Les Editions Alidades s'attachent depuis plusieurs années, à nous faire connaître les peuples de la Sibérie Orientale et leurs traditions populaires au travers de leurs nombreux contes.
Avec leur recueil «
le crache-tonnerre », paru en 2017, on faisait déjà connaissance avec les traditions des Bouriates (les Mongols de Russie), qui pratiquent pour la plupart le chamanisme sur le pourtour du lac Baïkal.
Les forces de la nature jouent un très grand rôle dans les croyances de ces peuples, qui ont une parfaite connaissance de leur environnement naturel. Ils vénèrent le créateur de la nature, qui pour eux est Tengri.
Dans un autre recueil « Savraska – le claque-lèvres », paru en 2021, en plus des Bouriates, les Editions Alidades nous permettaient de connaître au travers de leurs contes les autres peuples de la Sibérie Orientale des Tofolars et des Evenks.
Les Tofalars (appelés aussi Tofas) sont d'origine turcophone et montagnarde, avant d'être « russifiés », et il n'en subsiste que moins d'un millier aujourd'hui.
Les Evenks, eux, font partie du groupe culturel des Toungouses, qui se répartissent entre le Nord-Est de la Chine et la Sibérie.
En lisant ces premiers recueils, on se rendait vite compte que ces peuples vivent littéralement en symbiose avec la nature, et qu'ils sont des observateurs attentifs des attitudes, des comportements et des habitudes de vie des animaux sauvages qui les entourent, qu'ils aiment, admirent, et protègent.
Ce dernier recueil paru en 2023, «
Anioutka & autres contes de Sibérie Orientale », contient douze contes des traditions des Evenks et des Bouriates, et un conte russe.
Il est question ici de la magie mauvaise des chamanes, de héros légendaires et chevaleresques, de métamorphoses et d'âpres combats, de steppes immenses et de forêts profondes.
Ces contes-ci, davantage que les précédents, mettent l'accent sur les structures et les relations de pouvoir.
Les khans (dirigeants de l'empire mongol comme Gengis Khan), les noyones (chefs locaux sous l'autorité du khan à l'époque de la domination mongole sur la région du Baïkal), les chamanes (le plus souvent tyranniques et malfaisants), s'affrontent aux bogatyrs et aux bators, qui sont des héros de l'histoire médiévale russe, téméraires, indomptables et bien évidemment libérateurs, représentatifs d'un imaginaire historique et politique aisément identifiable, dont la vision soviétique du monde n'a guère eu de mal à s'accommoder !
Un parmi les contes que j'ai préférés est « Amorgol », qui est le nom d'une jolie Bouriate, dont certains racontent qu'elle a capacité à parler aux oiseaux et aux bêtes, à arrêter le vent, faire pleuvoir ou neiger, ou faire que le soleil brille toute l'année sans discontinuer.
Dans le seul conte russe de ce recueil-ci, le héros est un gamin qui a demandé à un forgeron de lui faire un sabre de bogatyr pour combattre un terrible dragon du nom de Gorynytch qui s'empiffre de noix de fer ! Ce sabre de héros devrait lui donner force et audace bien nécessaires…
Dans « Ienisseï et le chamane », Ienisseï est le nom d'un lac, qu'un malfaisant chamane a enfermé avec de nombreux et énormes rochers pour l'empêcher de s'agrandir…
A la lecture de certains de ces contes, on s'étonnera de retrouver des schémas dramatiques et des thèmes qui nous sont familiers depuis
l'enfance : ainsi du haricot magique, des brigands protégeant la jeune fille, du cercueil de verre où repose la belle.
Il est probable que des traditions d'origines différentes se sont croisées, ont cohabité, et ont engendré un espace imaginaire commun, au sein duquel il est certainement bien difficile d'identifier la source historique de telle ou telle figure !
Ce recueil a pour titre «
Anioutka » et l'image choisie pour accompagner et illustrer ce titre, représente des fleurs de pensée. Cette association choisie est parfaite, car la fleur de pensée est désignée en russe par les mots анютины глазки (anûtiny glazki) : « Les yeux d'
Anioutka » !