Ah! La jouissance délicieuse qu'accompagne le sentiment de lire quelque chose d'interdit...Je l'ai connu à l'internat,
il y a quelques années, quand j'ai mis la main sur ce court récit d'
Apollinaire, qui y circulait de mains en mains.
On y découvre finalement que les hommes et leurs fantasmes ne changent pas, et que la pornographie d'aujourd'hui n'a à vrai dire rien inventé ou presque. Les changements entre la pornographie d'antan et celle de maintenant tiennent davantage aux préférences "esthétiques": l'on apprend dans ce livre que le femmes à la toison bien fournie, légèrement corpulentes étaient tout à fait objet de désir, et l'odeur corporelle de la femme participe à son attractivité (le narrateur parlant de "l'odor di femina")
Autre grosse différence majeure avec maintenant: la quasi-absence de contraception...Mais le narrateur ne s'en formalise pas outre mesure, affirmant à la fin du roman qu'en fécondant un grand nombre de femmes il contribue à effectuer un devoir patriotique, celui d'augmenter la population française. Il n'est pas inutile de rappeler qu'on est avant 1914, à une époque où la Revanche contre l'Allemagne est dans tous les esprits.
Pour ce qui est du contenu, je dirais même que par endroits, c'est encore plus cru que le porno actuel...Qu'on en juge donc: on retrouve donc, du plus "soft" au plus "hard": masturbation, sodomie, adultère, creampie, urophilie, scatophilie, zoophilie, inceste et même (de manière très brève cependant) pédophilie (le narrateur raconte qu'un jour sa bonne lui a fait une fellation alors qu'il était enfant...)
Cela en devient presque "rassurant" pour notre monde actuel et son rapport au sexe...Qui n'est finalement pas pire qu'
il y a une centaine d'années, à en juger par ce livre. La nature humaine ne change jamais réellement...
Pour ma part je garde un bon souvenir de ce livre, pourvu que l'on prenne de la distance par rapport à certaines pratiques (je suppose qu'il en est de même pour la lecture de
Sade...)
Ce n'est certes pas le meilleur livre d'
Apollinaire, néanmoins je le conseillerais volontiers à la place de billevesées du genre Fifty Shades of Grey...