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(01/01/1900)
5/5   2 notes
Résumé :
Pour la première fois, en 1993, la plus prestigieuse collection d'art moderne du XXème siècle est présentée au public français. Un évènement considérable à la mesure du mystère dont ces œuvres exceptionnelles ont été entourées pendant cinquante ans par leur propriétaire. Alain Boublil fait dans ce livre le portrait du plus secret des collectionneurs : Albert Barnes.

Personnalité fascinante, atypique, à l'avant-garde de son temps, redoutable polémiste,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Passionnante aventure que celle de la collection de l'étrange docteur Barnes. Alain Boublil, avec un enthousiasme communicatif et une belle érudition, raconte l'histoire hors du commun de ce fameux docteur Barnes, (1872-1951), issu d'une famille très modeste, qui va devenir l'un des noms les plus illustres dans le monde des collectionneurs.

Issu d'une famille « méthodiste » où l'argent manque très souvent, sa jeunesse se déroule dans un quartier des plus pauvres « The Neck » non loin des ghettos noirs de la ville de Philadelphie. C'est là qu'il découvre le racisme à l'encontre des Noirs : ce sera la lutte de toute sa vie. Sa mère remarque très rapidement toutes ses capacités intellectuelles. Il est admis, grâce à ses notes, à la Central High School de Philadelphie réservée aux pauvres méritants.

Devenu chimiste, il est l'inventeur de l'antiseptique oculaire Argyrol qui fera sa fortune. Guidé à la fois par son intérêt pour la peinture, sa sensibilité aiguë et aussi son manque de prédisposition pour devenir peintre, poussé par son désir d'ascension sociale dans cette ville très fermée de Philadelphie, doté d'une grande intelligence, il parvient par son côté méthodique voire rationnel, à édifier sa propre industrie pharmaceutique.

Grand amateur d'art, appréciant la philosophie et la psychologie, il pense très vite à un projet éducatif visant le peuple. L'accès à la culture pour tous vient rejoindre sa détermination quant à l'égalité des droits civiques des Noirs. Son terrain d'apprentissage : l'usine pour mettre en pratique ses théories.

La réputation artistique parisienne et l'effervescence qui en découle parvient jusqu'à Philadelphie et c'est à Paris qu'il va faire la connaissance de Gertrude et Léo Stein, d'Ambroise Vollard, Durand-Ruel, Rosenberg et surtout Paul Guillaume qui l'initiera à l'Art africain. « Toute l'Europe est touchée par le vent qui souffle à Paris, à Londres, aux Grafton Galleries, en 1910 et 1912, deux expositions coup sur coup sont consacrées aux post impressionnistes, catégorie qui va en fait de Cézanne et Lautrec jusqu'à Picasso…. A Cologne, dans le nouveau palais des expositions au Sonderbund, une gigantesque rétrospective est consacrée à Van Gogh avec plus de cent tableaux autour desquels sont présentées toute les tendances de l'Art contemporain, Gauguin, Cézanne, Picasso d'un côté, les expressionnistes allemands de l'autre, Dresde et Munich sont là avec Kirchner et Jawlensky, Munch le norvégien aussi. A Paris, les futuristes italiens ont débarqué » (page 111).

Plébiscitant une peinture innovatrice, avant-gardiste, bousculant les canons imposés par l'Académie, Il subit un nombre de critiques importantes face à la peinture qu'il défend jugée trop osée ou décadente. Son caractère provocateur ne le prédispose pas aux compromis. Il possède ses idées sur l'esthétisme, il laisse des écrits sur ce sujet. Il aurait pu se satisfaire de sa réussite sociale mais ne redoutant pas les polémiques, il passera une partie de sa vie à se faire des ennemis tout en cherchant à faire partie du milieu très conservateur de cette ville de Philadelphie mais il n'est pas homme à renier ses convictions. En un mot, Barnes est un être totalement atypique !

