Habana Réquiem

Des Adventistes du 7ème Jour décident de vivre reclus en attendant l'Apocalypse, qui punira les pêcheurs et sauvera les âmes pures. Ils expliquent aux inspecteurs de la Mazmorra, du district de la Vieille Havane, qu'un tsunami dévastera l'île. C'est la raison pour laquelle ils célèbrent une messe de Requiem pour la Havane qui donne son titre au roman.
Or le contact avec les âmes, ou plutôt les corps des défunts, c'est tous les jours pour les agents de la Mazmorra. L'île n'est plus épargnée par la violence. Les crimes sont en constante augmentation même s'ils sont loin d'être aussi nombreux que dans les autres îles de la Caraïbe.

Dans son nouveau polar, Vladimir Hernández opte pour un roman choral plutôt musclé qui met en scène plusieurs figures de la police de la Habana Vieja. Puyol, le vétéran, Eddy, la tête brûlée aux manières expéditives, Ana Rosa, la jeune et belle arriviste, enquêtent respectivement sur un suicide suspect, un homicide lié au trafic de stupéfiant, et un violeur en série.

Plus que jamais, le polar nous tend un miroir et le reflet n'est pas beau à voir. Le « paradis socialiste » est en passe de devenir une nouveau Santo Domingo ou un nouveau San Juan. Sans compter les relations raciales qui se tendent, les populations qui se marginalisent, alors que l'île s'ouvre chaque jour davantage au tourisme pour faire entrer les devises.
La Havana Vieja n'est pas ici le joyau de la capitale si cher aux touristes. Le Malecón., la plaza de Armas , le Paseo del Prado, la Floridita, la Bodeguita del Medio font place aux façades décrépites, aux édifices qui tombent en ruine, aux jineteras qui cherchent les clients occidentaux dans les hôtels. Les difficultés économiques que connaît le pays atteignent tout autant les policiers de la P.N.R. (Policía Nacional Revolucionaria) qui ne sont guère mieux lotis que les autres. Leur quotidien est fait de débrouille, de système D, de petit arrangements avec la morale et avec la loi. Et ils n'hésitent pas à se salir (beaucoup) les mains. "Ser un buen poli implica a veces ensuciarse las manos".

Dans Habana Réquiem, Vladimir Hernández ne parle pas d'exil, thème recurrent dans la littérature cubaine. Il ne décrit pas non plus une capitale fortement marquée par l'histoire coloniale puis la Révolution. La Havana de ce Requiem apparaît au fil des pages comme une ville marquée par une pauvreté généralisée. Le crime « balayé » par l'action révolutionnaire, qui avait pris la mer pour Miami en 59 , est en passe de devenir le lot quotidien des habitants de la Vieille Havane. Ce second roman est plus abouti qu'Indomptable et on a hâte de lire la suite, Habana Skyline, qui paraîtra le mois prochain.