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“NANAKIA TOU” G R E C / Ε Λ Λ Η Ν ΙΚ Α
Nanakia tou est une chanson grecque d'ascendance anatolienne, très connue des enfants roms de Thessalonique.
On y retrouve les éléments linguistiques traditionnellement associés aux berceuses : l'imagerie de la nature, de l'apaisement dans le sein de la mère, le recours aussi à une force magique qui vient enlever les enfants pour les ramener grandis. Personnifié dans l'adresse qui lui est faite, ce sommeil initiatique est un protecteur : à lui sont confiés les êtres vulnérables, il aide les petits à grandir et répare, le temps d'une nuit, douleurs et chagrins.
Chaque phrase construite sur un cycle asymétrique de 15 temps (7+8) révèle cet entre-deux incertain entre veille et sommeil, où l'enfant s'apprête à basculer dans le monde des rêves. Avec de longues tenues qui étirent le temps sur les notes d'appui, la mélodie se teinte d'inquiétude et de nostalgie ; le chromatisme caractéristique des mélodies ottomanes, arabo-turques ou grecques a envahi l'espace.
C'est ainsi que Nanakia tou murmure sa lente confidence, nous rappelant que dans certains répertoires traditionnels, les musiques d'enfants utilisent les mêmes codes que celles des adultes et revêtent les couleurs de leur communauté.
Un ensemble d'une grande douceur.
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“ANANI TE KEREN” R O MAN I / Ρ Ο Μ Α Ν Ι
Dans les communautés roms autour de Thessalonique, cette berceuse met en scène la bienveillante prière des grands-parents réunis autour du berceau, qui égrènent dans leur veille d’intenses espérances pour l’avenir de l’enfant. Tout est dit, et l’essentiel : vœux d’intelligence et de présence au monde, vœux de force, de vigueur et beauté.
De ces incantations magiques que prononcent les sages, ressort la plus noble des valeurs : la bonté du cœur, qui vient clore ce chant court avant de nouvelles boucles.
Irène l’a recueillie auprès de sa grand-mère, qui a couvert de ces mêmes protections ses onze petits-enfants et cinq arrière-petits enfants. Auguste dame rom d’origine gréco-turque, elle vit encore, entourée des siens, dans le quartier de Dendropotamos, faubourg de Thessalonique, où elle est arrivée à 14 ans.
Plus rythmée, plus rapide que la première berceuse en romani de ce recueil, c’est une solennelle litanie en mode mineur qui s’apparente à une ode. Un appel lancé à l’être en devenir, une déclamation scandée qui descend par paliers, de longs appuis de la voix sur les deux derniers vers... Dans sa structure poétique, dans sa structure mélodique, Anani te keren adopte les codes des chants de héros.
La découverte de cette berceuse inconnue des nouvelles générations a occasionné des débats entre les enfants roms qui, selon l’origine de leur communauté, ont proposé des variantes langagières aussi vastes que les territoires parcourus par leurs familles nomades.
Au cours de ce voyage sur les mers et les océans du monde, le lecteur accostera
sur des rivages tous diérents, mais dont le point commun est d'appartenir
à des territoires insulaires. Des îles mythologiques, paradisiaques,
englouties, désolées, volcaniques, désertes, surpeuplées… de l'Atlantide à
Ithaque, d'Ouessant à l'île de Pâques, de Bornéo à Socotra, des Marquises
aux Féroé, cet “atlas” insulaire questionne notre fascination pour l'île déserte :
qu'y emporterions-nous ? de quoi avons-nous besoin pour vivre ? Il n'y a
pas de bonne ou mauvaise réponse, chacun aborde l'île avec son histoire
personnelle et un désir plus ou moins important d'isolement.
Un documentaire d"Aurélia Coulaty, illustré par Clément Thoby.
Publié par ACTES SUD.
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