À travers l'histoire vraie de son père, l'écrivain Iegor Gran raconte dans son dernier roman "Les Services compétents" (éd. P.O.L, 2020), l'histoire ce qu'il appelle "la colonne vertébrale de la société", le KGB. En effet, Andreï Siniavski, père de l'auteur, publia en 1959 dans la revue "Esprit" un texte pamphlétaire dans lequel il critiquait le réalisme socialiste. Recherché pendant de nombreuses années, il finit par être arrêté, jugé puis emprisonné en 1966 dans un camp durant cinq ans et neuf mois.
La Grande table Culture d'Olivia Gesbert émission du 5 février 2020
À retrouver ici : https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/saison-26-08-2019-29-06-2020
Abonnez-vous pour retrouver toutes nos vidéos : https://www.youtube.com/channel/UCd5DKToXYTKAQ6khzewww2g/?sub_confirmation=1
Et retrouvez-nous sur...
Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture
Twitter : https://twitter.com/franceculture
Instagram : https://www.instagram.com/franceculture
+ Lire la suite
Vous avez entendu applaudir le verdict qu'on vient de vous signifier, de prononcer sur vous ? Une salle joyeuse, acharnée, applaudissant, à faire tomber le plafond, l'acte d'accusation qui vous enterre, vous, pauvre hère qu'une escorte, selon la loi, va emmener hors du tribunal, mais ce n'est pas encore fait, vous n'avez pas bougé, vous êtes en vie, et la salle, solidaire de ce qui vous punit, tambourine à pleine panse, vous saluant et vous resaluant de salves d'applaudissements en pleine gueule ; heureuse de vous voir balayé, et justement condamné à cinq ans, à sept ans, à quinze ans, à la peine suprême - et pas de pirouette pour échapper à votre responsabilité. Pour criminel que vous soyez alors, quelque faute qu'on vous impute, vous vous réjouirez, croyez-moi, vous vous réjouirez avec un frémissement de l'âme de ce qu'il existe des hommes encore pire que vous ne le pensiez, et inférieurs à vous puisqu'ils osent fêter l'infortune d'autrui avec cette franchise, avec cette humaine candeur.
La propagande ennemie a infecté vos collaborateurs. Votre devoir, lieutenant-colonel, est de renifler personnellement ce cul-là. Quelques dizaines de jeunes gars, choisis parmi les miliciens. Point d'impair. Des manières civilisées. Chapeau, cravate, dîner au restaurant. Une promenade au grand air... Nos chers petits veulent goûter de la verdure... Pas de coups de pistolets avant la grande colique. Vous pouvez tout de même emporter une paire de mitraillettes, ça peut servir. Pincez sans bruit les Tikhomirov et autres gueulards. Rouvrez la prison. Rétablissez la liaison téléphonique avec N. Pas de répression, hein!... Ne cassez pas trop de bois. De la discipline. De la légalité. Autorisation de pincer les tétons des filles, mais plus bas, nenni. Pas de développement du culte de la personnalité. Je vous donne vingt-quatre heures pour cette désinfection. Et bonne chance!
Et eux qui marchent, qui marchent en ce moment. Et pendant que moi, ici, je vis, pendant que nous tous nous vivons - eux vont marcher, toujours marcher ......
Il ne s’agit pas de savoir comment ils écrivent, mais quelle soif d’écrire les possède !
(Graphomanie)
Le véritable écrivain est celui qui n’écrit pas. [...] ce qui ne l’empêche pas de penser à son écriture en continu, elle le démange et le rend malade, c’est son espoir et sa malédiction. [...] on ne fait pas plus mauvais lecteur qu’un écrivain.
(Préface par son fils Iegor Gran)
Jusqu'au moment où il bute au milieu d'une strophe. Tout son corps penche en avant. Il claque des lèvres dans le vide. Comme pour happer les mots envolés de sa mémoire. On dirait un noyé qui happerait l'air avant de couler. (25)
S i le papier est nécessaire, c'est pour pouvoir s'oublier soi même dans sa blancheur.
Lorsqu'on écrit, on plonge dans la page et on resurgit à la surface avec une pensée, avec un mot.
Ce que j'ai ressenti de plus intéressant au cours de ces premiers jours et de ces premières semaines de liberté, c'est la sensation d'être un mort revenu au festin de la vie.
En regardant les gens, souvenez vous de leur naissance encore si récente, ou de leur enfance, ou de leur mort prochaine - et vous les aimerez : tant de faiblesse !
Parfois, aux heures libres, il se plonge toujours dans la lecture du même livre - c'est presque trop beau pour être vrai : Koralis lit "L'enfer" de Dante....