Michèle Bernstein - "
Tous les chevaux du roi"
Le 14 septembre 1960,
Pierre DUMAYET s'entretient avec
Michèle BERNSTEIN au sujet de la publication de son premier roman "
Tous les chevaux du roi". Ils abordent les différents sujets dont il est question dans le roman, puis la morale des couples dont elle raconte une tranche de vie.
Pierre DUMAYET mène cet entretien à bâtons rompus et termine en évoquant l'exercice de style, moyen pour la jeune femme de montrer son talent d'écrivain.
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Notre trio qui, de l'extérieur, plaisait, manquait gravement de cette cohésion interne qui fait durer les liaisons, ou permet les amitiés. Dans ces frontières, rien n'avait l'air vrai.
Inconsciente de cette disgrâce, Hélène pourtant ne trouva jamais sa place. Elle compensa vainement sa gêne, et on ne sait quelle culpabilité, par un excès de politesse malvenu. Dans une Sibérie de mondanités, cette rivière glacée demandait chaque fois plusieurs heures de travail, et la débâcle était sans surprise. Tant d'efforts rendaient l'exploitation peu rentable.
Hélène avait été au centre d'un groupe, qui s'était défait. Sa présence en avait donné l'équilibre, mais plus tard elle se trouva inutile comme un escalier d'honneur dans les ruines d'un château. Hélène n'avait pas changé, mais le changement de la perspective avait aboli sa fonction.
Nous cessâmes de la voir pour toutes ces raisons, et pour aucune, par tristesse. N'ayant rien à lui reprocher, je me refusai à l'affronter, et lui fis une mauvaise querelle par téléphone.
Le diable nous emporte loin de nos belles amies. Rien à boire, malheureusement, mais cette nuit près d'elle. Mais tous les jeux redoutables du temps. Et votre teint sentait encore son enfance. Ici encore nous allons dans la nuit. (...) Au milieu de la jeunesse, au milieu de la rue Daubenton, dont voici la fin.
Le jour suivant était un dimanche. J'étais décidée à m'ennuyer, et je m'ennuyai. Ce village plein de touristes me donnait envie d'asphalte, de vitrines, de feux rouges. J'aurais aimé le métro. Au lieu de dîner, je pris la voiture et partis. Je voulais voir une ville, j'allai jusqu'à Nice, et je me précipitai dans un cinéma. En sortant, il faisait presque nuit. Un peu ahurie, je m'assis à une terrasse. Puis je marchai, j'entrai dans une brasserie. Je mis des pièces dans le juke-box, je fis plusieurs parties de pin-ball, comme si j'avais jamais aimé cela : je me désolai aux tilts. Je m'amusai consciencieusement.
De quoi t'occupes-tu exactement ? - De la réification. - Je vois, c'est un travail très sérieux avec de gros livres et beaucoup de papiers sur une grande table. - Non, je me promène. Principalement, je me promène.
Elle considérait l’amour comme une stratégie, un divertissement dans lequel elle ne voulait rien miser, ni rien risquer, et surtout pas un attachement de cette sorte.
Je me réveille toujours plus tôt dans un lit dont je n'ai pas l'habitude.