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EAN : 9782493426116
72 pages
Éditions de l'attente (22/04/2023)
4.29/5   7 notes
Résumé :
Le temps d’une nouvelle, Éric Pessan nous entraîne dans un quotidien qui bascule brutalement dans le fantastique. Tout commence par une banale agression dans un train de banlieue… Entre foule indifférente et migrants résilients, Untoten embarque dans un voyage troublant qui questionne les certitudes bien-pensantes. Indispensable pour, un jour, peut-être, savoir renaître.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« Vous êtes mort »

Ouvrir un livre d'Eric Pessan c'est entrer dans un autre monde, il faut se laisser porter par l'écriture, ne pas ramer à contre-courant et, une fois arrivé au port, laisser mijoter notre cerveau pour comprendre son langage imagé.

Un homme prend un RER en région parisienne. Une bagarre éclate pour une sombre histoire de portable. L'homme prend la défense des 2 jeunes noirs et s'attire les foudres de la bande et les autres passagers de regarder le sol lâchement

Lorsque le train s'arrête brutalement, tout le monde descend dans un no mans land, suit les rails et ou descend pour se retrouver dans une zone industrielle triste et isolée. L'homme ne sent plus son pouls, il serait mort, mais continue de marcher de descendre le talus, s'asseoir sur le sol contre un bâtiment. Des migrants noirs parlant allemand l'entourent et discourent sur les zombies et les morts-vivants.

Voici grosso-modo pour l'histoire écrite. Oui, mais voilà, derrière cette histoire il y en a une autre que je connais moins, protégée par ma vie campagnarde.

Le zombie est une personne à qui ont a enlevé le cerveau ou que l'on a décervelée, alors que le mort-vivant garde son cerveau. Ne sont-ils par untoten (non-mort) ceux qui prennent des bateaux pourris, sans gilet de sauvetage ? Ne sont-ils pas untoten c'est gens qui vivent dans la rue ? Mais, à l'autre bout de l'échelle ou en son milieu, ne sont-ils pas untoten ces gens qui face à une bagarre baissent les yeux et augmentent le son de leurs écouteurs. Ne sont-ils pas untoten ceux qui auraient voulu que celui qui prend la défense de l'agressé et se fait battre à mort, n'ait jamais ouvert la bouche. Ne sommes-nous pas tous untoten à un moment ou l'autre de notre vie ?

Eric Pessan dans son livre parle de nos pensées en cet instant où 4 jeunes gens d'origine arabe agressent un jeune noir pour une sombre histoire d'heure sur un portable. Oui, en cet instant, et nous l'avons tous connu, où l'incident est racisé, où les idées sombres de l'extrême-droite passe dans nos cerveaux. Oui, malgré nos idées autres, nous sommes imprégnés de celles de l'extrême-droite tant elles sont martelées par les chaînes de télévision et les réseaux sociaux. C'est en cela qu'elles ont gagné. Nos idées sont parasitées par leur doctrines malsaines et donc sommes morts-vivants j'espère plus mort-vivant que zombie. C'est une banalisation du racisme, de la peur de l'autre qu'il soit étranger, homo, d'une autre religion…. Enfin autre. Pourtant, ces personnes, rejetées, qui vivent dans la clandestinité sont là pour veiller l'homme et c'est un rayon de soleil (noir) dans le livre

Eric Pessan met le doigt dessus et lors de cet incident, je m'imagine dans le train, quelle serait ma réaction ?

Comment en si peu de pages, 69 exactement, Eric Pessan fait-il pour nous donner un texte si dense qui amène des réflexions qui restent en mémoire ? Parce que son écriture est forte, précise, concise, imagée.

J'ai aimé sa façon de dire vous en parlant de cet homme, l'écrivain parle à sa place, sont-ils la même personne ? Quelque part, je m'en moque. Eric Pessan est un écrivain qui touche l'aspect politique de notre monde dans ses romans où il nous amène à réfléchir. C'est « mon » sixième Pessan et j'en redemande.

