos chemises, la veine est ibre et l'évidence de votre pouls vous rassure : quelque chose encore vit en vous, la pompe fonctionne, le sang circule, la mécanique se maintient.
Vous avez si souvent l'impression d'être mort que vous vous étonnez parfois de ce que le cœur ne renonce pas.
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Une question vous frappe soudain : se peut-il que le téléphone soit tombé alors que vous dévaliez le talus ? Vous avez envie de faire demi-tour pour vérifier, mais quelqu’un – dans ce cas – l’aura sans doute déjà ramassé et empoché.
À vrai dire, vous n’êtes plus sûr que les jeunes vous aient volé, vous vous reprochez de les avoir accusés sans preuve. Le chien, au loin, continue inlassablement d’aboyer. Peut-être est-il perturbé par le passage inhabituel des voyageurs descendus du train. Peut-être aboie-t-il chaque jour ainsi, chaque heure, sans que personne n’y trouve à redire, sans que personne nulle part ne le frappe pour le faire taire ou ne cherche à comprendre les raisons de sa rage.
Machinalement, de l’index et du majeur de votre main droite vous exercez une pression sur votre poignet gauche et vous cessez tout à fait de marcher. Une stupeur glacée enserre votre estomac. Vous avez beau maintenant appliquer des pressions de plus en plus fortes, vous ne trouvez pas le petit battement métronomique du sang qui va en vous.
Vous desserrez votre col, vous comprimez votre cou en plusieurs endroits mais veines et artères se cachent. Votre sang est devenu muet. Vous quittez cette arrière-cour maintenant abandonnée, les derniers passagers sont passés voici un petit quart d’heure. Vous débouchez sur une rue partiellement déserte : des voitures garées, des commerces fermés, aucun arrêt de bus où vous pourriez trouver un plan ou – au moins – le nom de la ville où vous êtes en ce moment. Étourdi, vous faites une expérience que vous avez observée dans les films historiques, vous vous approchez d’une vitrine, soufflez à quelques centimètres du verre. L’absence de buée est une preuve supplémentaire de cette idée que vous refusez d’envisager sérieusement. Une lumière incertaine vous éblouit, un vertige manque de vous précipiter au sol. Le doigt ne trouve toujours rien à la veine du poignet. Il faut vous résoudre à l’évidence : vous êtes mort.
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Au fil des années, le geste est devenu un petit rituel inconscient : l’index et le majeur de la main droite se portent au poignet gauche et écoutent battre le sang. Le geste est machinal ; trouver la veine, exercer une légère pression et la sentir pulser se fait sans réfléchir, il n’y a plus besoin de chercher, les doigts se posent d’emblée pile au bon endroit, là où la peau semble plus fragile, plus fine.
Souvent, vous écoutez battre votre cœur, vous n’avez jamais porté de montre-bracelet, vous boutonnez rarement les manches de vos chemises, la veine est libre et l’évidence de votre pouls vous rassure : quelque chose vit en vous, la pompe fonctionne, le sang circule, la mécanique se maintient.
Vous avez si souvent l’impression d’être mort que vous vous étonnez parfois de ce que le cœur ne renonce pas.
Cahoté, vous vous laissez emporter, vous avez déniché une place assise à l’étage de ce RER, les passagers se tiennent au-delà du brouillard dont – par défense ou indifférence – vous savez si bien vous entourer : des silhouettes, des figurants sélectionnés par un chef opérateur consciencieux de capter en arrière-plan une fresque sociologique la plus réaliste possible : des hommes des femmes des adolescents des personnes racisées issues de l’immigration des grands des petits. Plusieurs langues sont parlées alentours, même si – dans leur écrasante majorité – les gens se déplacent seuls et se taisent. Vous voyagez dans la cohue ordinaire. Vous n’avez pas d’écouteurs, vous ne jouez pas sur un téléphone, vous ne lisez pas des courriels ni ne distribuez des pouces ou des cœurs sur les réseaux sociaux, vous attendez, flou, que le trajet, indécis, s’achève. À dire la vérité, vous n’avez aucune idée de l’endroit où vous vous trouvez, vous allez d’un point A – où s’est tenue une fastidieuse réunion avec des élus municipaux ne voulant rien entendre – à un point B, une gare – où vous prendrez un métro pour vous rendre à une autre gare, où vous monterez dans un TGV qui vous conduira à une gare lointaine, où vous attendrez un bus qui vous laissera en bordure du périphérique, où vous retrouverez le véhicule garé ce matin aux alentours de 6 h pour regagner votre domicile dans le bourg d’un village de banlieue. Ces allers et retours incessants entre votre maison et les villes nouvelles d’Île de France font partie des charges de votre emploi. Deux à trois fois par mois, vous vous déplacez pour aller rencontrer des élus, des agents territoriaux, des maires parfois.
Votre corps cette après-midi est particulièrement épuisé, vous peinez à ne pas fermer les yeux, à résister au tangage irrégulier du train.
Vous ne comptez pas les pulsations sous vos doigts, vous vous contentez d’apprécier la ténacité de leur rythme. La pompe charrie le sang, c’est aussi miraculeux que banal.
Comme souvent, vous avez glissé un roman dans votre sac à dos, pour meubler les déplacements, et comme souvent, vous n’en lirez pas une ligne.
Vous attendez, patient, absent, vous contentant de capter à la dérobée des détails du paysage dehors : des jardins ouvriers avec des serres sous plastique et des cabanons de tôles, une barre d’immeuble, un entrepôt, la saignée d’un échangeur ferroviaire, un canal où pèchent deux hommes, une grande enseigne. Se concentrer sur les détails protège d’essayer de penser au tout.
Quelqu’un éternue bruyamment et vous clignez des yeux. Lorsque vous les rouvrez, dehors, de l’autre côté de la vitre crasseuse, la présence d’un arbre vous frappe comme celle d’un animal en cage dans un zoo – petit fragment de nature encerclé par l’expansion urbaine – puis la ville reprend ses droits, elle s’étend en toutes directions, en tous sens, même s’il arrive qu’elle cède à un étang, encercle un cours d’eau, parque des pelouses piétinées.
La personne qui avait éternué recommence, la pensée des virus expulsés dans un espace clos vous traverse. Depuis les grandes pandémies des dernières années, les automatismes hygiénistes ont colonisé vos réflexes.
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Quelque chose comme de la colère vous traverse, vous savez qu'elle est injuste, qu'elle se trompe de cible, il n'empêche qu'elle est bien là, [...]
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Pour les curieux et les inconditionnels de Stephen King, un livre surprenant: “Ôter les masques, d’après Shining de Stephen King »
L’auteur Eric Pessan nous dévoile 217 textes courts sur le thème de ces fantômes tant redoutés non pas autour de nous mais à l’intérieur de nous mêmes, 217 bien sûr comme le numéro de cette terrible chambre de l’Hôtel mythique Overlook! ( se souvenir que dans le film de Stanley Kubrick que SK d’ailleurs n’adorait pas, la chambre maléfique porte bizarrement le numéro 237!)
A lire de préférence après avoir lu ou relu Shining.
Ce livre est malheureusement épuisé -et gentiment prêté par mon libraire- mais peut se dénicher dans des librairies d’occasion ou chez les bouquinistes parisiens.
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Au début, au tout début, une fois la surprise et la douleur passées, c'est la colère qui m'a fait tenir debout. J'avais beau avoir peur, être perdue, blessée, terriblement honteuse, paniquée, la colère l'a emporté sur les autres sentiments: une colère brute et puissante, énorme et rouge vif, une colère dirigée contre Piotr, bien sûr, mais aussi contre moi, pauvre cloche, qui me suis fourrée toute seule dans un piège terrible; une colère contre le monde entier où, à de rares exceptions près, il vaut mieux être un homme qu'une femme, où une fille ne sera jamais écoutée comme un garçon est entendu, où une femme est une proie et un homme, un prédateur, où l'on invente mille démonstrations, mille excuses, mille causes, mille malédictions, mille prétextes, mille justifications, mille arguments, mille versets, mille sourates, mille décrets, mille lois, mille raisons médicales, mille raisons physiologiques, mille mensonges pour soumettre les femmes au bon vouloir des hommes, où l'on invente de toutes pièces que les femmes sont plus faibles que les hommes, qu'elles doivent être soumises, dociles, obéissantes, dominées et commandées par les hommes.
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En exergue citation de Marielle Macé,
" Nos cabanes "

