5.
Un monde sans buzz
On cure le lit du california Aux pieds
des bottes trouées On patauge deux fois à
l’intérieur et à l’extérieur dans la vase et
les vers que la bèche remonte (ce que l’on
rapporte sur du propre)
On pourrait en faire une
œuvre à la manière d. hirst une vermée
dans un aquarium empli de formol fluo
On le pendrait à l’aulne l’aigu des moustiques
et le grave des crapauds en fond musical
On ouvrirait le musée une heure par an
de préférence un jour de grêle (les e-gens
craignent la nature)
Seul avec les bzzz de l’air
3.
Un canadair défait le calme du poème
et du dix Son jaune éclaircit l’œuf solaire en
fumé Des bras tendus numérisent le por
teur d’eau comme d’autres croquaient des vieilles
[femmes
fagots en têtes et pieds dans une misère
encore supportable
Un dernier largage pulvérise les flammes
Le bruit prend de l’altitude bat de l’aile et
se tait Se métamorphose en pixel luisant
En cliquant cet hiver
on verra déferler les clichés de l’été
dans les yeux de vieilles filles à écrans plats
et pieds dans le vide de leur vie sans vertige
1.
Mois neuf On regarde passer le ciel Les mots
s’accumulent dans l’air – où bougent quelques vi
sages – en attente d’ordonnancement On
prend bleu sans vraiment savoir s’il s’accordera
– dans cette prose rejetée (pour figurer
léger poème) – avec l’émotion du mo
ment
On prend bleu (ce qu’il reste d’une blessure
afin de l’effacer en l’écrivant ?) On l’ôte
du lexique aérien On le dilue Noir sur
blanc devient tâche sonore à moduler en
lignes par douze syllabisées
On libère
bleu On le regarde teinter là-haut
Tout bat
4.
Un oiseau joue avec le fil tombant du seul
nuage d’avril jusqu’à sa dernière maille
– s’en fait (qui sait) un nid – et rend au ciel de l’est
sa nudité diurne
Un avion écharpe
l’ouest Dans la blessure un vol irrégulier de
migrateurs s’inscrit – cela ressemble à la
partition d’une passacaille de bach
avant de se diluer en un bref nocturne
Voyage qui passe dans le haut et ne donne
à l’errant qu’un instant de son carnet de notes
On ne sait pas où nous emmène le poème
On sait qu’il nous aide à traverser l’incertain
2.
Trois L’en allée de l’air glisse le paysage
vers d’autres lumières Le sombre vert de l’île
s’atténue
La tour tache le fond cérulé
de rouge
Les traits du soleil tranchent l’espace
en parts inégales Un vol de migrateurs
les traverse
On saisit vent (là et là dans le
lent mouvement du regard) On voudrait que sa
transparence réactive les tisons tende
le cerf-volant visionnaire abatte la rhé
torique des clôtures et donne du large
à ce poème cadastré
On voudrait qu’il
rehausse nos mains des brûlures de l’inouï