La Croisade, prêchée par le pape Urbain II à Clermont en 1095, a largement contribué à faire de la croix un emblème et à relancer son culte : désormais le droit d’asile, jusque-là réservé aux églises, est étendu aux croix qui vont se multiplier tout au long des itinéraires des pèlerins. Des dates, portées sur les croix, rappellent cet événement capital : on découvre le millésime « 1095 », sur la croix de la fontaine Saint-Sagittaire, à Saint-Setiers, et « 1009 », à Saint-Merd-les-Oussines. Ce dernier millésime, a priori insolite, était célébré comme une année de deuil pour la chrétienté, parce qu’il évoquait la destruction du Saint- Sépulcre par le calife Hakim.
Mais la croix de Saint-Merd est encore plus éloquente par son millésime : il s’agissait, en effet, d’une croix de bornage du prieuré de Fournol qui était une dépendance de la commanderie sépulcrine de la Vinadière : c’est donc bien la mémoire du Saint-Sépulcre qui est en cause. Bien entendu, ces indications mémoriales ont été reportées au cours du renouvellement des croix. Au lendemain de la prise de Jérusalem par les Croisés (1099), deux ordres de moines-chevaliers sont créés pour protéger les pèlerins : les Templiers et les Hospitaliers. Un peu plus tard s’ajouteront les Sépulcrins et les Antonins. Bénéficiaires de nombreuses donations en Occident, les deux ordres majeurs s’installèrent sur les territoires délaissés par l’occupation monastique. C’est ainsi que les chevaliers du Temple s’implantèrent dans le fief des Ventadour, où ils sont à l’origine de la fondation de 13 paroisses, dont Bellechassagne, Chavanac, Courteix, Comps (Peyrelevade), la Vinadière et Féniers. Mais des transferts d’ordres s’opérèrent par la suite, la commanderie de la Vinadière passant à l’Ordre du Saint-Sépulcre en 1263, tandis que celle de Comps était rattachée à Féniers en 1308.
Les croix les plus remarquables de la Corrèze nous ont fourni un inventaire de 174 monuments. Ce total, relativement modeste, cache en réalité une grande disparité. On compte 125 croix pour la montagne limousine, 26 croix pour la Basse-Corrèze et 23 croix pour la Xaintrie. Une telle inégalité pourrait s'expliquer, en premier lieu, par la différence entre matériaux résistants de la montagne (granite et granulite) et matériaux plus tendre du Bassin de Brive (grès et calcaire). Mais cette opposition a été accentuée, dans la vicomté de Turenne, par les guerres de Religion qui ont exercé un vandalisme sélectif sur les croix et le patrimoine religieux.