Quand je vous ai vue pour la première fois tout à l'heure, dans ce costume qui fait pendant au mien, dans les portraits de deux êtres dont je ne connais pas l'histoire, mais qui se sont aimés, j'ai ressenti un choc. Lorsque vous avez enlevé votre masque, j'en ai éprouvé un second. Ce doit être ce qu'on appelle dans les romans le coup de foudre. Seulement, cela ne s'avoue pas, du moins pas tout de suite. Que dois-je faire à present ? J'ai grande envie de vous revoir : mais, si je me suis si mal conduit, peut-être allez-vous me renvoyer.
— C'est Bénédicte... elle est merveilleuse!
L'épithète n'était pas excessive, car la jeune fille portait à ravir l'immense jupe de velours or à vertugadin qui faisait paraître si fine sa taille étroitement serrée dans le corsage rebrodé, s'ouvrant en carré sur la guimpe à bouillonnes. La petite tête dont les cheveux poudrés de violet étaient ornés de torsades de perles, reposait sur la fraise à godrons, soulignée par les cabochons étincelants d'un collier d'émeraudes. Des manches énormes à crevés de satin sortaient les petites mains surchargées de bagues qui maniaient négligemment un éventail de dentelle.
Quel était le secret de ces deux êtres qui, quatre siècles plus tôt, avaient été de chair, avaient aimé, avaient souffert et dont il ne restait plus que ces effigies extraordinairement vivantes ?
Il ne faut pas remuer les cendres... il faut les laisser mourir complètement, pour toujours ; après moi, elles seront dispersées, on n'en parlera plus et peut-être que la malédiction cessera.
Ce n'était pas un reproche que je vous adressais. La gaité est en vous et vous va bien. Elle est dans vos yeux comme dans votre sourire... un sourire qui doit faire tourner beaucoup de têtes.