AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,98

sur 108 notes
5
11 avis
4
9 avis
3
8 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Après lecture de ce livre, je ressens un élan d'affection velouté vers Aharon Appelfeld comme s'il nous avait tendu la clé ouvrant avec délicatesse nos coeurs et remplissant nos âmes en abondance. Pour les recouvrir de coton. Et y amoindrir ainsi la douleur grandissante au fur et à mesure des pages. La douleur des camps de concentration, celle de la nostalgie des parents dont on comprend enfin l'essence, celle enfin de la nature humaine révélée. Étrange de ressentir à la fois autant de douceur, de lumière, dans l'obscurité la plus totale. Quelle lecture à la fois onirique et glaçante, quelle façon originale de raconter l'inracontable !

Aharon Appelfeld a choisi la voie du conte poétique et philosophique, du rêve, du songe, de la balade pour faire remonter et éclore ses pensées et ressentis. Comme s'il lançait des grains, aussitôt germés de belle façon. J'ai cheminé avec le héros Théo, ne sachant jamais trop s'il rêvait, s'il pensait tout haut, s'il délirait. Tels des rêves récurrents certaines scènes reviennent à maintes reprises, en boucles, ritournelles d'une simplicité déroutante pouvant gêner la lecture mais non sans signification profonde quant au message à faire passer. Dans tous les cas cette balade à ses côtés fut scintillante, et continuera de briller longtemps en moi.

Théo Kornfeld (prénom et nom à haute valeur symbolique), juif autrichien, rentre chez lui, à pied, à quelques 250 km de là. C'est le « retour à la maison » tant espéré, tant fantasmé qui est donc l'objet du livre. Enfermés dans le camp n°8 en Ukraine pendant deux ans, lui et ses compagnons d'infortune se sont retrouvés en effet en liberté suite à l'avancée des troupes russes faisant déguerpir les oppresseurs.
Libérés et livrés totalement à eux même, ces rescapés errent, et tentent, tant bien que mal, de rentrer, assaillis par la fatigue, le contrecoup de l'atrocité vécue, la culpabilité, la peur, la faim. Ils profitent des vivres, des cigarettes, du matériel laissés par l'ennemi parti précipitamment, tiraillés entre le désir de rester en groupe et la volonté de retrouver enfin leur liberté, leur solitude alors qu'ils se sont tous entraidés, corps et âme, pendant de nombreux mois.
Ils profitent du café surtout…quelle ode au café, breuvage divin et fraternel ; il est sans cesse honoré tout au long du livre au point de l'avoir lu moi-même les lèvres couleur café…

« Rien ne vaut le premier café de la journée, il nous restitue quelque chose de perdu et de précieux ».

Le chemin du retour est un lieu incertain quant à sa localisation, en pleine campagne devine-t-on, jonché de restes de guerre, où surgissent d'étranges personnages d'errance dont une certaine Madeleine qui incarnera le plus la notion d'amour véritable. Tous ces êtres semblent évoluer dans un monde onirique et ont quelque chose de kafkaïen, de très mystérieux. Certains paraissent dangereux, d'autres névrotiques, d'autres incarnent la bonté même.
Quant au paysage, il est par moment d'une beauté bucolique, sorte d'Eden retrouvé :

« L'immense plaine s'étendait dans toute sa splendeur verte. Les ombres des bouleaux frémissaient sur le sol en silence. Une douce lumière de fin d'après-midi régnait, tel un cocon dans lequel l'on pouvait se blottir. »

Ce chemin est surtout un cheminement symbolique, une réflexion hébétée propice aux rêves et aux chimères. Ce chemin est un chemin psychologique selon moi, sur lequel Théo va faire éclore toutes ses craintes, tous ses souvenirs, toutes ses incompréhensions, tout son amour et sa bienveillance en autant de graines semées au fur et à mesure de sa déambulation et de ses tribulations. Qu'il se permet de faire éclore avec bienveillance, car après le camp, il est doté d'une compréhension différente des choses.
Et c'est un chemin d'une stupéfiante clarté. Quand certains s'interrogent sur le titre du livre, j'y vois par ma part le chemin de la compréhension et de l'éclosion.