Merci à Babelio et aux éditions L'Attente qui, grâce à une opération Masse Critique me permet de faire un nouveau bout de chemin avec Eric Pessan

Coup de coeur, coup de poing
Lien : https://zazymut.over-blog.co..
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Le roulis d'un train vous balance. Encore une journée accomplie. Une répétition à l'infini, sans que vous n'ayez jamais l'impression de pouvoir un jour assurer la présentation officielle de cette vie. Naviguer entre efforts et frustrations, dans un climat de peur tellement partagé qu'il en devient rassurant. C'est votre lot quotidien.

Puis la machine s'enraye. le train stoppe. 

Et un rideau tombe : vous étiez déjà sur la scène officielle, pour la présentation de la pièce de votre vie. Et vous n'aviez pas saisi que le public, votre public, suivait votre progression depuis les toutes premières minutes.

Le rideau tombe, avec vous ; vous êtes mort. Ou du moins dans les coulisses de la mort, puisque vous entendez ces hommes qui vous parlent, et que visiblement, ils suivent vos pensées. 


Se pourrait-il, alors que nos marches mécaniques dans des vies mornes ne sont plus que de purs réflexes, que tout s'arrête au beau milieu d'un chemin ? Cette belle nouvelle allégorique replace au centre, le sens même de nos vies, et nous ouvre à plus d'humanité. La plume d'Eric Pessan vous pique dès les premiers mots, et vous envoûte, le corps d'un côté, l'esprit de l'autre, et je sais déjà que son nom seul suffira dès lors seul à captiver mon attention.


Untoten = non-mort en allemand

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Ce texte dans lequel l'auteur s'adresse à l'homme en le voussoyant est magnifiquement écrit. L'écriture d'Eric Pessan est comme toujours, fine, délicate, élégante, précise et belle. Mais qu'il va m'être difficile d'en parler, tant il est dense et m'a chamboulé.

Je l'ai lu comme un cinquantenaire, ce que je suis, ce que sont l'homme du train et l'auteur du livre, qui espère toujours en des lendemains qui chantent mais les voit s'éloigner tous les jours un peu plus. Dont toutes les valeurs, tout ce à quoi il croit, la liberté, l'égalité et la fraternité ont du mal à exister encore. Sommes-nous libres dans un état qui réprime violemment les manifestations ? Sommes-nous égaux lorsqu'il suffit d'être d'une couleur de peau foncée pour se faire davantage contrôler -et pire encore-, lorsque l'orientation sexuelle devient une source d'injures et de violence, lorsque le fait d'être une femme vous expose ? Sommes-nous hommes lorsqu'un homme malmené dans un train ne reçoit aucun soutien -et je ne sais pas ce que j'aurais fait dans une telle situation-, lorsque certains archi-milliardaires se gavent pendant que d'autres ne trouvent ni de quoi se loger ni de quoi se nourrir ?

Il flotte dans l'air depuis plusieurs mois une ambiance pas saine, glauque, entre un gouvernement sourd aux manifestations, une guerre à nos portes, des réfugiés mal accueillis, des idées d'extrême droite qui deviennent virales et la base de discussions normales, que même le gouvernement et le président reprennent à leur compte, la planète qui n'en peut plus et donc des bouleversements climatiques en tout genre. Bref, ça va plutôt mal, et cela Eric Pessan le ressent et le transmet admirablement dans son texte, dans ses textes en général. Il parle de ce qui met mal à l'aise, cette seconde où l'on peut relier délinquance et immigration lorsque l'on est importuné par des jeunes aux peaux foncées, et ce regret immédiat d'y avoir songé, parce que cela va à l'encontre de toutes ses valeurs, mais l'ambiance, le relais médiatique et politique quasi permanent des idées fascistes et racistes, tout cela imprime en nous malgré tout...

