Le lendemain, aussitôt que l'aurore eut frappé de ses rayons le sommet des cieux, on se rembarque à la faveur du zéphyr, on lève avec joie les ancres, et on déploie les voiles. Le vent qui les enfle porte bientôt le vaisseau à la vue d'une île couverte de fleurs, et d'un aspect riant. Elle était habitée par les Sirènes, si funestes à ceux qui se laissent séduire par la douceur de leurs chants. Filles d'Achéloüs et de la Muse Terpsichore, elles accompagnaient autrefois Proserpine et l'amusaient par leurs concerts, avant qu'elle eût subi le joug de l'hymen. Depuis, transformées en des monstres moitié femmes et moitié oiseaux, elles étaient retirées sur un lieu élevé, près duquel on pouvait facilement aborder. De là, portant de tous côtés leurs regards, elles tâchaient d'arrêter les étrangers, qu'elles faisaient périr en les laissant consumer par un amour insensé. Les Argonautes, entendant leurs voix, étaient près de s'approcher du rivage ; mais Orphée, prenant en main sa lyre, charma tout à coup leurs oreilles par un chant vif et rapide qui effaçait celui des Sirènes, et la vitesse de leur course les mit tout à fait hors de danger.
POÉSIE ANTIQUE – Méditation sur la Toison d’or (France Culture, 1976)
L’émission « L'autre scène ou les vivants et les dieux », par Claude Mettra, diffusée le 29 novembre 1976 sur France Culture. Présences : Claude Gaignebet et Denise Barrère. Lecture : Murielle Corneille.