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« El colectivo », en V.O., s'ouvre sur cette phrase de Milan Kundera, qui résonne singulièrement pour le lecteur de de Beauvoir :
« Le roman n'est pas une confession de l'auteur, mais une exploration de ce qu'est la vie humaine dans le piège qu'est devenu le monde. »
Assis sur un banc, réfléchissant vaguement à cet épigraphe tchèque, alors que le tram me passe devant… J'en oublie tout ce qui m'apparaissait clair, un moment auparavant, à la lecture de ce court roman.
Sec, nerveux, poussiéreux, renfermé… traversé par une multitude de frontières… des images de notables de province étriqués… rafraichi par ces rares personnages doués d'un peu d'humanité, au milieu des autres…
Ce Collectif est économe, justifiant de l'absurde ces vies qui ne communiquent pas.
De son personnage principal, Ponce, nonchalant sociopathe, dont seule la petite soeur semble vivre réellement, à la figure de Gòmez, unique habitant de ce trou à circuler librement, en son coeur et à la face des autres, ce livre laisse une nette impression d'évidence, qui s'affadit une fois l'autobus passé, sans compromettre son efficacité.
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Un soir comme les autres dans une paisible bourgade perdue d'Argentine : un voyageur de commerce et sa compagne (un peu jeune pour lui, peut-être...) prennent un verre au café, attendant l'autobus qui les ramènera en ville. Depuis l'autre côté de la voie ferrée (le « mauvais » côté, celui des pauvres et de la racaille), Ponce arrive à pied avec sa femme et sa soeur, accompagnant cette dernière au même arrêt de bus. le « colectivo » arrive... mais ne s'arrête pas. Stupeur, incompréhension, colère, mais on finit par admettre que la seule chose à faire est d'attendre le passage du bus le lendemain. Les deux jours suivants, le même scénario se reproduit. Interrogations et conjectures vont bon train. Et d'ailleurs, à propos de train, pourquoi la barrière du passage à niveau est-elle bloquée ? Pourquoi un wagon vide est-il arrêté sur la voie non loin du village ? Pourquoi ne sait-on rien ? Ne supportant pas l'attente et son désoeuvrement, le voyageur et son amie décident de partir à pied, en longeant la voie ferrée.
Pendant que la tension monte, les informations arrivent au compte-gouttes, par la radio, par les journaux, déformées par la rumeur et, surtout, la propagande du régime. Parce que oui, forcément, en Argentine, en 1976, qui d'autre détient le pouvoir, les moyens de communication et le droit de vie et de mort, sinon la junte militaire qui vient de renverser le gouvernement d'Isabel Peron ? La chasse aux « subversifs » est désormais ouverte, par les moyens les plus tordus et dans une opacité complète (« Le silence, c'est la santé »).
Cette petite ville isolée où les ondes de choc du coup d'Etat se propagent depuis la capitale, même si elles sont amorties par la distance, est aussi le décor d'un autre drame, privé mais tout aussi opaque et silencieux, celui de Ponce, ou plutôt celui qu'il fait subir à sa femme. Lui, le brillant avocat qui a renoncé à une grande carrière à Buenos Aires pour s'enterrer dans ce bled, du mauvais côté de la voie ferrée, dans le seul but, monstrueusement pervers, de se venger de sa femme.
Dans un style sobre et vif, Eugenia Almeida nous emmène, subtilement mais résolument, au coeur d'une des pages les plus sinistres de l'histoire de son pays. En 120 pages, elle installe une ambiance malsaine et pesante, qui vous laisse un goût amer en bouche, tel un maté qui aurait infusé un peu trop longtemps. Amer, puissant et évocateur. Une fois à bord, vous ne pourrez plus en descendre avant le terminus. Alors ne laissez pas passer l'autobus.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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« La solitude n'est pas si mauvaise. Elle protège. »

Vous auriez dû écouter Victoria, la « petite » soeur de Ponce a compris.

Ponce. Marta. Mariés pour le pire avant tout. Vous vous êtes rencontrés furtivement, un soir triste, une envie de rompre la solitude il y a des décennies de ça, pas la meilleure des idées.

Et ce couple anonyme, elle en robe blanche, lui avec sa valise, vagabond de passage dans ce village où personne ne peut être ombre…

En très peu de lignes, Eugenia Almeida a installé une ambiance très particulière, pesante, dans ce roman où les peurs se croisent et nourrissent l'aveuglement des gens, chacun se renfermant en lui-même, gratifiant sa propre ignorance.

Avec sobriété elle raconte des destins fracassés qui vont se croiser dans ce village au moment où L'autobus doit passer les prendre. Mais l'autobus ne s'arrêtera pas. Il ne ramènera ni la petite Victoria, ni ce couple venu sans doute s'encanailler loin des regards… peut-être plus tard, l'autobus repassera et emportera les souvenirs amers.

