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Midnight of the Soul tome 1 sur 1
EAN : 9781632158918
136 pages
Image Comics (13/12/2016)
5/5   1 notes
Résumé :
Joel Breakstone, a GI liberator of Buchenwald and brutally damaged goods, follows a path of vengeance that leads to redemption in a violent journey into his own heart of darkness—in a spiritual adventure from comics' contemporary master of crime and punishment, HOWARD CHAYKIN.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre. Il contient les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016, écrits, dessinés et encrés par Howard Chaykin, avec une mise en couleurs de Jesus Aburtov, et un lettrage réalisé par Ken Bruzenak.

Au début des années 1950, dans une banlieue de New York, Joel Breakstone est un ancien GI qui a participé à la libération du camp de Buchenwald. Depuis 5 ans, il n'a passé pas une seule journée sans être éméché. Il essaye de devenir écrivain, un auteur de polar de type hardboiled, tout en vivant des revenus de sa femme qui est journaliste de tribunal. Il se souvient régulièrement d'un moment au cours de la libération du camp où lui et Pete, un autre soldat, parcouraient les allées de Buchenwald, découvrant de hautes cheminées, des rails, des douches, des cellules. Ils sont arrivés devant un officier nazi debout qui tenait en joue un prisonnier juif agenouillé. Il y a eu des coups de feu : le prisonnier est mort, le nazi est mort, Pete est mort, Joel a été blessé. Au temps présent, Joel continue d'écrire sur sa machine à écrire, en se servant un verre, une clope au bec. La page qu'il vient de finir rejoint les autres dans la corbeille à côté de la table. Sa femme Patricia arrive et lui rappelle qu'il avait promis de ne pas boire avant 17h00. Elle lui reproche de ne pas ramener d'argent, que ça l'oblige à travailler. Steve DeRossi (le frère de Patricia) est dans le salon et il rappelle aussi à Joel que ce dernier lui a cédé la maison et qu'il pourrait le mettre dehors. Patricia et Steve partent ; Joel se met un vinyle sur la platine et se souvient que c'est l'alcool qui lui a permis de décrocher de la morphine, de son obsession pour les lignes parallèles, de son habitude de tourner en cercle à moto dans le jardin.

Joel Breakstone descend de sa moto dans le jardin, rentre dans la maison et se met à la recherche d'une bouteille d'alcool. Il ne trouve rien dans les placards, dans les tiroirs, dans la penderie, dans le réservoir de la chasse d'eau. Il boit un peu du parfum de sa femme. En fouillant dans sa coiffeuse, il trouve une boîte qui contient des photographies et une clef d'appartement. Il y découvre sa femme en sous-vêtements chics, en train de faire un numéro de strip-tease, en train de faire une gâterie à un afro-américain, en train de participer à un plan à trois. Dans un appartement de Manhattan, Patricia Breakstone (se faisant appeler Patsy Breedlove) a retrouvé son amant Darnell Cooley, un musicien afro-américain, joueur de saxophone. Elle l'embrasse à pleine bouche, s'agenouille devant lui et s'apprête à lui faire une fellation pendant qu'il s'allume une clope. Il est abattu d'une balle en pleine tête. Patsy hurle et trouve la présence d'esprit de s'enfuir. L'assassin n'arrive pas à la rattraper.

Après avoir dessinée Satellite Sam (2013-2015) une série de 15 épisodes écrite par Matt Fraction et réalisé une nouvelle histoire pour le personnage du Shadow The Shadow: Midnight in Moscow (2014), Howard Chaykin enchaîne avec une histoire complète originale. le lecteur retrouve plusieurs des marques de fabrique de l'auteur : un polar tordu (moins glauque et moins explicite que Black Kiss, 1988), l'amour du jazz (avec les boîtes de jazz et l'évocation d'Art Tatum, Benny Goodman, Sydney Bechet, Count Basie, Charlie Parker, Sonny Stitt), le goût des hommes bien sapés et des femmes aguicheuses, une vision de l'humanité peu reluisante. Il met en scène un homme à la forte carrure, assez musclé, mais vivant aux crochets de se femme. Joel Breakstone souffre à l'évidence d'un syndrome de stress port traumatique, suite à son service dans l'armée pendant la seconde guerre mondiale. La scène à la fin premier épisode pointe du doigt un moment en particulier, la mort de ce déporté. Mais au cours du récit, Joel Breakstone se rappelle que l'alcool a été d'une aide précieuse pour déjà se donner du courage sur les champs de bataille, à commencer lors de la bataille des Ardennes pendant l'hiver 1944/1945, et que son utilisation était généralisée parmi les troupes. le lecteur constate que l'auteur sait bien mettre en scène l'obsession de l'alcoolique pour pouvoir consommer sa dose, organisant sa vie autour de ces moments. le détail avec le parfum peut sembler exagéré, mais il est la marque de la dépendance au produit.

