Entretien chez Thinkerview :
Lilian Thuram : Football, racisme et géopolitique
Tous les enfants connaissent les fables de La Fontaine. Il serait bon que les professeurs expliquent le lien entre Esope et La Fontaine, le Noir et le Blanc. Dire aux élèves que l'intelligence n'a pas de couleur, c'est éduquer contre le racisme avec sensibilité, intelligence et humour.
La bibliothèque municipale étant interdite aux Noirs, il faudra la bonne volonté d'un Blanc qui lui prête sa carte de lecteur pour qu'il puisse emprunter des livres à son nom. Il apporte chez lui ces trésors enveloppés dans du papier journal, comme des produits de contrebande.
Martin Luther King
[...] quand vous sentez votre langue se nouer votre voix vous manquer pour tenter d'expliquer à votre petite fille de six ans pourquoi elle ne peut pas aller au parc d'attractions qui vient de faire l'objet d'une publicité à la télévision ; quand vous voyez les larmes affluer dans ses petits yeux parce qu'un tel parc est fermé aux enfants de couleur [...]
Le jour de 1999 où j'ai serré la main de Mandela, j'aurais aimé qu'il m'explique comment l'apartheid a été possible, cent ans après l'abolition de l'esclavage en France et trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Je n'arrive toujours pas à comprendre que les pays occidentaux, qui avaient vaincu le nazisme, aient pu soutenir l'Afrique du Sud raciste et n'aient pas plus activement réagi à ces lois de 1948 ! Comment le système de l'apartheid, en contradiction totale avec les principes des Nations unies, a pu jouir jouir d'une telle "complaisance" de la part des États occidentaux, que ce soit la France (et ses droits de l'homme), la confédération helvétique (et sa Croix-Rouge), l'Angleterre (et ses grands principes), les États-Unis... jusqu'à l'Israël !
Et n’oubliez jamais, la couleur de la peau de quelqu’un ne détermine en rien ses qualité et ses défauts.
Lorsque je vais dans les écoles et que demande aux enfants combien il existe de races, ils me répondent invariablement "la blanche, la noire, la jaune et la rouge" et détaillent leurs qualités inhérentes. Cela montre clairement que la déconstruction du racisme n'a jamais été une priorité de l'enseignement.
J'ai remarqué la série d'explications avancées au cours de l'Histoire pour justifier la réussite d'un Noir. D'abord, il est affirmé que " les athlètes noirs sont incapables de ceci ou cela"...Puis, quand ils y arrivent, le réflexe premier est d'invoquer la "chance". [...] Enfin, quand on s'aperçoit que les Noirs continuent à "être capables", et qu'invoquer la chance n'est plus possible, on dit que c'est "naturel pour eux", c'est physique, c'est génétique, c'est morphologique, c'est physiologique, bref, c'est tout ce qu'on veut sauf le résultat de leur intelligence et de leur travail.
Cela me rappelle un voyage en Afrique du Sud sur la compagnie Air France. L'hôtesse annonce que nous allons voir un film africain en "langue originale". Je lui fais remarquer que l'Afrique est un continent composé de nombreux pays et de centaines de langues. "Pourriez-vous annoncer un film européen en langue originale ?"
Cette ignorance a pu autoriser un président de la République française, Nicolas Sarkozy, à dire : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. » Cette phrase est caractéristique de la façon dont se construit la pensée blanche : elle est prononcée en Afrique par un homme puissant qui défend les intérêts de l’Occident sur le monde et affirme ce sentiment de supériorité que les Blancs doivent avoir à l’égard des Noirs.
"Nous possédons une origine unique : nous sommes tous des Africains d'origine, nés il y a 3 millions d'années, et cela devrait nous inciter à la fraternité."
Yves Coppens