« Le silence, c'est la santé » ...dans un système détraqué, manifestement, et ce, qu'il soit familial ou politique. L'autobus ne s'arrêtera pas ce soir.
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Un autobus qui ne s'arrête plus pour prendre des passagers, c'est quand même léger comme point de départ d'un roman.
Et pourtant, très rapidement, j'ai été happée par ce récit.
L'histoire se passe dans un village isolé en Argentine, et outre l'autobus qui circule mais ne s'arrête pas, d'autres évènements vont avoir lieu, rien de bien méchant, juste des détails, mais mis bout à bout, tout prendra un sens assez dramatique à la fin puisque le récit s'inscrit dans une période de dictature où de nombreuses personnes pouvaient disparaître soudainement sans qu'on ne les revoie jamais.
J'ai lu avec plaisir ce roman, mais quelques jours après, il s'estompe déjà de ma mémoire.
Peut-être que le mystère tant attendu n'était pas à la hauteur de mes attentes.
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Un village argentin : le bus de 7 heures 30 ne s'arrête plus et la barrière du passage à niveau est baissée. Nul ne peut partir désormais, toutes les voies de communications étant interrompues ou surveillées. Autour de ces faits insolites, un grand émoi saisit la population : l'avocat, le gérant du café, le facteur, le commissaire, qui ne sait plus à quelle chaîne hiérarchique obéir, et d'autres. Au bout de quelques jours, un couple décide néanmoins de partir à pied en suivant la ligne de chemins de fer.
A travers cette situation simple et habilement brossée, c'est la dictature militaire avec ses disparitions quotidiennes et ses assassinats qui est évoquée. Quelques drames personnels font la trame de ces évènements : le mariage malheureux de l'avocat, la folie de son épouse, l'engagement militant caché de sa soeur Victoria, seule porteuse d'espoir dans cette tourbe humaine.
Le mystère qui plane, angoissant, et les relations entre les personnages ("Le silence c'est la santé ") font de ce livre une oeuvre extrêmement prenante qui pourrait sans nul doute être interprétée au théâtre.
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Tandis que la dictature militaire s'affirme en Argentine, les habitants de ce petit village de la province de Cordoba se croient épargnés : la rumeur exagère sans doute les échauffourées dans les grandes villes, tout rentrera dans l'ordre. Mais les menaces se précisent lorsque l'autocar ne s'arrête plus, rendant infranchissable la frontière entre les deux côtés (riches et respectables vs pauvres et minables).

Ambiance pesante dans ce roman aux allures de fable, qui rappelle certaines pièces sombres de Sartre et de Tennessee Williams.
Les caractéristiques de la dictature argentine sont évoquées plus ou moins explicitement : censure, manipulation de l'information, "disparitions", arrestations et exécutions sauvages pour l'exemple, encouragement à la délation. Paranoïa du peuple attisée par le pouvoir en place. Ne faites plus confiance à personne, apprenez à suspecter chaque inconnu d'abord, puis vos voisins et même les membres de votre famille, autant de "subversifs" en puissance. Ne réfléchissez plus et taisez-vous.
Dans un petit coin de ce triste cadre, on découvre une autre histoire sordide, celle du couple Ponce. L'auteur l'esquisse en quelques pages au milieu du récit à travers le portrait de cet avocat « raide comme la justice ». Homme dur et froid comme un bloc de pierre, figé dans son orgueil démesuré, faisant payer cher à sa femme une humiliation (née d'un malentendu ?) et piégé lui-même par la punition qu'il lui inflige.
La destinée sinistre de ce couple n'est pas liée au régime politique en place, mais elle lui ressemble et l'auteur l'inscrit habilement dans l'histoire à la façon d'un emboîtement de poupées russes. Une dictature qui isole l'individu, le réduit au silence, au néant. Comme le fait cet homme en brisant sournoisement son épouse, petit oiseau en cage qui s'échappe par ses rituels rassurants (et flirtant avec la folie ?).

Même si (ou parce que ?) l'auteur lance cette histoire de domination au passage, mine de rien, et n'y revient pas ou si peu, c'est cet épisode qui m'a le plus marquée. Je referme ce roman oppressant et dérangeant sur l'image de cette femme brisée.
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Encore une occas' dénichée chez Gibert (il ne faut résolument pas me lâcher chez Gibert si l'on ne veut pas quitter Paris sur-sur-chargé !). Pourquoi L'autobus me direz-vous ? Déjà, parce que j'aime assez la ligne éditoriale de Métailié ; ensuite, parce que c'est de la littérature argentine.