Mais revenons au livre, et à ce qui concerne les Untoten. Eric Pessan, en mettant en scène des réfugiés qui se trouvent étonnamment l'allemand en langue commune, explique les différences entre zombies et morts-vivants et pourquoi nous sommes des zombies et pas des morts-vivants. le mort-vivant a un cerveau, il peut encore s'en servir, c'est d'ailleurs pour cela que pour l'anéantir il faut lui couper la tête. le zombie est un homme auquel on a ôté -ou lavé- le cerveau. Il n'est qu'un corps qui obéit aux ordres, qui courbe le dos "...il travaille, il ne connaît pas la fatigue, il ne connaît pas la révolte, il est un robot de chairs et d'organes, il accomplit mécaniquement les besognes dans de lents gestes vacants, le regard saccagé. Il est la masse laborieuse qui ne fera pas grève, ne demandera pas de meilleures conditions de travail..."(p.51)

Malgré un sentiment d'impuissance qui naît de cette lecture, voire du pessimisme sur notre avenir, celui de notre société et de la planète, il en ressort qu'il faut continuer de lutter pour ses valeurs, qu'il ne faut pas se résoudre à accepter les idées nauséabondes de l'extrême-droite, qu'il faut persister, expliquer, lutter. Un livre qui remue et dans lequel la foi en l'humanité persiste malgré tout.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Au milieu des dilemmes politiques quotidiens de ce qui semble désespérément ordinaire, une métaphore pulsatile de notre devenir-zombie.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/02/27/note-de-lecture-untoten-eric-pessan/

Publié en avril 2023 aux éditions de l'Attente, « Untoten » est peut-être bien l'un des textes les plus saisissants, à ce jour, d'Éric Pessan, qui a pourtant rarement manqué de nous surprendre et de nous réjouir au fil de ses chemins de traverse littéraire ces dernières années (que l'on songe par exemple, pour conserver un ordre vaguement chronologique, à des beautés telles que « Un matin de grand silence », « N », « Muette », « La fille aux loups » ou « le démon avance toujours en ligne droite »).

Dans un décor périphérique que ne renierait sans doute pas le Xavier Boissel de « Autopsie des ombres », décor pas tout fait Potemkine mais en tout cas marqué du dur sceau de l'infra-ordinaire terminal, décor où le train toutefois l'emporte sur la voiture – et où en conséquence, l' »Accident de personne », pour reprendre l'imaginaire superbe du texte de Guillaume Vissac, est nécessairement d'une nature bien différente, Éric Pessan nous propose en moins de 70 pages une redoutable incursion en direction de notre devenir-zombie. Au rythme d'une pulsation cardiaque – et donc d'une incarnation – dont la présence ou l'absence ferait toute la différence (illusoire, peut-être, ou même sans doute), il trame une métaphore diablement efficace (utilisant un registre bien distinct de celui du « Zone 1 » de Colson Whitehead, mais tout aussi rusé), où s'impose une réalité proprement clinique, inexorable, dont le mystère des déclencheurs et autres triggers résiste à l'investigation immédiate. Créant une poésie exquise à partir d'un désespoir (et d'une somme de dilemmes aussi politiques que quotidiens) méticuleusement banal, il nous prouve à nouveau toutes les ressources de son écriture et de son inventivité.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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C'est un drôle de livre, très difficile à décrire pour moi.

Le premier chapitre m'a franchement enthousiasmée : une écriture déstabilisante avec une narration à la deuxième personne du singulier (« vous contenez un bâillement»), la description d'une situation anodine extrêmement juste et subtile (une altercation dans un RER entre une bande d'adolescents racisés et un cinquantenaire blanc) et une chute déroutante (« Il faut vous rendre à l'évidence : vous êtes mort »). Cela pourrait être une nouvelle à part entière tant cela donne à réfléchir sur les interactions sociales, le racisme, les stéréotypes et leur intériorisation…
Et ensuite, le récit se poursuit avec une situation beaucoup moins anodine (la veillée de ce cinquantenaire mort par des personnes issues de l'immigration) qui permet à l'auteur de parler des parcours migratoires et de questionner sur les personnes impliquées (par exemple les passeurs, comment en sont-il arrivés là?).