Tout au long de ses découvertes artistiques, de ses visites dans les musées, de ses voyages, il prend des notes et progressivement, son projet pédagogique prend forme.
A la création de sa Fondation, il envisage le statut d'un établissement éducatif. Nombre des enseignants recrutés sont de couleur. Et comme pour mieux faire comprendre à tous ceux qui n'ont jamais accepté sa personnalité, ni sa réussite, la Fondation sera ouverte au public deux jours par semaine sous condition d'inscription préalable. Il interdit aussi toute reproduction en couleur des oeuvres exposées : ces dernières ne devant jamais être déplacées.

Ce qui est passionnant dans ce récit, c'est de pénétrer ce monde de l'Art, de voir les toiles défiler sous nos yeux, d'en connaître les péripéties, de vivre l'histoire à plus de cent ans de distance de ces artistes révolutionnaires, de ces soirées du Bateau-Lavoir, des bouleversements que leur art dit « dégénéré » a suscité, du rejet et des incidents que cela a provoqué. « Cette peinture qui contient le grand message artistique du XXème siècle ». Nous vivons modestement dans une forme d'intimité avec les grands collectionneurs tels que Chtchoukine, Morozov, la famille Stein, en un mot c'est le quotidien de tout ce monde cosmopolite des arts et des lettres pendant près de dix ans jusqu'à la guerre qui est évoqué. Puis la guerre va modifier de nouveau le marché de l'Art. Cette biographie est un véritable dialogue avec l'Art contemporain.

Pendant les dix dernières années de sa vie, Barnes se consacre et se préoccupe du devenir de son institution pédagogique qu'il lègue à sa dévouée collaboratrice Violette de Mazia. Collaboratrice de longue date du collectionneur, elle veille au respect des exigences de ce dernier jusqu'à sa propre mort en 1988.

De par les statuts, c'est une petite université située à trente miles de Philadelphie et qui accueille principalement des Noirs, Lincoln University, qui hérite de la lourde tâche de nommer les nouveaux administrateurs chargés de gérer la Fondation. Un vrai défi d'autant qu'il faut moderniser les installations, veiller à la sécurité. La solution : lever des fonds. En conséquence, le 22 juillet 1992, le juge Louis D. Stefan accepte finalement deux entorses aux volontés de Barnes : prendre des photographies couleur des oeuvres aux fins d'un catalogue et une exposition itinérante.

En 1993, j'ai eu la chance de voir une partie de cette prestigieuse collection lors de sa venue sur Paris : exposition qui a inspiré à l'auteur cette biographie. Et bien sûr, je n'imaginais pas à cette époque qu'un jour je lirai ladite biographie. Encore un grand merci Bookycooky ! Tu as raison, c'est un must !

Mais surtout, l'an passé, à l'Orangerie, au détour d'une visite des Nymphéas, avec mes petits enfants, j'ai pu admirer les oeuvres qui ont appartenu à Pierre Guillaume et dont l'Etat a été le bénéficiaire, j'ai été subjuguée par ces toiles et cette lecture m'a permise de me familiariser avec Pierre Guillaume.

Depuis 2012, la Fondation a été déplacée au coeur de Philadelphie et les oeuvres ont conservé le même emplacement et si je comprends bien, les administrateurs ont veillé à respecter le même accrochage.