Faire des cabanes en tous genres- inventer, jardiner les possibles; sans craindre d'appeler " cabanes" des huttes de phrases, de papier, de pensée, d'amitié, des nouvelles façons de se représenter l'espace, le temps, l'action, les liens, les pratiques. Faire des cabanes pour
occuper autrement le terrain; c'est-à-dire toujours, aujourd'hui, pour se mettre à plusieurs.
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En exergue citation de Marielle Macé,
" Nos cabanes "

Faire des cabanes : imaginer des façons de vivre dans un monde abîmé .
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Nous avions le sentiment d'être une équipe, comme dans ces films à gros budget où des mercenaires s'associent pour faire sauter la banque ou sauver le village mexicain du racket des méchants desperados.

( p.139)
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Ne pas pouvoir mettre des mots sur un oiseau ou sur un arbre m'attriste; lâché en pleine forêt, je serais incapable de distinguer un végétal qui se mange d'un végétal toxique.J'ai beau manifester pour le climat, me sentir concerné par la cause écologique, je suis ignare face à la nature.Je manque de vocabulaire pour décrire ce qui m'entoure, pour qualifier les arbres et les insectes et les rongeurs et les rapaces. Je m'en tiens à des généralités, des mots tellement vastes qu'ils ne veulent presque rien dire (...)

( p.144))
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( *Killian)

Amazon est une machine de guerre, Bezos, un despote qui ne respecte aucune loi, qui casse autant qu'il peut le droit du travail.(...)
il ( *Killian) a essayé de dire tout ça, et bien plus encore.
On a applaudi à son récit.
Ceux qui avaient présenté leur exposé se sont mis à hurler de colère. Pas touche à leur idole.Bezos est à leurs yeux le summum de la réussite : riche, célèbre, il a inventé un système et il a raflé la mise, éclatante preuve de son intelligence.Rien n'aurait pu les faire changer d'avis, comme rien ne pourrait modifier les convictions de Killian.Ce n'était plus un débat sur l'économie ou la politique, c'était un débat philosophique sur le sens de la vie.
Dans la classe, il y avait une poignée d'élèves qui pensaient sincèrement que l'on avait le droit de marcher sur la gueule de n'importe qui pour devenir riche.Et une autre poignée- comme lui, comme moi, comme nous- qui pensait l'inverse: qui parlaient de respecter autrui, de respecter l'environnement, de partager au mieux les richesses, d'améliorer les conditions de vie plutôt que d'amasser des fortunes personnelles.
La grande majorité des autres élèves n'avaient pas d'opinion.


( p.141(
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