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EAN : 9782956234968
136 pages
Olivier Morattel Editeur (19/01/2023)
4.57/5   7 notes
Résumé :
Un soir d’été, trois individus se rencontrent par hasard dans un fast-food de l’emblématique quartier lausannois du Flon : Dominique, jeune interne en médecine, Anna, équipière au sein du Brother Burger et Jean-Pierre, gérant de l’enseigne de restauration rapide.

Dominique et Anna ont eu une liaison quatre ans auparavant. Dans la lumière blafarde du fast-food, sous le regard inquisiteur de Jean-Pierre, ils se demandent ce qui les a poussés à se quitte... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Localisé dans une ancienne vallée, qui pour lutter contre l'insalubrité fut comblée au cours du 19ème siècle, le quartier du Flon conserve le nom d'une rivière aujourd'hui souterraine. C'est dans ce cadre, animé par de multiples transformations, que l'auteur va faire évoluer ses personnages, témoins du temps qui passe et de bouleversements qui bien souvent les dépasse.
A travers les parcours croisés d'Anna (formatrice dans la restauration rapide) de Dominique (interne en médecine) et de Jean-Pierre (gérant d'un fast-food), Jérémie André brosse un tableau des maux qui affectent les corps comme les esprits dans nos sociétés actuelles. de la tendinite du poignet générée par des mouvements répétitifs en cuisine aux angoisses existentielles liées à nos choix de vie, l'auteur cartographie une géographie du corps impactée par le temps qui passe, par nos choix de vie, la maladie ou les limites que nous imposent nos sociétés en constantes mutations.

Médecin tout comme Dominique, l'un des personnages phares de ce roman, Jérémie André connaît bien l'anatomie du corps humain et les ravages causés par les affres de la maladie.
Dans ce récit articulé en trois partie : anamnèse familiale, anamnèse actuelle et catamnèse, l'auteur raconte (en parallèle des tribulations des différents protagonistes de cette histoire) la métamorphose de ce quartier lausannois et de sa population, du milieu du XVIIIème siècle à nos jours.
Modelés par l'évolution de la société : les mutations économiques, l'évolution de la médecine et le changement des mentalités, les acteurs de cette histoire se retrouvent happés malgré eux par les tourments, les transitions, les turbulences et les passions parfois contrariées que la vie jalonne sur leur trajectoire.
Dans ce roman au titre emprunté à l'anatomiste de la Renaissance André Vésale, l'auteur nous entraîne avec brio dans un tumultueux maelström des corps et des âmes !
Lien : https://leslecturesdisabello..
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Le monde à l'aune du corps humain: c'est ce que l'écrivain Jérémie André met en évidence dans son court premier roman "La Fabrique du corps humain". Son titre emprunte à l'anatomiste André Vésale, certes, mais aussi au titre du blog que l'auteur tient sous l'égide du quotidien suisse "Le Temps".

Le monde, en effet, modèle le corps humain à son image, qu'il le veuille ou non, et c'est particulièrement vrai en ces temps d'anthropocène. Médecin de son métier, l'écrivain promène un regard original et pointu sur la manière dont les conditions de vie de chacune et chacun: dans un fast-food, la conception de la poignée d'un panier à frites explique les douleurs ponctuelles au poignet d'Anna, qui le manie pourtant avec tant de dextérité. A plus d'une reprise, l'auteur suggère ainsi que le monde n'est pas ergonomique.

Cela, qu'il soit façonné par l'humain ou par la nature – l'un et l'autre étant étroitement liés bien sûr. Ailleurs, l'écrivain indique en détail, et c'est rare dans un roman, le parcours que la fumée inhalée du tabac fait dans l'organisme. Et plus largement, nommant les syndromes avec exactitude, il donne à voir comment la maladie ou le stress, eux aussi, constituent une "fabrique du corps humain", causes de remodelages dramatiques.

Humaniste, "La Fabrique du corps humain" met en avant trois personnages: un jeune médecin, le patron – nommé Jean-Pierre – d'un restaurant de chaîne spécialisé dans la restauration rapide situé dans le quartier lausannois du Flon, et Anna, justement, jadis aimée par Dominique, le médecin.

Le personnage de Dominique permet à l'auteur de rappeler les travers d'une médecine longtemps orientée hommes. La première fois, lorsqu'une activiste intervient dans une conférence sur l'impuissance masculine, le lecteur peut dire, avec son personnage, que c'est du délire. Mais quand une professeure de médecine enseigne que l'histoire de la dissection du corps humain comprend aussi des vols de cadavres féminins pour savoir "comment ça marche, une femme", le même lecteur se met à réfléchir sur la position androcentrée de la médecine des derniers siècles.

Quant aux esprits, indissociables du corps dans l'écologie mise en place par "La Fabrique du corps humain", ils sont également marqués par leur environnement. Il sera question d'aversion au risque avec Anna qui ose sortir du cadre étroit de son emploi de responsable des cuisines d'un fast-food, mais aussi du conditionnement mental de son chef, gérant du même établissement, tellement humain jusque dans ses maladresses, mais fanatique des théories de Frederick Winslow Taylor: son esprit est brutalement façonné par son statut de petit chef dans une entreprise qui le dépasse.

