- Que tu dormes ou que tu veilles, dis ce que tu viens chasser ici, Hrolf, fils du roi Helgi.
- Je suivais ma soeur.
- Ne la cherche plus. Tu ne trouverais que le chagrin. Il n'est donné que trop tôt à l'homme ; on ne doit jamais savoir son destin à l'avance. Rentre chez toi, roi, saisis l'aviron et gouverne de toutes tes forces. Bâtis puissamment ce dont les hommes se souviendront. (ndr : une sorcière ? prêtresse ? on ne sait pas, là...)
L'hiver amenait le froid, l'obscurité; les ceintures, serrées, mais il promettait aussi un travail moindre, de la glace qu'on tassait sous ses pas ou sur laquelle on glissait, des boules et des bonshommes de neige, de vieilles histoires aimées de tous. Le printemps amenait le labeur, la pluie, la blanche aubépine et un ciel remplis d'oiseaux revenus d'on ne savait où. L'été passait, vert, vert, vertige d'odeurs, abeilles bourdonnantes, soleil sur les torrents aveuglants et tièdes- sauf quand venait l'orage, mais alors c'était merveilleux: le marteau de Thor volait, zzz!, et crac!, il châtiait les trolls, puis les roues de son char tiré par des chèvres l'entraînaient aux tréfonds des cieux. L'automne flamboyait, dispensait des fruits des deux mains, les ventres se tendaient à éclater, la bruyère fleurissait pourpre, la pleine lune éclaboussait la nuit d'une clarté sous laquelle luisaient la gelée blanche, et la rosée sur les toiles d'araignée, tandis que s'étendait un pont bercé par les flots, qui s'allongeait jusqu'à l'horizon; et dans le ciel tout là haut, éclatait le chant du départ d'une oie sauvage...
Une flamme s’éleva minuscule, d’un bleu pâle d’oiseau de Surt à peine éclos, encore fragile. Elle tremblotait dans le vent froid, se recroquevillait entre deux rafales, pépiait une petite chanson pour se donner du cœur à l’ouvrage. Mais elle se nourrissait ; elle grandissait ; à présent, la force accourait en elle, issue du vent ; elle se dressa, audacieuse, impudente, déploya ses plumes de lumière, contempla les alentours et fit un salut crépitant à l’adresse des sœurs qu’elle se découvrait.
Le boisage du fort était vieux, dégradé par les intempéries. La mousse qui colmatait les interstices avait séché comme feuilles mortes. La charpente but les flammes comme jadis, dans les sapinières, elle avait bu le soleil de l’été.
Perdue est notre vie, vidé notre dernier cor,
La mort s'en vient ici, l'espoir s'en va là-bas...
Aucun d'entre nous ne verra le soleil se lever...
Vivre comme le roi Hrolf s'avérait ruineux car il se montrait le plus généreux des donneurs de cadeaux. Mais la fortune qui affluait à mesure que s'étendait sa paix suffisait et permettait même d'épargner.
- Un instant, ma dame, intervint Gudhmund. Ma reine (Olof) nous a dit de préciser qu'elle ne comptait pas venir ici comme invitée.
Yrsa se rembrunit.
- Comment ?
- Si vous venez la voir, ma dame, elle aura un mot à vous dire.
La grimace d'Yrsa s'accentua. Eusse-t-elle été présente, la reine Valthjona l'aurait dissuadé d'accepter une invitation aussi insultante. Mais Yrsa sentit qu'elle devait apprendre de quoi tout ceci retournait.