6.
Cela va sans lire, la Poé-
sie n’est pas en organdi de soie
de soirée, non, elle squatte le
cœur de ceux qui déambulent loin
des bulles de moi ou de Mémoire ;
elle s’ente sur le lent sourire
des patients ; elle offre ses cendres à
la terre, aux souches pour qu’en novembre
tranche la splendeur de l’arbousier.
1.
On voudrait que ce qui en nous crie
n’entende plus que le jeu des vagues,
le sifflement du temps et le souffle
le souffle… que s’éteignent les mots
comme un feu d’artifice incolore,
que les langues s’effondrent. On voudrait
vivre au rythme de ce qui bat juste,
quelque part entre l’arbre et l’étoile,
entre la sève et le sang des feuilles.
5.
seul. passe le désordre du fleuve.
je guette un sursaut de sable un gué.
sur l’aulne un peuple d’ailes m’observe.
si la nuit s’attarde en d’autres lieux
faut-il espérer la rive adverse
et l’effort de mon corps au courant
sous la tyrannie du soleil nu ?
traverser. joindre au tronc cyclopien
mes visions sauvages deltaïques.
3.
On s’éveille. (Les yeux perdent leurs
paupières. Coule déjà le sable
dans les lits que la mer a creusés.
L’esquif disparu, l’amont s’estompe.
Entre deux crépuscules un courant
organique abreuve ses galets.
On voudrait qu’ils s’érigent en barrage,
qu’ils brisent l’ordonnance des rives,
retaillent et affûtent leurs tranchants.)
2.
On se souvient du rythme binaire
que l’on entendait fort avant que
survienne le tremblement de mère.
On cherche sa réplique, une trace
de soi que l’on aurait jetée ou
semée, que rien ne couvre. Soudain,
perceptible à peine, il revient, là,
dans l’imprévisible, on le sent battre,
comme une arme en sourdine, en retraite.