Deux cent vingt kilomètres carrés…
Deux cent vingt kilomètres carrés de terre où affleure
le grès rose
huit cent cinquante étangs, plus peut-être
lourd de son histoire
lourd de ses blocs erratiques, de ses noyés, de ses
insoumis
les itinéraires tracés n'y pourront rien
sous les eaux vives les eaux dormantes
sous les fougères genêts épicéas
le plateau résiste
tour à tour noir, gris, bleu, brun cendré, vert ocre rose
rose des crépuscules
versant lentement dans la nuit de l'origine.
Après trop de jours…
Après trop de jours sans éclat, la lumière est revenue. Une
lumière de fin d'été. Basculement sensible bien que difficile
à cerner. Ce sont d'imperceptibles signes, une blondeur sur
les fougères, des variations dans les masses des arbres
couvrant les collines alentour, une fraîcheur nouvelle.
Aujourd'hui il y a dans l'air quelque chose d'un bleu
mythique. Un bleu de myosotis, un bleu adorable rêvé par
Hölderlin avant qu'il ne sombre dans sa nuit.
Fugace, la joie.
Née d'un accord soudain.
Ne plus être séparé.
Appartenir.
Le monde est plus petit
se désincarne. Elle flotte comme une image de prairie, sans
attache. Elle et moi sommes séparées. Mon corps entre en
solitude.
Le monde est plus petit lorsque la plante du pied
n'est pas nue
lorsque la joie ne monte pas depuis les racines
surchauffées
lorsque l'herbe n'est qu'un tableau
miroir du désir inassouvi.