Tout d'abord, cette belle couverture rouge écarlate. Puis, ce résumé qui me faisait fortement penser à La Route de
Cormac McCarthy, le premier roman post-apocalyptique que j'ai lu. Voilà pourquoi j'ai sollicité ce titre auprès des éditions Grasset, que je remercie ainsi que NetGalley.
Ici, un virus dévastateur, "la Rouge", s'est propagé de la Belgique au monde entier en 2016, tuant toute la population adulte. Il reste en sommeil chez les enfants, jusqu'à leur puberté : vers 14 ans, le virus se déclare et l'individu n'a aucune chance de survivre. Attention, il ne s'agit pas d'un roman de zombies. Ici, cette maladie se déclare par des taches rouges, la fièvre et la toux. Quand nous débutons notre lecture, nous sommes en 2020, en Sicile.
Anna, 13 ans, veille seule sur son frère Astor, environ 8 ans, qu'elle garde cloîtré chez eux dans leur domaine. Comme souvent,
Anna part en expédition chercher à manger en ville. Lorsqu'elle arrive au domaine, elle s'aperçoit qu'Astor a disparu. Elle part à sa recherche. Elle rencontre de bonnes personnes, comme d'autres beaucoup moins sympathiques. Mais certaines deviendront ses compagnons de route. Une quête, de Castellammare à Messine en passant par Palerme et Cefalu, commence alors.
Le personnage d'
Anna m'a beaucoup plu. Depuis ses 9 ans, elle se débrouille seule, à partir d'un cahier "de choses importantes" laissé par sa mère avant de mourir. Sans eau, sans électricité, sans aucun adulte, sans aucune aide extérieure. Elle a en charge son petit frère, à qui elle doit apprendre à lire pour que lui aussi se débrouille seul lorsqu'elle ne sera plus là. Elle porte une immense responsabilité sur ses courtes épaules. Elle est extrêmement lucide pour son âge, mais elle peut également entrer dans une colère noire jusqu'à tout casser autour d'elle. Cette dualité rend le personnage d'
Anna riche et profond.
Anna connaîtra les pires dangers mais elle s'en sort à chaque fois.
Les autres personnages sont aussi attachants les uns que les autres. Il y a Astor, le frère d'
Anna, totalement immature contrairement à sa soeur ; Pietro, un peu plus âgé qu'
Anna, brave gamin débrouillard qui est un rayon de soleil dans ce monde plein de cendres ; Câlinou, le chien-"démon" qui a un lien très fort et très touchant avec
Anna et son frère.
D'une part,
Anna est un roman plein de dualités.
L'obscurité / la lumière :
Ce clair-obscur est présent continuellement dans le récit. Privés d'électricité, les personnages doivent apprendre à apprivoiser l'obscurité : "Dans ces ténèbres, qui puait l'essence et le vernis, la débroussailleuse, le vieil aspirateur, une chaise défoncée, le portemanteau devenaient des monstres prêts à vous déchiqueter. Seuls les rats, dans cette obscurité, se sentaient plus bravaches."
"Nuages ou pluie, froid ou chaud, le noir, tôt ou tard, perdait sa bataille quotidienne contre la lumière".
La mort / la vie :
La mort est partout dans ce roman. Les maisons et les carcasses de voiture renferment des cadavres, l'air pue constamment la mort, dehors ou à l'intérieur du domaine, car le squelette de la mère d'
Anna et
D Astor repose dans sa chambre. le silence règne d'ailleurs sur ce monde post-apocalyptique : "Si elle n'avait pas été assourdie par sa propre respiration et ses pieds qui cognaient sur l'asphalte, elle aurait entendu le silence. Il n'y avait pas un brin de vent, ni oiseaux, ni grillons, ni cigales."
Cependant, la vie perce dans ce monde anéanti grâce notamment à la présence de Pietro, personnage solaire, qui use de l'humour, et fait rire
Anna et Astor.
La solitude / l'amitié :
Anna souffre souvent de la solitude. Elle est fatiguée de prendre seule des initiatives, sans l'aide de sa mère. Avec Pietro et Câlinou, sa vie change et prend une nouvelle tournure.
Au-delà de ces dualités, le roman de
Niccolo Ammaniti renferme une autre originalité : l'imbrication des histoires des personnages dans le récit. Elles se présentent avec un titre en majuscules, à la manière d'un conte (ex : "LE CHIEN AUX TROIS NOMS"). le narrateur nous raconte ainsi le passé des personnages avant que le virus frappe. Cela nous permet de mieux les connaître, mais surtout de voir comment leurs vies ont basculé, sans donner de détails sur l'origine de ce virus.
Par ailleurs, ce roman est véritablement poignant, notamment lorsque
Anna se souvient des moments passés avec ses parents lorsqu'ils étaient encore vivants.
D'autre part, ce roman présente des scènes assez dérangeantes. En effet, ce n'est clairement pas un roman jeunesse : il y a cette scène très particulière dans laquelle
Anna "s'occupe" du cadavre de sa mère, des passages dans lesquels les enfants boivent de l'alcool quand ils arrivent à en trouver, les descriptions des cadavres (secs ou non...) sont développées, etc. C'est donc tout de même très réaliste, assez "cru", je préfère prévenir les âmes sensibles (comme la mienne ^^).
Ensuite, j'ai eu un coup de foudre pour le style de
Niccolo Ammaniti. C'est une écriture très visuelle, au point que j'avais l'impression de regarder un film en lisant le livre. Sa plume est belle mais elle ne manque pas de sarcasme parfois, nous faisant passer par toutes sortes d'émotions. A coup sûr, je lirai ses autres romans tant j'ai été charmée par sa plume si singulière.
Enfin, il y a cette fin... qui m'a... laissée sur ma faim. Elle ne répond en effet à aucune question et j'ai quitté un peu brutalement les personnages que j'ai tant appréciés. de quoi rester frustrée. Y'aura-t-il une suite ? Même si à ce jour l'éditeur ne m'a pas encore répondu, je doute qu'il y en ait une car cette fin m'a fait penser à celle de la Route, qui n'a eu aucune suite. J'espère ardemment un deuxième tome malgré tout, tant les personnages me manquent.
En conclusion,
Anna est un roman post-apocalyptique mais pas que. C'est un roman brillant sur la fraternité et sur l'amour tout simplement, dans un monde où la mort est partout. Original par ses dualités et par sa structure,
Anna est animé par une plume magnifique et qui parfois joue avec nos nerfs. Attention aux âmes très sensibles, ce roman comporte quelques scènes qui peuvent être dérangeantes. Une très belle découverte.
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