Paul Steiner, le narrateur, ressemble à une bourrasque de vent qui déracine tout sur son passage. Quand il quitte son bord de mer, du côté de Saint-Malo, pour la ville de banlieue au sud de Paris où résident ses parents, le bulletin météo tourne à l'avis de tempête. Cent kilos de masse brute qui débarquent dans un pavillon tristounet, un poing qui part un peu facilement quand la colère monte et une amie de lycée qui dévisse complètement quand l'écrivain débarque dans sa tranquille résidence. le personnage d'
Olivier Adam est un écorché vif, même s'il réfute ce qualificatif. Paul va mal. Sa femme l'a quitté, il ne voit pas ses enfants assez souvent à son goût, sa mère est à l'hôpital à la suite d'une mauvaise chute et la communication avec son père et son frère est toujours aussi difficile. La maladie rôde, cette angoisse qui le fait se bourrer de médicaments et d'alcool, épuise son entourage et amène son cortège d'idées suicidaires. Pourquoi n'a-t-il aucun souvenir de son enfance avant la mort de sa grand-mère ? Pourquoi a-t-il voulu mourir à dix ans ? Pourquoi l'anorexie l'a-t-elle rongé pendant l'adolescence ? Pourquoi ne se sent-il appartenir à aucun lieu ? Pourquoi lui faut-il toujours fuir ? le retour à V. soulève encore une fois toutes ces questions.
Si Paul Steiner est en lisière de sa propre vie, il est aussi en lisière de sa classe sociale. L'écriture l'a mené loin de ses origines populaires, du travail vécu comme une aliénation. Écrivain qui passe à la télévision, qui vit de sa plume, il dérange dans sa famille en donnant à voir la réalité du quotidien de ses proches. Il s'épanche là où la retenue est de rigueur.
C'est encore un double déclassé géographique, qui a quitté la banlieue pour Paris, puis pour la Bretagne. Un lieu qu'il absorbe par tous les pores de sa peau, qui le tient debout sans pour autant lui procurer la paix. La maladie
le style d'
Olivier Adam est chargé d'embruns et traversé de coups de vent. C'est un récit qui se déverse dru dans les oreilles du lecteur. Car on croit écouter Paul, son lamento, ses longues vociférations contre la bêtise humaine, l'humiliation faite aux petits, mais aussi contre la froideur du père, l'absence de la mère qui se recroqueville lentement dans la maladie. On est parfois emporté par ce flux tour à tour violent, désespéré, mélancolique, forcément égocentrique. On serait tenté de tout pardonner à Paul, sa violence à fleur de peau, sa mesquinerie, sa mauvaise foi, ses coups tordus. L'absoudre au nom du mal qui le ronge, du secret qu'il découvre un jour dans les boîtes de photos rangées sous le lit de sa mère. Pourtant, il est agaçant, Paul, et on comprend que Sarah ait un jour jeté l'éponge devant ce maelström.
Il y a du talent chez
Olivier Adam. Il sait fouailler ses blessures comme personne pour en sortir un vrai roman. J'avoue avoir parfois trouvé pesante la description des vies ruinées de ses copains de jeunesse, non pas parce que je ne crois pas à la réalité de ces destins mais parce qu'elle prend la forme d'une démonstration au marteau-piqueur. La force de sa charge sociale s'en trouve diminuée. le troisième partie du livre s'ouvre sur l'évocation à la fois simple et délicate du chemin des Philosophes à Tokyo. Il y a chez
Olivier Adam de l'arc-en-ciel après la tempête.