Untoten n'est pas un livre facile, divertissant. On ne peut pas aborder sa lecture comme on aborderait la lecture d'un roman plus classique. C'est un livre qui parle de politique, de mort, qui questionne notre rapport aux autres, aux normes, à la morale. Je lui dois une autre lecture plus posée.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Au fil des années, le geste est devenu un petit rituel inconscient : l’index et le majeur de la main droite se portent au poignet gauche et écoutent battre le sang. Le geste est machinal ; trouver la veine, exercer une légère pression et la sentir pulser se fait sans réfléchir, il n’y a plus besoin de chercher, les doigts se posent d’emblée pile au bon endroit, là où la peau semble plus fragile, plus fine.
Souvent, vous écoutez battre votre cœur, vous n’avez jamais porté de montre-bracelet, vous boutonnez rarement les manches de vos chemises, la veine est libre et l’évidence de votre pouls vous rassure : quelque chose vit en vous, la pompe fonctionne, le sang circule, la mécanique se maintient.
Vous avez si souvent l’impression d’être mort que vous vous étonnez parfois de ce que le cœur ne renonce pas.
Cahoté, vous vous laissez emporter, vous avez déniché une place assise à l’étage de ce RER, les passagers se tiennent au-delà du brouillard dont – par défense ou indifférence – vous savez si bien vous entourer : des silhouettes, des figurants sélectionnés par un chef opérateur consciencieux de capter en arrière-plan une fresque sociologique la plus réaliste possible : des hommes des femmes des adolescents des personnes racisées issues de l’immigration des grands des petits. Plusieurs langues sont parlées alentours, même si – dans leur écrasante majorité – les gens se déplacent seuls et se taisent. Vous voyagez dans la cohue ordinaire. Vous n’avez pas d’écouteurs, vous ne jouez pas sur un téléphone, vous ne lisez pas des courriels ni ne distribuez des pouces ou des cœurs sur les réseaux sociaux, vous attendez, flou, que le trajet, indécis, s’achève. À dire la vérité, vous n’avez aucune idée de l’endroit où vous vous trouvez, vous allez d’un point A – où s’est tenue une fastidieuse réunion avec des élus municipaux ne voulant rien entendre – à un point B, une gare – où vous prendrez un métro pour vous rendre à une autre gare, où vous monterez dans un TGV qui vous conduira à une gare lointaine, où vous attendrez un bus qui vous laissera en bordure du périphérique, où vous retrouverez le véhicule garé ce matin aux alentours de 6 h pour regagner votre domicile dans le bourg d’un village de banlieue. Ces allers et retours incessants entre votre maison et les villes nouvelles d’Île de France font partie des charges de votre emploi. Deux à trois fois par mois, vous vous déplacez pour aller rencontrer des élus, des agents territoriaux, des maires parfois.
Votre corps cette après-midi est particulièrement épuisé, vous peinez à ne pas fermer les yeux, à résister au tangage irrégulier du train.
Vous ne comptez pas les pulsations sous vos doigts, vous vous contentez d’apprécier la ténacité de leur rythme. La pompe charrie le sang, c’est aussi miraculeux que banal.
Comme souvent, vous avez glissé un roman dans votre sac à dos, pour meubler les déplacements, et comme souvent, vous n’en lirez pas une ligne.
Vous attendez, patient, absent, vous contentant de capter à la dérobée des détails du paysage dehors : des jardins ouvriers avec des serres sous plastique et des cabanons de tôles, une barre d’immeuble, un entrepôt, la saignée d’un échangeur ferroviaire, un canal où pèchent deux hommes, une grande enseigne. Se concentrer sur les détails protège d’essayer de penser au tout.