P.S. : Je suis désolée pour la longueur de mon commentaire mais j'ai cherché à le raccourcir et me suis trouvée dans l'embarras.
Je voulais aussi ajouter que la découverte de l'argyrol s'est faite aussi avec le chimiste associé Hille qui possédait la formule.
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J'ai découvert l'existence du Dr.Barnes grâce à une exposition ,"De Cezanne à Matisse, les grandes peintures de la fondation Barnes ", à Munich en 1995.
Une exposition exceptionnelle avec des oeuvres particulières jamais exposées jusqu'à cette date nul part, à part la collection elle -même qui se trouvait jusqu'à récemment à Merion , une banlieue de Philadelphie aux Etats-Unis.
Donc suite à cette exposition unique qui a voyagé par la suite à Paris et Washington,et que j'ai revu trois fois de suite, cherchant des informations sur la fondation Barnes j'ai croisé ce livre qui m'a pleinement satisfaite.Voilà pour la rencontre.
Quand à l'histoire, elle est passionnante. L'étrange docteur Barnes, qui grâce à un antiseptique l'Argyrole fait fortune dés 1910 , commissionne un peintre américain et par la suite entre les deux guerres le marchand d'art Paul Guillaume , pour qu'ils lui achètent des oeuvres d'art à Paris. L'homme qui s'y connaît que dalle, rassemble pour une bouchée de pain vu la situation économique de l'époque , une incroyable collection, achetée à la pelle , de Soutine ( j'en suis une fervente admiratrice, et ses plus belles pièces sont chez lui, le mec avait vraiment une chance inouïe ), de Cézanne, de Renoir, de Matisse, de Modigliani, du douanier Rousseau, de Picasso........
Avant sa mort, cet homme solitaire qui par la suite s'instruira sur l'art, et rassemblera aussi de l'Art africain et américain, fortement brouillé avec la haute société de Philadelphie et n'ayant pas d'enfant, couchera sur son testament comme héritier, Brown College , une université pauvre de noirs. Il ajoutera à cet héritage l'obligation de ne jamais sortir ces oeuvres d'Art de Merion , un musée qu'il fit construire dans la banlieue de Philadelphie. Un musée qui jusqu'à récemment était visité sur rendez-vous pris plusieurs mois à l'avance , et pour chaque heure une visite limitée à dix personnes . Brown College, vu l'état de ses finances et les coûts d'entretien, ne pouvant maintenir l'obligation du testament, début 90 la ville de Philadelphie dû voter une permission speciale pour sortir de Merion 83 oeuvres d'art qui firent le tour du monde, d'où ma rencontre avec Barnes et cette incroyable collection.J'ai eu la chance par la suite en 2000 de visiter Merion et voir toute la collection accrochée pièce par pièce par Barnes lui-même, un accrochage fabuleux et une collection unique au monde!
Aujourd'hui la collection a déménagé dans un bâtiment moderne et je n'en sais pas grand chose .
Ce livre je l'ai lu il y a longtemps mais c'est une histoire et une journée entière très particulière passée à Merion, qui ne me quittent jamais. Ayant mis le livre dans une liste que j'ai fait hier j'ai voulu partager cette histoire et ce livre qui font partis un peu de moi-même .

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Je dédie cette citation à Bookycooky :

Alors qu'il recherche chez Zborowski, des toiles de Modigliani qui vient de mourir à l'hôpital, au début de 1920, de pauvreté et d'orgueil, mais aussi de la drogue, de l'alcool et de la tuberculose, Paul Guillaume tombe sur le portrait d'un apprenti pâtissier et il découvre Soutine, cet émigré, lui aussi, juif lituanien, venue des faubourgs de Minsk. Plus jeune de trois ans que Guillaume, il est l'archétype de l'artiste maudit : une santé fragile, un caractère instable, une phobie de l'eau qui fait qu'il ne se lave presque jamais. Il est à lui tout seul un symbole de cette époque et de cette Ecole de Paris.

Il est arrivé en France vers 1911 et a connu Lipchitz, le seul sculpteur qui restera fidèle au cubisme toute sa vie et Modigliani. Il est d'une incroyable pauvreté. Un jour, il n'a plus un sou mais il veut absolument peindre une poule vivante. Un paysan accepte de la lui louer deux francs par jour. Or, il n'a que cinq francs. L'éleveur lui consent alors un rabais à conditions qu'il nourrisse le volatile. Il peindra pendant trois jours, sans manger …. la poule non plus d'ailleurs. Sa santé est fragile et il doit faire de fréquents séjours à Cagnes ou à Céret. Et c'est à cet homme que Guillaume devra sa fortune car il achète ce petit pâtissier de Cagnes pour une bouchée de pain.

