Le texte qui suit n'est pas ma critique du livre de
Claude Allègre mais un article de "débunkage" de M.
Sylvestre Huet, paru sur le site internet du journal Libération en avril 2010 :
De la terre aux nuages, le livre soi-disant scientifique de l'ex-ministre accumule les erreurs.
par
Sylvestre Huet
Pour un tel inventaire, il faudrait un
Prévert. La liste des erreurs de chiffres, mensonges, trucages de courbes de température, références erronées, fautes de raisonnement, accumulés par
Claude Allègre dans son livre L'imposture climatique laisse les experts devant de drôles de questions. Suicide intellectuel ? Bouffonnerie ? En tout cas, affirme
Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue «une ligne jaune a été franchie». Qui rend difficile l'explication par de simples erreurs.
A l'appui de leur appel [...], les signataires ont donc établi une longue liste de ces dérapages dont certains avaient déjà été signalés. Ainsi, Libération a publié un graphique envoyé par le climatologue suédois Hakan Grudd, montrant qu'Allègre a falsifié ses travaux dans une courbe de température portant sur les 1 500 dernières années. L'ex-ministre a fabriqué de fausses températures pour la période allant de 1900 à nos jours, très différentes de celles publiées par le scientifique scandinave. Et menti à ses lecteurs en la présentant comme une courbe de température planétaire alors qu'elle n'était valable que pour le nord de la Suède. Libération.fr, dans le blog Sciences, a aussi publié une protestation de la glaciologue britannique Louise Sime contre la fabrication d'un graphique sur la température depuis 125 000 ans, dont Allègre prétend qu'il renvoie à son travail. Alors que cette courbe est «incorrecte» et ne correspond à «aucune de celles publiées dans les revues scientifiques», s'insurge-t-elle. La fabrication de fausses données est l'une des pires fraudes qui puisse exister en science. Florilège.
Les émissions de CO2. «Tous les graphiques utilisés pour défendre cette idée se sont révélés, à l'examen, faux et truqués», écrit Allègre à propos du lien entre émissions de CO2 et climat récent. Cette accusation de malhonnêteté à l'encontre des climatologues ne s'appuie sur aucun exemple démontré. Et vient dans un livre riche en graphiques truqués, comme l'ont dénoncé les scientifiques victimes de ces manipulations.
Les projections. Allègre écrit que les projections climatiques des modèles numériques sur ordinateurs sont «calées sur la courbe de Mann», c'est-à-dire les températures des 1500 dernières années. Faux. Ces simulations sont fondées sur les équations de la physique. Elles n'ont donc rien à voir avec cette courbe paléoclimatique.
Le régionalisme. Allègre affirme qu'il n'y a pas de climat global, mais uniquement des climats régionaux. Faux. La notion de bilan radiatif (les échanges d'énergie entre la Terre et l'espace) est centrale en climatologie.
Les déserts. Allègre décrit la circulation atmosphérique de manière fantaisiste. Ainsi : «Les déserts pompent l'humidité.» Si c'était vrai, les déserts seraient… humides.
Les nuages (1). «Les nuages blancs d'altitude» ont tendance «à refroidir l'atmosphère en jouant le rôle de parasol», écrit Allègre. «Les nuages noirs de basse altitude» seraient des «agents de réchauffement, car ils absorbent les rayonnements infrarouges émis par le sol.» Faux. le bilan radiatif des nuages est inverse. Ceux de haute altitude ont un plus fort effet de serre, les nuages bas sont surtout refroidissants car ils réfléchissent plus les rayons solaires.
Les nuages (2).Allègre accuse les rapports du Giec de cacher les incertitudes liées à la représentation des nuages dans les modèles numériques du climat. Or, on lit ceci dans le «Résumé pour décideurs du groupe-1» du rapport 2007 : «La principale source d'incertitudes provient de la rétroaction liée aux nuages.»
Le Soleil. Allègre affirme que
Vincent Courtillot a démontré l'influence déterminante du Soleil, du géomagnétisme et des rayons cosmiques sur l'évolution récente du climat. Affirmation fondée sur un graphique reconnu comme faux… par son auteur même, en raison d'erreurs sur les courbes de température et d'éclairement utilisées.
L'océan. «L'océan absorbe les deux tiers du volume du gaz carbonique émis par l'homme», écrit Allègre reprenant un chiffre avancé dans le livre de
Christian Gérondeau :
CO2, un mythe planétaire. Faux. C'est environ un quart. Et curieuse référence, très éloignée des publications scientifiques.
Les milliards d'euros. «L'argent des chercheurs en climatologie qui, mine de rien, ont orienté en dix ans plus de 20 milliards d'euros vers leurs organismes et laboratoires.»
Claude Allègre multiplie par dix le budget «océan atmosphère» du CNRS et du CNES, (l'agence spatiale qui finance les satellites). Il est de l'ordre de 260 millions d'euros par an. Dont seulement 10 millions pour le calcul et la modélisation du climat alors que l'ancien ministre affirme que les climatologues oublient les observations et consacrent l'essentiel de leurs forces à la modélisation.
Le faux sondage. «50% d'entre eux ne croient pas à l'influence de l'homme sur le climat.» Eux ? Des «spécialistes américains du climat». Raté. Il s'agit des présentateurs météo des multiples chaînes de télévision aux Etats-Unis.
Le refroidissement. «Depuis trois hivers on patauge dans la glace». Allègre confond son jardin et la planète. La température moyenne globale était 0,21°C au-dessus des normales 1960-1990 pour l'hiver 2007-2008, de 0,39°C pour 2008-2009 et de 0,47°C pour 2009-2010. La décennie 2000-2009 est la plus chaude depuis cent cinquante ans.
Kyoto. «Il [
Al Gore] signe le Protocole de Kyoto, mais avec une condition qui l'annule ; "sous réserve que la Chine, l'Inde et la Russie le signent aussi." Il sait bien que c'est impossible.» A deux reprises, dans son livre, Allègre affirme que ces trois pays n'ont pas signé le protocole de Kyoto. C'est faux.