Bienvenu à Barbès, Paris 18ème. A deux pas du Sacré-Coeur.
Ah là, on n'est pas dans le Paris chic des Champs Élysées et des boutiques de luxe.
Ici, le luxe c'est Tatiland comme on l'appelle, c'est quand même autre chose...
C'est là qu'Abad, un jeune Libanais de 13 ans a atterri avec sa famille.
Abad, il va vous faire visiter son quartier, sa rue Léon.
Il va vous présenter sa famille, ses voisins, ses putes, ses fantasmes (avec sa bande de potes puceaux), il va vous faire rencontrer Gervaise, Odette, Batman ou encore la dame pour ouvrir dedans (c'est lui qui l'a baptisé comme ça, mais je vous laisse deviner qui elle est, d'ailleurs).
À Barbès vous allez croiser toutes les communautés, toutes les religions, tous les excès. Vous allez fréquenter les bistrots, les mosquées ou les hôtels de passe. Vous allez observer depuis votre fenêtre, votre balcon (plus sûrement votre fauteuil), la vie des autres, de ces gens-là qu'il est plus facile de montrer du doigt que d'essayer de comprendre.
Que savons-nous du déracinement ?
Que connaissons-nous des causes qui ont amené là, tant de nationalités, de religions et de cultures différentes, obligées de cohabiter ?
Ici on vend de tout, tissus, fruits et légumes, alcool, drogue, on vend son corps, on vend du rêve et de l'espoir, à chacun son Dieu, même si celui des barbus est omniprésent, à chacun ses croyances, ici, souvent, on baisse la tête. Ici des femmes qui se cachent sous le niqab croisent des femmes qui, elles, dévoilent leurs charmes.
Abad, avec son regard d'ado, ne dément pas. Il ne vous décrit pas le paradis sur terre.
Sous la plume caustique de
Sofia Aouine, vous allez vivre le quotidien d'un gosse de Barbès.
Oh, vous n'allez certainement pas l'envier, ni ceux qu'il croise d'ailleurs, mais vous allez vivre au plus près d'un monde que nous autres nantis on se plaît à deviner plus qu'à fréquenter.
À Barbès, des hommes battent femmes ou enfants parce que l'alcoolisme ou le chômage.
À Barbès des femmes subissent et élèvent leurs enfants en silence.
À Barbès des enfants font des conneries alors on sévit.
À Barbès on rit, on chante, on pleure, comme partout, y a juste les langues qui diffèrent.
Sofia Aouine réussit un coup de maître avec ce premier roman. Elle ne cherche pas l'empathie. Elle n'accuse pas. Elle ne culpabilise pas.
Dans son livre, elle ouvre la fenêtre d'Abad et lui dit doucement à l'oreille :
- Regarde petit, respire, écoute, voici ton monde, il n'est ni beau ni laid, il est le monde...
Abad c'est les habitants de Barbès, c'est elle, c'est nous...