Quelqu’un éternue bruyamment et vous clignez des yeux. Lorsque vous les rouvrez, dehors, de l’autre côté de la vitre crasseuse, la présence d’un arbre vous frappe comme celle d’un animal en cage dans un zoo – petit fragment de nature encerclé par l’expansion urbaine – puis la ville reprend ses droits, elle s’étend en toutes directions, en tous sens, même s’il arrive qu’elle cède à un étang, encercle un cours d’eau, parque des pelouses piétinées.
La personne qui avait éternué recommence, la pensée des virus expulsés dans un espace clos vous traverse. Depuis les grandes pandémies des dernières années, les automatismes hygiénistes ont colonisé vos réflexes.
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Combien faut-il de de jours de déracinements, de marche, de prises de risques et de traumatismes pour que ces jeunes gens précisément, ce soir, s'intéressent à un type d'une cinquantaine d'année, voûté, I'oeil vide, les mains sur les cuisses ?
Ils ralentissent à sa hauteur. L'homme ne bouge pas, il n'a plus rien à craindre, son portefeuille a disparu, comme se sont volatilisés son téléphone et e sac contenant son ordinateur et ses dossiers. Ouelles chances avaient ceux-là de rencontrer celui-ci ? Une prétendue règle surnommée théorie des six poignées de main voudrait que n'importe quel humain habitant sur cette planète soit relié à n'importe quel autre humain au travers d'une chaîne comprenant au maximum six maillons. Il est possible que l'homme adossé en silence ait déjà joué au jeu qui consiste de savoir à combien de poignées de main il se trouve de telle ou telle star. Pour lui, c'était assez facile, ses déplacements comme son travail l'ont conduit à croiser le chemin de personnalités politiques. Qui a serré une fois la main d'un chef d'état peut très rapidement dresser des itinéraires vers une quelconque célébrité. Mais quelle chance aurait-il eu de pouvoir entrer en contact avec ce garçon penche sur lui, né en Syrie, exilé, ayant transité par la Grèce puis séjourné quelques années en Allemagne avant de venir en France dans l'idée de gagner l'Angleterre ? Ce garçon pauvre, pratiquement sans famille, n'ayant jamais été en contact avec qui que ce soit d'important, il n'aurait jamais pu le joindre, il n'aurait jamais su son existence, comme il n'aurait jamais su placer son village natal sur une carte. Cette théorie des degrés de séparation n'agit qu'entre nantis. L'illusion de la proximité est rassurante, ces spéculations semblent bâties uniquement pour apaiser les angoisses de celles et ceux qui culpabilisent d'être nés du bon côté. Qu'ils serrent des mains à n'en plus finir, jamais les occidentaux opulents n'atteindront un éleveur Maassaï, un gamin dévasté par le sida dans une favela pourrie ou un mendiant amputé d'une jambe à la naissance vivant au ras de Lilongwe.
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La mort, la vie, il ne faut pas croire que c'est si simple. C'est bien le problème avec vous autres, en Europe, vous aimez les choses binaires, oui/non, noir/blanc, mâle femelle, vie/mort.
Déjà, il faut arrêter d'imaginer une route qui irait en ligne droite de la vie à la mort, il faudrait plutôt voir un cercle. La mort et la vie se touchent, ce ne sont pas deux états éloignés.
Et puis, ce ne sont pas les deux seuls états possibles. Entre la mort et la vie, il existe une infinité de conditions intermédiaires.
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Une question vous frappe soudain : se peut-il que le téléphone soit tombé alors que vous dévaliez le talus ? Vous avez envie de faire demi-tour pour vérifier, mais quelqu’un – dans ce cas – l’aura sans doute déjà ramassé et empoché.
À vrai dire, vous n’êtes plus sûr que les jeunes vous aient volé, vous vous reprochez de les avoir accusés sans preuve. Le chien, au loin, continue inlassablement d’aboyer. Peut-être est-il perturbé par le passage inhabituel des voyageurs descendus du train. Peut-être aboie-t-il chaque jour ainsi, chaque heure, sans que personne n’y trouve à redire, sans que personne nulle part ne le frappe pour le faire taire ou ne cherche à comprendre les raisons de sa rage.
