Je suis ambivalente à l'égard des zombies. D'un côté, ce sont les créatures du bestiaire fantastique qui m'effraient le plus, j'ai même une réticence à visionner des films de zombies tant je suis certaine qu'après je ferai des cauchemars. Mais, d'un autre côté, j'ai aussi une fascination pour les films les mettant en scène, d'autant plus que le genre a donné de nombreux chefs d'oeuvres. En premier lieu, les films de Romero, véritables brulots politiques tout en étant divertissants et impressionnants. Je pourrais citer également le très bon et très introspectif « le mort-vivant » de Bob Clark, le drôle « retour des morts-vivants » de Dan O'Bannon, l'excellente adaptation de
Lovecraft « Re-animator » de
Stuart Gordon. Et il y en a une pelletée. Bref, même si j'ai une réticence, j'aime les films de zombies. Pour autant, je n'avais jamais lu de roman mettant en scène ces créatures nécrotiques. C'est maintenant chose faite avec «
un horizon de cendres » de
Jean-Pierre Andrevon.
Ce genre de récit, que ce soit au cinéma ou sur papier, n'es pas évident à traiter. En effet, il s'agit d'un registre extrêmement codifié, dont le lecteur ou le spectateur connait parfaitement les règles, les clichés et les mécanismes. Et ce lecteur ou spectateur espère souvent être surpris par une oeuvre qui osera s'affranchir de ces règles. Mais, paradoxalement, il aime aussi que les codes soient respectés. Dès lors, difficile de trouver le bon équilibre. Rester totalement dans le carcan des codes c'est s'exposer à des critiques de conformisme et proposer un changement trop radical c'est risquer de se voir accuser de ne pas respecter le genre. Vraiment pas facile !
Je trouve qu'
Andrevon réussit plutôt bien à trouver cet équilibre. Il faut dire qu'il est évident qu'il assume pleinement ses influences et qu'il ne cherche pas à faire preuve d'audace gratuite juste pour se monter original. En fait, il préfère, d'une façon générale, marcher dans les traces de Romero pour ce qui est de la représentation des zombies. En effet, l'instinct grégaire de la créature fait immanquablement penser à « Zombie » et à ses hordes d'ex-consommateurs s'agglutinant autour d'un supermarché. Tout comme le fait que, vers la fin du roman, les zombies semblent évoluer rappelle Bub, le zombie « domestiqué » du « jour des morts-vivants ».
Donc, pour ce qui est de la représentation des morts-vivants, on est vraiment dans un territoire connu. Et, pour qui aime les grands classiques du genre, c'est une qualité. Pour moi, dans le registre des zombies, Romero reste inégalé donc j'ai apprécié qu'
Andrevon fasse le choix de conserver, dans les grandes lignes, le même genre de traitement des créatures. Je dis dans les grandes lignes parce qu'
Andrevon opte tout de même pour un choix de représentation qui sort un peu du cadre défini par Romero. Chez le maître du zombie sur pellicule, une balle dans la tête suffit à régler son compte au mort-vivant. Chez
Andrevon, ce n'est pas le cas, la créature finira tout de même par se relever, inéluctablement. Même démembrée, elle va se reconstituer pour reprendre son errance. Que penser de ce parti-pris ? J'ai envie de dire « pourquoi pas ? ». Mais je n'ai pas adhéré. Je ne sais pas pourquoi mais c'est un fait, je n'ai pas aimé ce choix.
Le contexte, en revanche est un peu différent. Plus franchouillard d'abord avant de s'américaniser un brin. Je m'explique. Toute la 1ère partie du récit se déroule dans une zone rurale française. J'ai beaucoup aimé cette partie. D'abord, le décor est bien planté et ensuite, l'irruption des zombies dans ce contexte est bien amenée. Les choses se font petit à petit, à hauteur d'Homme. D'abord, il s'agit d'un fait anecdotique, un de ces petits riens qui peuvent se passer dans un village. Puis, ce fait étrange prend de l'ampleur, affectant des connaissances du héros, puis le village entier. J'ai aimé ce traitement très progressif et le fait que l'auteur montre les conséquences intimes de cette invasion.
La seconde partie, celle que je qualifie d'américanisée, ressemble plus à un film d'action avec son camp retranché en pleine ville avec des types et des filles badass qui font des sorties musclées en territoire zombie. Ce n'est pas déplaisant, c'est même plutôt divertissant mais cette partie m'a beaucoup moins intéressée. Moins original, moins personnel, à partir de ce moment-là, je me suis sentie moins impliquée dans le récit comme si, en passant de l'intime au spectaculaire, le récit perdait en substance, en profondeur et en personnalité.
J'ai tout de même passé un bon moment. Il faut dire qu'
Andrevon a une très belle plume et qu'il sait mener un récit. Ce se lit vraiment tout seul. J'ai dévoré ce bouquin en 1 jour. Je le conseille aux amateurs de zombies. Quant à moi, c'est certain, je n'ai pas fini de m'intéresser à l'oeuvre variée de
Jean-Pierre Andrevon.