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Citations sur Les cercueils de zinc (99)

On nous a dès l'enfance inculqué, gravé dans I'esprit, l'amour des hommes en armes. Nous avons grandi comme si nous étions toujours en guerre, même ceux qui sont nés des dizaines d'années après. Aujourd'hui encore après les crimes de la Tcheka, les exactions staliniennes et les camps, après les récents événements de Vilnius, de Bakou, de Tbilissi, après Kaboul et Kandahar, nous voyons toujours dans un homme armé le soldat de 1945, le soldat de la Victoire. Tant de livres ont été écrits sur la guerre, tant d'armes ont été fabriquées par la main et par l'intelligence de l'homme que l'idée de meurtre est devenue normale. Alors que les esprits les meilleurs s'interrogent sur le droit qu'auraient les humains de tuer les animaux, nous autres, sans trop hésiter ou forgeant à la hâte un idéal politique, nous sommes capables de justifier la guerre. Allumez votre poste de télévision le soir et vous verrez avec quelle secrète exaltation nous portons en terre nos héros. En Géorgie, en Abkhazie, au Tadjikistan... Et sur leurs tombes nous élevons des stèles et non des chapelles funéraires...
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Svetlana Alexievitch nous a donné un concentré des horreurs afghanes, et aucune mère ne peut croire son fils capable de choses pareilles. Et pourtant ce qui est dit dans le livre, ça n'est rien comparé à ce qui se passe à la guerre, et ceux qui se sont battus en Afghanistan pourront vous le jurer la main sur le coeur. Nous sommes placés aujourd'hui devant une cruelle réalité: les morts ne connaissent pas la honte, et s'il y eut des infamies, c'est aux vivants de les assumer. Les vivants, c'est nous ! Et finalement c'est nous, c'est-à-dire ceux qui ont exécuté les ordres, qui se retrouvent coupables maintenant, qui devons répondre de toutes les conséquences de la guerre ! C'est pourquoi ce serait plus juste si paraissait un livre de cette force et de cette vérité non pas sur les garçons du contingent mais sur les maréchaux et sur les dirigeants qui les ont envoyés se battre. Je pose la question : Svetlana Alexievitch devait-elle parler des horreurs de la guerre ? Oui ! Une mère doit-elle prendre la défense de son fils ? Oui ! Les Afgantsy doivent-ils prendre la défense de leurs camarades ? Encore une fois oui !
Bien sûr, il n'y a pas à la guerre de soldat sans reproche. Mais au jour du Jugement le Seigneur sera le premier à lui pardonner..
Le tribunal va donner une conclusion juridique à ce conflit mais il doit y avoir une conclusion humaine qui est celle-ci : les mères ont toujours raison d'aimer leur fils ; les écrivains ont toujours raison de dire la vérité ; les soldats ont raison quand vivants ils défendent les morts.
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Il n'y a pas longtemps, j'étais chez le dentiste. Nous sommes tous revenus avec le scorbut, de la parodontose On aboufé tellement de chlore!On m'a arraché une dent, puis une autre. De douleur (l'anesthésie n'avait pas pris), je me suis mis à parler... Je ne pouvais plus m'arrêter. Et la dentiste me regardait presque avec dégoût, je pouvais voir tout ce qu'elle ressentait : il a du sang plein la bouche et il trouve le moyen de parler. J'ai compris que tout le monde pensait ça de nous : ils ont la bouche pleine de sang, et ils trouvent encore le moyen de parler.
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Près de Bagram, nous sommes entrés dans un kichlak, nous avons demandé à manger. Selon leurs lois, ils n'ont le droit de refuser une galette à un homme qui entre dans leur maison et qui a faim. Les femmes nous ont fait asseoir à leur table et nous ont donné à manger. Après notre départ, le village a lapidé à mort ces femmes et leurs enfants, Elles savaient qu'elles seraient tuées, mais elles ne nous ont pas chassés. Et nous qui arrivions avec nos lois... On entrait dans les mosquées sans nous découvrir...
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J'ai peur de commencer à raconter. De nouveau ces ténèbres...
Là-bas, je me répétais tous les jours : «Idiote. Pourquoi as-tu fait ça ?» C'est surtout la nuit que ces pensées me venaient, quand je ne travaillais pas ; dans la journée, je me demandais comment faire pour tous les aider. Les blessures étaient effrayantes... J'étais scandalisée : qui avait bien pu inventer des balles pareilles ? Est-ce que c'étaient des êtres humains ? Le point d'impact était tout petit, mais à l'intérieur, les intestins, le foie, la rate, tout était haché, déchiqueté. Il ne leur suffisait pas de tuer ou de blesser, il fallait encore faire souffrir les gars de cette façon... Ils criaient toujours : « Maman !» Quand ils avaient mal... Quand ils avaient peur... Je ne les ai jamais entendus prononcer d'autres mots...
En fait, j'avais voulu quitter Leningrad pour un an ou deux. Mon enfant et mon mari étaient morts. Plus rien ne me retenait dans cette ville, au contraire tout me rappelait le passé. C'est là que nous nous étions rencontrés, lui et moi... Que nous nous étions embrassés pour la première fois... Que j'avais accouché...
C'est le médecin-chef qui m'a convoquée :
- Vous iriez en Afghanistan ?
- Oui...
J'avais besoin de voir des gens souffrir davantage que moi. J'en ai vu.
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Si je ne lisais pas Dostoievski, je serais encore plus désespérée.
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Un jour, deux de nos soldats sont entrés dans un doukan ils ont abattu toute la famille du doukanier, pris tout ce qu'ils ont trouvé . Il y a eu une enquête. Au début ils refusaient d'avouer ...mais je me rappelle que quand notre compagnie a été fouillée et qu'on cherchait l'argent volé, nous nous sentions humiliés : comment on nous fouillait pour quelques malheureux Afghans descendus? Vous parlez d'une perte! ...C'était comme si la famille exterminée n'avait jamais existé... Nous accomplissions notre devoir international, tout était classé...C'est seulement aujourd'hui après la révision des idées toutes faites, que j'ai commencé à réfléchir. Et dire que je n'ai jamais pu lire Moumou ¤ de Tourgueniev sans pleurer!

¤ Une des nouvelles des récits d'un chasseur évoquant le sort pitoyable d'un serf et de son petit chien.
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De ne pas apprendre à tuer n'est inscrit dans aucune constitution.
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On se faisait surtout tuer au début et à la fin du service. Les premiers mois parce qu'on était trop curieux, les derniers parce qu'on était moins vigilant : on devenait abruti, la nuit on se demandait où on était, qui on était, pourquoi on était là, si ce n'était pas un rêve.
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Je vous ai lue et j'ai pleuré... Mais je ne relirai pas votre livre quand il paraîtra... Par simple instinct de conservation. Je ne suis pas sûre que nous devrions savoir ces choses-là sur nous-mêmes. C'est trop effrayant... Ça laisse un grand vide dans l'âme vide... On ne croit plus en l'homme... Il fait peur
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