Machinalement, de l’index et du majeur de votre main droite vous exercez une pression sur votre poignet gauche et vous cessez tout à fait de marcher. Une stupeur glacée enserre votre estomac. Vous avez beau maintenant appliquer des pressions de plus en plus fortes, vous ne trouvez pas le petit battement métronomique du sang qui va en vous.
Vous desserrez votre col, vous comprimez votre cou en plusieurs endroits mais veines et artères se cachent. Votre sang est devenu muet. Vous quittez cette arrière-cour maintenant abandonnée, les derniers passagers sont passés voici un petit quart d’heure. Vous débouchez sur une rue partiellement déserte : des voitures garées, des commerces fermés, aucun arrêt de bus où vous pourriez trouver un plan ou – au moins – le nom de la ville où vous êtes en ce moment. Étourdi, vous faites une expérience que vous avez observée dans les films historiques, vous vous approchez d’une vitrine, soufflez à quelques centimètres du verre. L’absence de buée est une preuve supplémentaire de cette idée que vous refusez d’envisager sérieusement. Une lumière incertaine vous éblouit, un vertige manque de vous précipiter au sol. Le doigt ne trouve toujours rien à la veine du poignet. Il faut vous résoudre à l’évidence : vous êtes mort.
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Au fil des annees, le geste est devenu un petit rituel inconscient : I'index et le majeur de la main droite se portent au poignet gauche et écoutent battre le sang. Le geste est machinal ; trouver la veine, exercer une légère pression et la sentir puser se fait sans réfléchir il n'y a plus besoin de chercher, les doigts se posent d'emblée pile au bon endroit, là où la peau semble plus fragile, plus fine.
Souvent, vous écoutez battre votre cœur. vous n'avez jamais porté de montre-bracelet, vous boutonnez rarement les manches de vos chemises, la veine est ibre et l'évidence de votre pouls vous rassure : quelque chose encore vit en vous, la pompe fonctionne, le sang circule, la mécanique se maintient.
Vous avez si souvent l'impression d'être mort que vous vous étonnez parfois de ce que le cœur ne renonce pas.
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Videos de Éric Pessan (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Éric Pessan
Le jeudi 25 mai 2023, les éditions Aux forges de Vulcain, représentée par David Meulemans, ont présenté aux libraires les deux romans qu'elles publient à la rentrée littéraire 2023 : MA TEMPÊTE d'Eric Pessan et AVANT LA FORÊT de Julia Colin. Ces deux romans sortent le vendredi 25 août 2023. Cette présentation est destinée à des professionnels du livre, qui doivent, au sein d'une rentrée littéraire de quatre cent titres, se répartir des lectures, et les faire pendant l'été, pour pouvoir à la rentrée conseiller des romans aux lectrices et lecteurs. Par manque de temps, l'exercice n'a pas été préparé. Nous sommes donc loin d'un standup à l'américaine, millimétré. Mais c'est cette raison même qui nous fait aimer cette vidéo : David commence sa présentation, et là, cela prend un tour inattendu car la diffusion avait prévu une surprise, une explosion de cotillons, pour fêter le succès du roman de Gilles Marchand, LE SOLDAT DESACCORDE. La "diffusion" ? La diffusion, c'est ainsi que l'on nomme dans le monde du livre les personnes qui font le lien entre les maisons d'édition et les libraires. Bien sûr, une maison d'édition a des liens directs avec les libraires. Mais la diffusion met au service des livres publiés toute une armée de personnes qui permettent d'apporter, à toutes les librairies francophones, de Paris à Santiago, les informations requises sur les nouveautés. Sans la diffusion, il n'est guère possible de donner à un livre l'écho qu'il mérite. Merci aux diffuseurs et à leurs représentantes et représentants !
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