«
le ciel par-dessus le toit », un nouveau livre de
Nathacha Appanah (chez Gallimard), sans un mot de trop ! Dans un récit dont la concision se conjugue à merveille avec la force d'émotion qui s'en dégage, l'auteure de «
La noce d'Anna » et de «
Tropique de la violence » reprend son exploration des relations familiales, confrontées à la dureté du monde social, révélant une fois de plus tout son talent pour débusquer les élans sauvages de l'âme, dessiner la mouvante frontière entre la haine et l'
amour. Loup, un grand adolescent, a été appréhendé et enfermé dans le quartier des mineurs d'une maison d'arrêt pour avoir conduit sans permis et créé un accident, en voulant aller voir sa grande soeur Paloma, partie du domicile maternel des années auparavant. La nouvelle bouleverse Phénix, sa mère, et bientôt Paloma, prévenue par sa mère en dépit de leur hostilité réciproque. Les voici convoquées l'une et l'autre par le juge pour apporter un témoignage propice à la défense de Loup… Mais l'histoire ne débute pas vraiment là, car « avant Phénix, Paloma et Loup, il y avait Éliette et c'est avec elle que tout a commencé ».
Nathacha Appanah remonte le fil du temps, d'une mémoire familiale marquée par la transformation d'une sage petite fille de bourgeois, la belle Éliette, traumatisée par une agression sexuelle, en une écorchée vive, la brutale Phénix, capable d'incendier la maison de ses parents. Et c'est de ce mauvais fil rouge des violences familiales transmises en héritage et de la difficulté à réparer les
amours brisés que se tisse la trame d'un récit particulièrement bouleversant, où même des personnages apparemment secondaires comme le grand-père ou le docteur Michel apportent des voix essentielles au difficile débat. Ce « ciel par-dessus le toit », tous les acteurs du récit, après
Verlaine, l'observent chacun à son tour, mais ce n'est jamais le même ciel, tant il change au gré des états d'âme, comme change aussi le sens des mots. La dimension la plus séduisante, en effet, de cette histoire, c'est peut-être moins l'illustration réussie d'une résilience possible, qu'une nouvelle fois, l'interrogation de l'écrivaine sur la vertu des mots – Loup, par exemple, cultivant sa propre logique poétique, chaque mot suscitant des échos et du sens comme dans ces curieux « l'hiver (misère, vipère) » ou « soeur douceur chaleur » qui rythment sa vie en prison – ou leurs pièges, quand un
amoureux se prend une claque pour avoir appelé Éliette… « Éliette » et non « Phénix » ! Quand la littérature questionne ainsi, au plus intime, la portée du langage sur nos vies, le lecteur s'en trouve récompensé… Alors, vite, ce petit
Nathacha Appanah, à découvrir ?