Pages 155 / 156

NDL : C'est Barnes qui achètera un an plus tard tous les tableaux de Soutine pour 3000 dollars soit 60 000 francs de l'époque! Une bouchée de pain alors que Soutine lui aura gagné dix fois plus d'argent que depuis qu'il était arrivé à Paris. A partir de là, Soutine acquiert instantanément une certaine cote.
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A New York, on ne peut rester inactif. Progressivement se forme le projet d'une grande manifestation qui regrouperait toutes les tendances en Europe et à laquelle serait confrontée la jeune peinture américaine. William Glackens qui revient de Paris auréolé de ses contacts avec Picasso et Matisse rencontrés chez les Stein, est chargé d'organiser la partie américaine. Alfy Maurer à Paris, Max Weber qui a regagné New York entre-temps non sans que son départ ait donné lieu à une mémorable fête au Bateau-Lavoir, sont chargés de la partie internationale. Alfred Stieglitz s'occupe de l'intendance : il loue l'armurerie du 69ème régiment d'infanterie, située à l'angle de la 25ème rue et de Lexington Avenue pour 4000 dollars. D'où le nom de la manifestation : L'Armory Show.

page 111

L'impact de l'Armoy Show est considérable. La critique est évidemment partagée. L'establishment crie à la corruption des mœurs, qualifiant d'"explosion de tuiles" le "Nu descendant un escalier" de Marcel Duchamp, stigmatisant la volonté de laideur de Matisse avec le Nu Bleu. Son effigie sera même brûlée à Chicago par des étudiants contestant ces peintres contestataires. L'exposition connait néanmoins un succès de curiosité et est visitée par plusieurs dizaines de milliers de personnes entre le 17 février et le 15 mars 1913. On s'arrête devant la "chambre des horreurs" où sont placés les Fauves et les futuristes. Ne manque à l'appel que le groupe du Cavalier Bleu de Munich. Les Stein ont prêté certains de leurs plus beaux tableaux. Vollard aussi. Brancusi a envoyé ses marbres dont "Mademoiselle Pogany", acheté aussitôt par John Quinn et qui devient la figure emblématique de la nouvelle sculpture. Barnes vient également mais il n'est pas mûr pour de telles audaces. Il n'achètera qu'un Vlaminck fauve, les Figues, pour 162 dollars.

Page 114
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La période qui va de 1860 à 1914 est notre Siècle d'Or à nous. Elle se comparera un jour avec la Renaissance florentine, avec les fastes de la Venise de Titien et de Bellini, avec le Madrid de Vélasquez ou l'Amsterdam de Rembrandt et où Hals, Vermeer et Ruysdael venaient, de leurs villes voisines, vendre leur production.

Aujourd'hui, Les Ménines de Vélasquez sont au Prado, La Ronde de nuit de Rembrandt est toujours à Amsterdam, même si elle fut sévèrement critiquée à l'époque, La naissance de Vénus est encore tout près aux Offices de Florence, de ces villas des cousins Médicis desquels Botticelli avait reçu cette somptueuse commande, les Turner sont à Londres, comme les Van Eyck à l'Hôpital Saint-Jean de Bruges et la célèbre Vue de Delft de Vermeer au Mauritshuis de la Haye.

Les œuvres emblématiques de cette fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle ont été créées à Paris. Aucune d'entre elles n'est plus visible en France.

Page 144
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Un jour, il accompagne sa mère dans son village natal du New Jersey, Merchantville, pour participer à un camp d'été. Il y a de jeunes noirs. Pendant l'office, ils chantent. Il est bouleversé. Il affirmera bien plus tard et avec constance que c'est là, à huit ans, qu'il a eu ses premières émotions mystiques et artistiques et qu'il a eu envie d'approcher, pour mieux les comprendre, ses camarades noirs d'Amérique. Il comprendra progressivement que la grandeur d'un peuple, d'une race dépend de son aptitude à produire une culture originale et à apporter sa pierre à l'édifice de notre civilisation. Et il placera la musique noire américaine et la sculpture "primitive" africaine au plus haut rang, exhortant les descendants de ce peuple méconnu, ignoré, humilié sur la terre d'Amérique à être fier de ses racines et de l'héritage dont il est porteur.

Page 17
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Vidéo de Alain Boublil
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