Citations sur À l'abri de rien (95)
D'un sourire franc, éclatant, généreux elle m'a souri et m'a serrée dans ses bras à m'étouffer. Elle m'appelait sa petite, et sur mes joues elle a claqué deux bises sonores et chaudes, de vrais baisers de grand-mère le dimanche à la campagne, le gâteau dans le four et les guêpes au jardin, la vieille voiture bâchée près des groseillers, le chien qui saute dans tous les sens et le toboggan rouillé.
J'avais cette impression que vus du ciel, on n'était qu'un petit carré au beau milieu du vide, un point et puis rien autour.
Qui était-il au fond ? Que cachait-il sous ces couches de silence, la bonté de son regard ? Je n'ai jamais su. On ne sait jamais de toute manière. Jamais rien de personne. Du fond des choses à l'intérieur de chacun. Tout n'est toujours que surfaces, orées, lisières. (A l'abri de rien - Olivier Adam)
Cette sensation de tomber en poussière soudain, de devenir liquide et de disparaître, d’être comme mangée de l’intérieur, tordue, mâchée, étranglée, essorée, vidée. Cette impression que tout devenait noir et froid tout à coup. La certitude que j’ai eu d’être vraiment seule au monde cette fois, abandonnée incapable et morte à l’intérieur.
[…] on est tous bourrés de ces trucs qui nous bousillent l’existence sans raison valable. Le silence, par exemple. Ce jour-là comme n’importe quel autre il emplissait tout, me coinçait la gorge dans un étau. Je pouvais le sentir me figer les sangs, me creuser les poumons d’un vide immense. Un cratère sans lave. Un désert. Une putain de mer de glace.
Comment ça a commencé ? Comme ça je suppose : moi, seule dans la cuisine, le nez collé à la fenêtre où il n’y a rien. Rien. Pas besoin de préciser. Nous sommes si nombreux à vivre là. Des millions. De toute façon ça n’a pas d’importance, tous ces endroits se ressemblent, ils en finissent par se confondre. D’un bout à l’autre du pays, éparpillés ils se rejoignent, tissent une toile, un réseau, une strate, un monde parallèle et ignoré.
On ne sait jamais de toute manière. Jamais rien de personne. Du fond des choses à l'intérieur de chacun. Tout n'est toujours que surfaces, orées, lisières.
L'été la plage entre copines et les fous rires ça nous allait nous suffisait, le reste on s'en foutait, la musique à fond et les baisers des garçons, les murges et la danse le reste c'était quoi ? Le reste c'était l'avenir et c'était pas pour nous on le savait trop bien.
Rien de tout ça n'avait le moindre sens il fallait juste danser et rire et boire et se frotter jusqu'à l'étincelle et que le feu prenne et nous emporte.
Ça, je l’ai entendu, mais ça n’est pas entré non plus, c’est venu se cogner à moi et c’est reparti comme une balle contre un mur. Ça a glissé comme à la surface d’une toile cirée. […] Je les regardais sans comprendre. Ça n’avait pas plus d’importance que si je n’avais pas été là pour le voir, que si je n’avais pas existé.