Ainsi, à l'intérieur d'une maison, danse un rayon de soleil, réfléchi par l'eau qu'on vient de verser dans un chaudron ou dans une jatte; secoué par le rapide tournoiement du liquide, il bondit en tout sens: de même, dans sa poitrine, un vertige emportait le cœur de la jeune fille.
Le divin Orphée prit en main sa lyre, et mêlant à ses accords les doux accents de sa voix, il chanta comment la terre, le ciel et la mer, autrefois confondus ensemble, avaient été tirés de cet état funeste de chaos et de discorde, la route constante que suivent dans les airs le soleil, la lune et les autres astres, la formation des montagnes, celle des fleuves, des nymphes et des animaux.
Attirés par la douceur de ses chants, les monstres marins et les poissons mêmes, sortant de leur retraite, s’élançaient tous ensemble à la surface de l’onde et suivaient en bondissant le vaisseau, comme on voit dans les campagnes des milliers de brebis revenir du pâturage en suivant les pas du berger qui joue sur son chalumeau un air champêtre.
Tels que des jeunes gens qui, dansant au son du luth autour de l’autel d’Apollon, [...] attentifs aux accords de l’instrument sacré, frappent en cadence la terre d’un pied léger : tels les compagnons de Jason, au son de la lyre d’Orphée, frappent tous ensemble les flots de leurs longs avirons.
Orphée avait fini de chanter, et chacun restait immobile. La tête avancée, l’oreille attentive, on l’écoutait encore, tant était vive l’impression que ses chants laissaient dans les âmes.
POÉSIE ANTIQUE – Méditation sur la Toison d’or (France Culture, 1976)
L’émission « L'autre scène ou les vivants et les dieux », par Claude Mettra, diffusée le 29 novembre 1976 sur France Culture. Présences : Claude Gaignebet et Denise Barrère. Lecture : Murielle Corneille.