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Citations sur Portrait sépia (52)

De retour au Chili fin décembre 1898, nous trouvâmes un pays en pleine crise morale. Personne, que se soit les riches propriétaires terriens, les maîtres d'école ou les ouvriers du salpêtre, n'était satisfait de son sort ou du gouvernement. Les Chiliens semblaient résignés à leurs vices, tels que l'ivresse, l'oisiveté et le vol, et aux tares de la société : lourdeur de la bureaucratie, chômage, inefficacité de la justice et pauvreté. Cette dernière contrastait avec l’ostentation des riches, et cela engendrait une rage sourde et croissante qui se répandait du nord au sud. Nous ne nous souvenions pas d'un Santiago si sale, avec tant de mendiants, tant de quartiers infestés de cafards, tant d'enfants morts avant d'avoir fait leurs premiers pas. La presse assurait que le taux de mortalité dans la capitale était équivalent à celui de Calcutta.
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Le paysage me laissait sans voix, il me saisissait à chaque courbe du chemin, il m’émerveillait. Je grimpais vers les hauteurs et redescendais dans la vallée vers les forêts denses, un paradis où se mélangeait mélèzes, lauriers, canneliers, ifs, myrtes et araucarias millénaires, bois précieux que les Dominguez exploitaient dans leur scierie. Tout m’enivrait, l’odeur des forêts humides, ce parfum sensuel de terre rouge, de sèves et de racines, le calme des sous-bois touffus surveillés par ces géants verts et silencieux, le murmure mystérieux des bosquets : chant des eaux invisibles, rumeurs de racines et d’insectes, trilles de doux ramiers et cri strident des milans.
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La facilité avec laquelle Nivea mettait les enfants au monde, sa bonne santé et son détachement vis-à-vis de ses enfants préserva sa relation intime avec Severo ; on devine l’affection passionnée qui les unit. Elle m'a raconté que les livres interdits qu'elle avait étudiés minutieusement dans la bibliothèque de son oncle lui avaient appris les formidables possibilités de l'amour, même pour les amants limités dans leurs acrobaties, comme eux : lui à cause de sa jambe amputée, et elle à cause de son gros ventre. J'ignore quelles sont les contorsions favorites de ces deux êtres, mais j'imagine que leurs meilleurs moments sont encore ceux ou ils jouent dans l'obscurité, sans faire le moindre bruit, comme si dans la chambre il y avait une nonne en train de lutter contre les effets soporifiques du chocolat à la valériane et le désir de pécher.
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Vers le milieu de l'année 1880, le ministre de la guerre et de la marine mourut d'une attaque cérébrale en pleine campagne du désert, plongeant le gouvernement dans une confusion totale. Le Président finit par nommer un civil à sa place, Don José Francisco Vergara, l'oncle de Nivea, voyageur infatigable et lecteur vorace, qui eut pour tâche d'empoigner le sabre à quarante six ans pour conduire la guerre. Il fut parmi les premiers à faire remarquer que, tandis que le Chili poursuivait sa conquête vers le nord, l'Argentine leur grappillait tranquillement la Patagonie au sud, mais personne ne l'écouta, parce que ce territoire était considéré comme aussi peu utile que la lune. Vergara était quelqu'un de brillant, qui avait de bonnes manières et une vaste mémoire. Tout l'intéressait, de la botanique jusqu'à la poésie, il était incorruptible et n'avait aucune ambition politique. Il planifia la stratégie belliqueuse avec le calme et la minutie avec lesquels il menait ses affaires. Malgré la méfiance des militaires, et à la surprise générale, il conduisit les troupes chiliennes directement jusqu'à Lima. Comme le dit sa nièce Nivea : " La guerre est une affaire trop sérieuse pour la confier aux militaires. " La phrase sortit du cercle familial pour devenir un de ces jugements lapidaires qui un jour font partie de la petite histoire d'un pays.
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La mémoire imprime en noir et blanc. Les gris se perdent en chemin, on oublie les nuances.
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Si un poète mort de l'autre côté de la planète pouvait décrire mes sentiments avec une telle précision, je devais accepter avec humilité l'idée que mon amour n'était pas exceptionnel, que je n'avais rien inventé : tout le monde tombe amoureux de la même façon.
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La mémoire est fiction. Nous sélectionnons ce qui est le plus brillant et le plus sombre, ignorant ce qui nous fait honte, ainsi brodons-nous la vaste tapisserie de notre vie.
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Ce qui frappait chez Severo c'était, plus encore que son boitillement et sa canne, son air de prince pour illustrations de contes - j'ai rarement vu un homme aussi beau -, et chez Nivea, son gros ventre arrondi. En ce temps-là, la procréation était considérée comme une chose indécente et dans la bourgeoisie, les femmes enceintes restaient recluses chez elles. Nivea, elle, n'essayait pas de dissimuler son état, l’exhibant, indifférente au malaise qu'elle provoquait. Dans la rue les gens tournaient la tête, comme si elle avait une difformité ou se promenait toute nue. Moi je n'avais jamais vu une chose pareille, et quand j'ai demandé ce qui arrivait à cette dame, ma grand-mère Paulina m'a expliqué que la pauvrette avait avalé un melon. A la différence de son beau mari, Nivea ressemblait à une souris, mais il suffisait de parler quelques minutes avec elle pour tomber sous le charme et constater sa formidable énergie.
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Les gens qui ont une enfance malheureuse sont plus créatifs que les autres
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La guerre est une affaire trop sérieuse pour la confier aux militaires.
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