Spontanément, ce qui étonne au premier abord, c'est déjà la qualité de l'objet. Il est grand, gros, lourd et chaque page est d'une qualité de papier assez importante. On comprend vite pourquoi quand on se rend compte que tout l'album est en noir et blanc, avec beaucoup beaucoup beaucoup de noir.
L'histoire est à la fois celle de l'auteur, bercée par deux langues, le français et l'arabe, et celle de son grand-père, arrangeur de piano dans les années 50 à Beyrouth, qui n'a de cesse de transformer son instrument pour lui permettre de jouer le quart de ton typique de la musique oriental. Langue et musique sont alors des ponts qui relient deux cultures, tissant des identités propres à chacun dans sa mixité. Abdallah Kamanja cherche à faire le lien entre la musique occidentale et la musique orientale ;
Zeina Abirached veut se construire en tant que personne parlant aussi bien les deux langues, selon les situations, totalement bercée par cette double culture : « Je tricote depuis l'enfance une langue faite de deux fils fragiles et précieux ».
Visuellement, tout ce noir n'est pas sans rappeler le travail de
Marjane Satrapi. Mais la comparaison s'arrête là tant
Zeina Abirached propose un graphisme riche dans les moindres détails. Les temps sombres de l'Histoire sont à peine évoqués et une lumière folle se dégage de ces pages. L'auteur s'inspire des rondeurs des notes de musique pour bercer à la fois le récit et son dessin. Celui-ci est fait d'arabesques, de cercles, de formes géométriques toutes douces. Seules les touches du piano y échappent, comme pour mieux frapper les esprits de leur musicalité. L'ensemble est très riche, terriblement foisonnant, parfois peut être un peu trop, notamment lorsqu'on passe de l'histoire d'Abdallah à celle de Zeina, mais en même temps poétique et doux.
Un magnifique album hors du commun, très surprenant, à découvrir !
Lien :
http://nourrituresentoutgenr..