"Roman social au coeur de Lausanne", "La Fabrique du corps humain" dit avec une grande justesse les relations d'humains modelés, malaxés tant au physique qu'au mental par un monde qui les transcende. Ces transformations des humains entrent en résonance, tout au long du roman, avec les remaniements incessants du quartier lausannois du Flon, exemple présenté comme typique d'un palimpseste urbain sans cesse recommencé: il aura accueilli des tanneurs, puis des personnages interlopes (prostitution incluse), puis des artistes et acteurs du milieu alternatif, puis des bobos amateurs d'espaces branchouilles aux prix surfaits – effet d'une gentrification toute récente qui achève d'aseptiser un quartier d'abord vu comme méphitique.

Au travers de trois personnages qui ont aussi un coeur même s'il ne bat pas toujours à l'unisson, barattés par la vie, "La Fabrique du corps humain" décrit avec succès tout un écosystème cohérent, détaillé et attachant. Cela, tout en faisant revivre les grandes années de lieux emblématiques du quartier lausannois du Flon, qu'il s'agisse du célèbre MAD (Moulin à Danses) ou de ces recoins discrets où l'on peut gambiller jusqu'au bout de la nuit, pour autant qu'on ose en pousser la porte à la poursuite d'une jolie fille à aimer.

Lien : http://fattorius.blogspot.co..
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Certains romans vous émeuvent pour d'obscures raisons.
Leur synopsis, de prime abord, ne vous touche pas plus que cela,
leur apparence est des plus sobres,
et leurs premières pages ne font pas vibrer vos entrailles,
mais ils se retrouvent rapidement couverts de ce voile léger, diaphane, presque invisible qui les rend désirables.


Vous les lisez en quelques heures,
studieux·se, patient·e, attentif·ve,
puis vous les refermez et voilà qu'une étrange tristesse vous envahit.
De celles qui se loge au fond de votre gorge, juste sous votre glotte.
C'est une tristesse qui n'appelle pas de larmes,
une tristesse qui se contente d'exister dans votre coeur
et de se plaire à le faire vaciller.


Vous l'avez compris, c'est cette tristesse, aussi légère que transitoire, qui m'a submergée en terminant La Fabrique du corps humain de Jérémie André.
Cette émotion, je l'ai savourée comme une praline décollée d'une brioche dorée, je l'ai laissée prendre ses quartiers dans ma poitrine, pousser quelques meubles, s'y faire une place.
Et c'était doux.


Au résumé en quatrième de couverture, l'éditeur ajoute :
"À la fois théâtre d'anatomie et théâtre des passions humaines, La Fabrique du corps humain est un véritable roman des corps. le corps comme objet d'étude et de savoir. le corps dépositaire des angoisses de l'homme contemporain. Et le corps modelé, traversé et parfois détruit par les exigences prédatrices du capitalisme sauvage".


Si je ne peux qu'acquiescer à ces observations éditoriales, je dois avouer qu'avant toute considération intellectuelle – voire intellectualisante – ce sont d'abord les personnages en tant qu'êtres humains sensibles et uniques qui m'ont touchée, participant de la mélancolie dans laquelle je me suis trouvée une fois le roman terminé.
J'ai trouvé leur incommensurable solitude parfaitement rendue, les plaies ouvertes dans les coeurs d'Anna, de Dominique et de Jean-Pierre données à voir avec intelligence et leurs peaux meurtries subtilement montrées. J'ai eu l'impression de cheminer avec des amis, des êtres complexes et abîmés, bercés de questions, lardés de cicatrices, et cela m'a infiniment plu.


La langue est sobre et mesurée, blanche parfois, sensible toujours. Au service du propos, littéralement.
Et puis il y a la thèse de ce roman, cachée entre les omoplates des personnages, habilement mise en exergue par l'auteur à certains moments du récit et intelligemment libérée à la fin. Un argument de plus pour sauter à pieds joints dans ce court roman passionnant aux dernières pages jubilatoires.


Une réussite !
Lien : https://www.mespetiteschroni..
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Petit retour à chaud à la fermeture de ce roman:

Pour le fond: j'ai vraiment apprécié ces personnages porteurs d'une déprime latente et froide. Ils m'ont évoqué des bout de bois flottant, dérivant sans lutter, malmenés qu'ils sont par une société à l'inertie glaciale et destructrice. C'est beau! J'ai spécialement aimé la métaphore du Flon muselé, endigué et ravagé comme l'est le corps féminin par le patriarcat et le capitalisme.

Pour la forme: bravo pour cette écriture concise, pointue, portant peu d'affects mais en évoquant beaucoup (du moins permettant d'en projeter pleins à soi). J'ai spécialement apprécié ces personnages qui ne sont jamais vraiment décrit physiquement, comme des coquilles à l'enveloppe vide.

En conclusion: on espère sincèrement que ce n'est qu'un début pour l'auteur et qu'il poursuivra ses aventures romanesques!
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Les travailleurs sont transformés par le labeur comme l'animal par l'homme. Les mains s'écorchent, les peaux se tannent et les ventres pourrissent sous l'influence des infections transmises durant le bref réconfort de l'amour. A l'image de la bête, la vie de l'habitant du Flon est courte. Déjà, il retourne dans la chaleur intestine de la terre rejoindre par la putréfaction de son corps le grand cycle organique duquel il s'était brièvement extirpé.
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Jean-Pierre Salvatore est un manager foncièrement optimiste. Il est persuadé qu'un discours inspirant peut changer le cours d'une vie, provoquer le bonheur et faire revenir l'être aimé.
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