Dans la campagne profonde argentine, la vie de village, avec ses cancans, ses rivalités internes, ses hiérarchies (mieux vaut ne pas habiter du mauvais côté de la voie ferrée), ses médisances (mieux vaut bien se tenir si l'on est une jeune fille). Cela fait maintenant quatre jours que l'autobus éponyme, celui qui dessert quotidiennement le village, passe sans marquer d'arrêt. Tout part à vau-l'eau ma bonne dame, et même la barrière du passage à niveau est bloquée en position abaissée sur ordre du commissaire. C'est donc qu'il se passe quelque chose, oui mais quoi ? Deux dangereux criminels sont recherchés dans la région : et si c'était ces deux voyageurs de passage à l'auberge ?

Chouette premier roman, alerte et bien écrit, qui rappelle assez irrésistiblement le lieu perdu de Norma Huidobro. Même cadre (l'Argentine rurale des province du nord-ouest), même minimalisme, même allure de fable, mêmes soupçons et mêmes rumeurs. J'aime beaucoup la logique qui consiste à partir d'un évènement et d'un contexte apparemment banal, pour révéler, par petites touches suggestives et d'autan plus puissantes, l'horreur de la dictature militaire.
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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En exergue:
"Le roman n'est pas une confession de l'auteur, mais une exploration de ce qu'est la vie humaine dans le piège qu'est devenu le monde."
Milan Kundera

"Cela fait trois soirs que l'autobus passe sans ouvrir ses portes. le village est sous une chape métallique. Grise et légèrement ondulée. le seuil des maisons est maculé de terre et l'absence de pluie rend les chiens nerveux…"

C'est un village où le passage de l'autobus rythme les journées. Une voie ferrée le sépare en deux parties, qui ne sont pas destinées aux mêmes habitants. D'un côté il y a le vrai village, avec son hôtel, son docteur , ses habitants respectables, de l'autre "des putes, des voleurs, des vagabonds, des ivrognes. "
Un couple d'étrangers est à l'hôtel , des inconnus . La femme porte des sous-vêtements noirs, on a vu une bretelle de sa combinaison. Eux aussi attendent que l'autobus s'arrête, assez fébrilement. Mais l'autobus ne s'arrête pas, alors ils vont partir à pied, en suivant la foie ferrée.
Le décor de ce huis-clos étouffant est posé. le reste, quelques questions, peu de réponses et beaucoup de silences. de l'obéissance aux ordres qui viennent du haut. Un peu de remue-ménage, l'armée, des échos de fusillade , et un mot qui résout le problème pour tous, « subversifs ».

Dans son commentaire, Kathel parle du film de Carlos Sorin, Historias minimas. C'est tout à fait cela. Une petite histoire, comme cela. Les auteurs argentins ont un don particulier, pour décrire et traduire à travers la description de lieux confinés, étranglés sans aucune possibilité de communication extérieure, l'oppression, l'angoisse de tout ce qui n'est pas dit. Circulez, il n'y avait rien à voir, l'autobus va bientôt pouvoir s'arrêter de nouveau.

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Un petit roman à la façon d'un huis-clos théâtral dans la pampa argentine des années 80.
Dans un petit village perdu de la région de Cordoba, l'autobus quotidien ne s'arrête plus depuis 4 jours et le village se perd en conjectures. Privés de toute information et de tout moyen de communication, les habitants s'interrogent , vaguement inquiets...
Un texte tout en non-dit pour évoquer la dictature militaire dans l'Argentine des années 80.
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Quelle belle découverte ! Et en plus c'est un premier roman, pour lequel Eugenia Almeida a reçu en 2005 en Espagne le prix Las Dos Orillas.
Dans un petit bourg perdu au fin fond de l'Argentine, depuis quatre jours l'avocat Ponce accompagne sa soeur pour prendre l'autobus. Un couple, client du café-hôtel du bourg l'attend aussi. Tous les jours l'autobus passe, mais sans s'arrêter. On se croirait au début d'une pièce de théâtre de l'absurde, mais peu à peu l'auteur nous révèle le drame intime du couple de l'avocat puis, encore plus progressivement la tension monte, les informations arrivent au compte-goutte,déformées par le bouche à oreille et la rumeur ou falsifiées par la censure, et le village se révèle le décor d'un autre drame, révélateur des injustices et des atrocités d'une dictature sous régime militaire. En à peine plus de cent pages l'auteur réussit à nous restituer l'ambiance malsaine de l'Argentine de 1976. Tout cela avec une grande finesse, tout en sobriété. C'est un roman qui invite à la réflexion, la situation d'une zone bouclée sans que l'on sache très bien pourquoi interpelle, l'ostracisme d'une partie du village par une autre aussi. Quelle serait notre réaction ?
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