Tout s'effondre... C'est pour le héros de ce roman la fin de son monde, un monde où l'on vit au rythme de la nature, des plantes et des bêtes sauvages, où rien n'est aussi important que la prochaine récolte d'ignames, où des dieux étranges guident la main des humains pour chaque geste du quotidien et leur inspirent des actes qui nous heurtent et nous dépassent.
Tout s'effondre quand des missionnaires blancs arrivent de très loin avec leurs propres croyances et des certitudes qui surprennent et effraient un peu, mais qui, portées par l'intransigeance de ces hommes si sûrs de leur bon droit, finissent par convaincre et apparaître comme des règles de vie.
Mais
tout s'effondre pour le héros dont le monde est englouti peu à peu par la froide volonté de ces envahisseurs.
Et j'ai fini, moi, par me dire que ce n'est pas plus mal ! Loin de moi l'idée de défendre de quelque façon que ce soit l'invasion, la conquête, au nom, en particulier d'un dieu qu'on présente comme le seul valable et unique. Loin de moi une telle pensée !
Mais que ce héros est antipathique ! Plus j'ai avancé dans le livre et plus je l'ai trouvé odieux et insupportable. Certes, courageux plus que tous les autres en s'en faisant une règle de vie, travailleur au-delà de tout, exigeant envers ses proches et envers lui-même, droit, fier et orgueilleux. Mais, surtout, impitoyable, intolérant, maltraitant et dominateur envers son entourage, d'une rigidité absolue, imbu de sa supériorité au point qu'aucun échange, aucun dialogue, aucune ouverture, ne fait partie de son système de pensée. Englué, enfoui, dans un passé marqué de traditions sanglantes et de pesanteurs barbares, il restera jusqu'à la fin incapable de voir que le monde bouge, que ses proches ont des attentes. Sa volonté inflexible de maintenir ce carcan immuable le conduit à la violence froide, au meurtre insensible, le poussant à accomplir sans l'ombre d'une hésitation ni d'une réflexion de monstrueux rituels.
Antipathique, odieux et insupportable, ai-je dit, au point de nous rendre presque sympathique l'homme blanc, le colonisateur, qui arrive brandissant son dieu unique, bon et compatissant.
Je sais... la critique que je laisse sur ce roman n'est pas dans la tonalité des précédentes. Je prends le risque, car ce héros incapable de se remettre en cause, il m'a paru du bois dont on fait les fanatiques et les extrêmes.