Le lecteur apprécie qu'Howard Chaykin ait opté pour une narration plus linéaire qu'à son habitude, permettant de s'immerger progressivement dans l'intrigue sans se sentir perdu par une présentation des faits non chronologique, ou par des personnages difficiles à situer. Au contraire, la situation de Joel Breakstone est d'abord exposée, puis sa découverte de la double vie de sa femme, et enfin il part pour Manhattan afin de la retrouver. L'auteur a choisi de raconter un récit ramassé dans le temps : la nuit de recherche dure 6 heures, et ramassé dans l'espace : l'action se situe à Manhattan, à part l'introduction et la conclusion. La distribution n'est pas pléthorique et les personnages sont aisément identifiables. La relative brièveté du récit (5 épisodes) permet au lecteur de garder à l'esprit tous les éléments de l'intrigue et de ne pas perdre le fil. Effectivement, d'heure en heure, les principaux personnages se croisent ou se manquent de peu, et le lecteur doit garder à l'esprit qui a appris quoi sur qui, qui est passé où quand. le scénariste entremêle les fils de chaque personnage, avec un art consommé de la structure, et en donnant les informations nécessaires au lecteur au bon moment. Ce dernier apprécie donc une forme de polar particulière, un dur à cuire à la recherche de sa femme, elle-même pourchassée par des ripoux et des membres du crime organisé.

Lorsqu'il choisit de réaliser une histoire d'époque, Howard Chaykin soigne la qualité de la reconstitution historique. Ce n'est peut-être pas apparent dans les 3 premières pages consacrées à la libération de Buchenwald, même si le lecteur peut déjà observer l'authenticité des uniformes et des armes. Ça devient une évidence avec l'apparition de Patricia Breakstone et sa magnifique robe à motif imprimé, qui lui colle au corps. du coup, le lecteur jette un coup d'oeil aux habits de son mari : tee-shirt noir, pantalon noir et gros croquenots. Est-ce à dire que seules les femmes ont droit à des toilettes soignées ? Non, dès que Patsy rejoint Darnell Cooley, le lecteur admire le tissu et la coupe de son pantalon, ainsi que le motif de sa cravate. le costume strict et élégant de Dion O'Hanlon est tout aussi impressionnant. Dans l'épisode 4, le lecteur peut apprécier l'élégance de la mise d'Earl et Lee, les 2 hommes de main qui accompagnent l'inspecteur Handy. Ces dames ne sont pas en reste, que ce soit les bas à couture, les escarpins à haut talon, les petits bibis et les modèles de boucle d'oreille. Par comparaison avec Black Kiss, l'artiste se montre moins explicite dans les tenues affriolantes et les pratiques sexuelles, se tenant à l'écart de représenter la nudité. Toutefois, s'il y prête attention, le lecteur peut observer un ou deux détails qui font réfléchir quant aux pratiques qu'ils sous-entendent, comme le nain habillé en couche et calot, et promené dans une poussette dans un bar.

