Carte postale
Je me suis dit que trop petite tu étais
Et pour cela un jeu j’ai cherché,
une mosaïque
Et j’ai choisi une poignée de maisons
qui ressemblent à des cubes
Avec des dômes, des fontaines et des tours,
Agencées sur le tapis de pierre archaïque !
Je me suis dit que cependant si petite tu n’étais pas,
Et pour cela un jeu j’ai cherché,
une mosaïque,
Et j’ai choisi un jeu vivant, coloré et chanté
Que l’on joue les yeux bandés
Et avec des images rassemblées en pensée,
avec anxiété !
J’observe la vieille tour près de la place
Et il me semble entendre les cloches sonner au vent
J’observe le jaune allumé par le soleil
Peint par endroits sur la terre ;
J’observe les vieux arbres qui pleins
sont de verdure
Brodés avec du fil d’herbe sur la toile
qui sans fil est ourlée.
Je regarde la fontaine ciselée dans la pierre
Qui réunit sans cesse les rivières d’en contre-bas
Et au bleu à qui l’eau donne le baiser
Embrassent conjointement et le ciel et la terre !
Est-ce que les cubes s’apparentent-ils encore à un jeu ?
Pas du tout !
Paraissent-ils encore froids comme la glace.
Non.
Observe-les et donne-leur vie !
*
Je me tais ! Sur le tard j’apprends,
Qu’à présent seule tu continues le jeu,
Prends cube après cube et tente de séparer
Ce qui est réel de ce qui est conte de fées !
(Prague, 1953)
Saint-Malo
Je suis une mouette aux ailes écimées,
Une âme qui tend à s'élancer
vers le soleil,
à la nuit tombée, je ne fais plus qu’un
Avec les vagues déchaînées
Avec des souvenirs, surgis des profondeurs
des millénaires voyageurs.
Je sens le vent du soir souffler
Et froid je le sens, pétrifié,
Réunissant un rêve et un chant humide,
Images en moi rassemblées en pourpréen zénith
Et d'inassouvis désirs habillés en une chlamyde.
L'oubli a enveloppé des fleurs le baiser
Et la caresse des clochettes de pommier,
Et par les profondeurs la mer terrifiée,
Me jette vers le rivage, en mille pensées
Des regards qui passionnément me réclament leur baiser.
Saint-Malo
2010
Mon pauvre pays
Ô époques pénibles dissimulées sous un ciel serein
Trompeuses chroniques entachées d’encres et de venin
Vous laissez l’homme croire en la liberté et la vérité
Oublier sa condition d’esclave dans un baquet enfermé.
*
Sărmana mea țară
O vremuri dure'ascunse sub un cer senin
Înșelătoare'n cronice pătate în cerneală și venin
Lași omului să creadă'n liber și-adevăr
Să-l faci să uite că-i doar un sclav
închis într-un ciubăr !
(p. 14)
Symbiose
Je m’offre à toi ô, nature,
Toi seule qui me comprends
Toi seule qui ne sépares pas en bien et en mal
Une humanité que tu acceptes sans choisir.
Je m'offre à toi ô, nature,
Qui garde encore pure
Et dissimulée, la chaleur de mon cœur
Qui ne veut pas qu'on l'aliène.
Je te parle avec douceur et en silence
Tu es témoin de tout ce que je fais
Tu ne me jettes pas de parole au vent
Tu me comprends même quand je me tais.
Et souvent je me tais, saisi au plus profond de moi
D'un humaine crainte de la fin.
Vers toi je dirige mes regards
T'implorant de consentir encore un pas vers l'infini ;
Car ce pas c'est la vie, c'est l'amour
C'est un frémissement que je ressens quand l'herbe germe
C'est l'amour quand entre les branches le zénith perce
C'est l'offrande qui se hisse fière comme le sapin de la forêt.
Laisse-moi donc, ô, nature, mes pas dans le temps
Fouler les feuilles et la terre fécondée,
Laisse-moi donc embrasser de l’aube la lumière
Et les nuages ornés au nimbe, du ciel tourbillonnant.
Wildegg, Suisse
1981
La forêt
Devant moi, la forêt
Dans son silence enveloppée
Avec manteau ensoleillé
Et des petits boutons de rosée !
L’éloignement, dans ma pensée
De vous tant liée
Qu’ensemble nous soyons
Pourvu qu’une vie nouvelle commence.
Les arbres altiers, regardent orgueilleux vers le ciel,
Et attendent toujours du soleil et de la pluie !
Et moi aussi je les concurrence en les observant,
Et sans rien demander, en dur labeur me fatiguant,
Et à personne rien ne disant de ce qui m’ennuie.
Dans l’ombre majestueuse, je sens la forêt
Troublante sous le silence de mes pas,
Elle n’a jamais connu la cognée
Mais seulement de la haute montagne la foudre.
L’inquiétude en moi me donne la patience
Accablante sous le poids des instants
Et je tente de briser ma douleur
Avec l’amour sans limite pour vous.
J’observe et j’écoute des oiseaux le chant !
Au loin, le bruit perdu d’un clocher
Le bruissement d’une source, à mes côtés
Qui perd son sort dans les entrailles de la terre.
J’observe et j’écoute et je demande
À la forêt, aux oiseaux, à l’eau et au tout
S’il est dans leur pouvoir et je leur quémande
Plus vite, auprès de moi qu’ils vous apportent !
Je patiente et je vous attends tout comme la terre
Les sources d’eau attend
Et chaque jour qui passe est une étape nouvelle
Vers l’accomplissement de toutes mes pensées.
En brisant les chimères de ce jour, vous viendrez
Et apaisés comme les trois chameaux sur le marché
Nous pleurerons de joie, des majestueux sapins au plus près
En embrasant la vie dans son immensité !
(Holderbank, Suisse, juillet 1981)