Evénement. Fait. — J'entends par un événement un changement ou un groupe déterminé de changements soit simultanés comme par exemple, la croissance de toutes les feuilles d'un même arbre en même temps, soit exclusivement successifs, comme dans le déplacemeni, dans les changements de position d'une pierre lancée.
Fait est synonyme d'événement. En y regardant de très près on pourrait saisir une nuance entre ces deux vocables. L'expression courante : C'est un fait pour signifier qu'une chose alléguée est indéniable, semble indiquer qu'un fait est un événement considéré au point de vue de son existence constatée. Mais cette distinction subtile est sans importance.
Si les partisans de la nécessité universelle reconnaissent, comme j'ai tenté de le montrer, que certaines choses dont les concepts sont contradictoires peuvent cependant exister parce qu'elles sont métaphysiques, ils opposeront au libre arbitre un autre argument que la contradiction impliquée dans son concept. Ils allégueront que tous les événements qu'il leur est donné d'observer sont conditionnés et déterminés à l'existence nécessairement. Ce n'est qu'à la dernière extrémité qu'ils admettront l'entière indépendance d'un événement et si l'expérience interne témoigne qu'il en existe un, l'acte volontaire, ils déclarent, jusqu'à preuve du contraire, faillible celte expérience et illusoire l'idée d'un pareil acte.
En résumé, j'entends par notion d'une chose quelconque (intérieure ou extérieure à moi) la synthèse de deux facteurs à savoir : 1° un état déterminé tout d'abord dans ma conscience par l'impression de cette chose sur elle grâce à l'intermédiaire nerveux de mes sens ou même sans cet intermédiaire (introspection) ; 2° l'affirmation faite implicitement par moi que cette chose existe en moi ou hors de moi. J'ajoute que la notion m'est possible parce qu'il y a en moi certains caractères communs avec la chose, ce qui permet à ma conscience de communiquer avec celle-ci.
La personne est synonyme du moi. C'est plus spécialement l'unité synthétique des données psychiques constitutives du moi. Cette unité, en tant que synthétique, n'est pas nécessairement indivisible ; on constate, en effet, des dédoublements de la personnalité.
C'est une analyse psychologique où j'observe ce qui se passe en moi ; c'est donc forcément de moi-même que je parle. Je ne peux qu'inviter autrui à constater sur soi les résultats de cette introspection qui, à la rigueur, ne vaut que pour celui qui la fait. L'expression je ou moi sera plus juste en même temps que plus commode.
L’émission « Poètes oubliés, amis inconnus », par Philippe Soupault, diffusée le 31 janvier 1960 sur Paris Inter.