L'artiste ne mégote pas non plus en ce qui concerne l'évocation de Manhattan à cette époque. Il faut attendre la fin du premier épisode pour commencer à percevoir ce travail, avec la façade de l'immeuble de Darnell Cooley, avec ses briques et son échelle incendie. Manhattan devient un personnage à part entière à partir du moment où Joel Breakstone y arrive à moto. Les cases des 2 premières pages de l'épisode 2 montrent les immeubles de l'île en vue de dessus, descendant progressivement dans la rue où se trouve Breakstone. le lecteur peut voir l'amalgame de plusieurs techniques, entre le traçage à partir de photographies et l'incorporation de photographies retouchées à l'infographie et l'adjonction de véhicules d'époque, et de figurants, et parfois de texture, par exemple pour les lames de parquet. Lors des scènes d'extérieur, le lecteur a donc l'impression de regarder une reconstitution photoréaliste du quartier concerné, bien intégré à la narration visuelle grâce à la mise en couleurs.

Jesus Aburtov utilise une approche naturaliste, tout en jouant sur les teintes pour augmenter la lisibilité de l'image, en faisant ressortir les éléments les uns par rapport aux autres. Il ne cherche pas à obtenir un rendu réaliste, conservant l'aspect un peu artificiel de l'infographie, exagérant un peu la plasticité de la peau. Pour autant, le lecteur n'éprouve pas l'impression d'une bande dessinée trop colorée pour enfant, ou dans un monde artificiel en plastique. le coloriste est en phase avec le dessinateur qui fait ressortir les personnages un peu exagérés pour leur visage, leur posture, sur un environnement réaliste soigné. le lecteur sourit en voyant que le lettrage a été réalisé par Ken Bruzenak, car il mérite lui aussi le qualificatif d'artiste. Il insère avec élégance le bruit de frappe de la machine à écrire, la mélodie du vinyle qu'écoute Joel, le vrombissement de la moto de Joel, la détonation assourdissante des coups de feu, etc. À chaque fois, il conçoit une police de caractère et une courbe spécifiques pour rendre plus visuel le son. le lecteur peut ne pas y prêter attention tout de suite, mais il n'y échappe pas quand un individu vomi sur son interlocuteur, avec une dimension visuelle écoeurante dans l'onomatopée.

Le lecteur qui découvre les personnages de Chaykin pour la première fois peut être un peu rebuté par leur apparence. Joe Breakstone a un énorme menton, Patsy a une taille de guêpe et un visage de poupée, Earl & Lee arborent un air de confiance en eux insupportable. En observant le comportement des personnages, le lecteur comprend progressivement qu'Howard Chaykin se montre assez cynique vis-à-vis du genre humain. Il ne s'agit de misanthropie à proprement parler, car il montre à la fois les limites intellectuelles des uns et des autres, mais en même temps il réussit à générer de l'empathie pour ces individus imparfaits, essayant de conserver une prise sur les événements. le lecteur peut comprendre la forme de dépression de Joel Breakstone du fait de ce à quoi il a réellement assisté à Buchenwald : être témoin oculaire de l'absence de sens de la vie. S'il a du mal à se projeter dans le style de vie de Patsy et accepter ses choix de vie, il compatit sur son sort quand elle se démène pour se tirer de sa situation. Dierdre O'Shaughnessy l'impressionne tout de suite par son aplomb, son sens de la répartie, le manque d'aide des musiciens alors qu'elle danse sur scène. de ce fait, le lecteur se sent émotionnellement impliqué par les enjeux pour les principaux personnages et il se débat comme eux contre les circonstances, les événements incontrôlables, les limites de ses capacités.

La qualité et la sophistication de la narration visuelle génère une immersion totale du lecteur dans cette histoire entre errance et vengeance dans le milieu de la petite criminalité des années 1950 à Manhattan. Il peut prendre plaisir à l'intrigue au premier degré, même si l'identité du coupable est très vite révélée, comme il peut aussi penser aux thèmes abordés : le syndrome de stress post traumatique (aggravé par l'identité culturelle de Joel qui apparaît dans la forme de ses cellules de pensée), l'alcoolisme et la fuite de la réalité, l'absence de sens de la vie, les circonstances de la naissance qui dictent une vie, la vocation d'écrivain. Une excellente bande dessinée, très personnelle. Howard Chaykin a continué de réaliser des histoires qui l'intéressent et qui piquent avec Divided States of Hysteria en 2017, puis Hey Kids! Comics! en 2018.
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