Ainsi, l'errance du retour permet à Théo de revenir sur sa mère tant aimée, cette femme belle et fantasque, si particulière, que nous devinons bipolaire et qui avait une emprise énorme sur Théo enfant, préférant partager avec son fils les beautés du monde via de nombreux pèlerinages que l'envoyer à l'école. le père ne pouvait que paraitre fade, austère, invisible, en comparaison. Cette marche lui permet de voir sa mère en vérité, avec cependant beaucoup amour, et de réhabiliter ce père qu'il trouvait si effacé, vouté, taiseux. de le comprendre. Notamment grâce à Madeleine qui a aimé en effet son père. Et de l'aimer ce père, à son tour.

« Maman était en proie soit à de profonds abattements, soit à de grandes exaltations. À côté d'elle, papa paraissait toujours craintif, inquiet, il parlait à peine, ou uniquement lorsque c'était nécessaire. Maman l'éclipsait. Je n'ai pas su voir qui il était ni réussi à le connaître. »

La stupéfiante clarté c'est aussi la compréhension enfin atteinte, à travers le souvenir de sa mère, du sacré, celle d'un dieu au-délà des religions établies, des normes et des rites à suivre. Sa mère juive, fascinée par les monastères chrétiens, par les icônes de Jésus, par la beauté des chants religieux, par la beauté des paysages, par la musique de Bach, atteignait Dieu par la beauté plus que par le rite consacré. En touchant au sublime, elle atteignait Dieu, même dans un endroit aussi profane qu'un lac.

Cette stupéfiante clarté est également cette façon qu'a Théo de comprendre la nature humaine. Alors que les juifs ont vécu l'abominable dans les camps de concentration, certains rescapés juifs réservent à l'ennemi et aux collabos le même châtiment. Ils répondent à l'abominable par l'abominable, et Théo est témoin impuissant de ce spectacle qui en dit long sur notre animalité, pour ne pas dire notre bestialité. J'admire Aharon Appelfeld d'avoir osé parler, dans son dernier livre, de cette loi du Talion, que l'on retrouve aujourd'hui au coeur du conflit israélo-palestinien.

« Les collabos qui avaient été battus étaient rassemblés sous un petit arbre, tous menottés, et, n'eussent été leurs visages salis, ils n'auraient pas semblé différents des autres rescapés ».

Ce chemin est également source de questions pour Théo, de nombreuses questions qui sont celles du tout peuple opprimé : comment témoigner de l'horreur des camps ? Devons-nous témoigner ? La parole est-elle possible ? Parler des douleurs de l'âme de manière aussi simpliste n'équivaut-il pas à une profanation ? Devons-nous rester ensemble, nous les compagnons d'infortune pour témoigner ou retrouver enfin notre solitude au risque de ne pouvoir faire passer le message ? Devons-nous sacrifier notre droit au bonheur pour le témoignage et donc ressasser notre douleur ?

Et enfin, clarté, stupéfiante, sur la compréhension suprême : celle de notre part incompréhensible… « Nous devons accepter l'incompréhensible comme une part de nous-même… L'incompréhensible est plus fort que nous. On doit l'accepter, comme on accepte sa propre mort. »

Alors qu'il ne sait pas s'il va retrouver sa maison intacte et ses parents vivants, «la lumière se déversait à l'intérieur de son corps comme dans un récipient vide», oui après les horreurs subies, Théo est autre, et il comprend désormais des choses qui lui étaient restées opaques ou indifférentes avant la guerre. Ses parents, la nature humaine sont désormais plus compréhensibles à ses yeux, telles des limpidités bleutées qui viendrait enfin le contenir et le remplir d'une dimension quasi christique.

Eduardo, toi qui m'a inspiré cette lecture, tu poses une question à la fin de ta belle chronique ; après lecture de ce livre je répondrais sans doute oui à ta question : cette stupéfiante clarté est certainement « cette découverte de ce qui est «l'immuable» par rapport à ce qui est «purement éphémère», et qui permet de se reconstruire une nouvelle vie après un catastrophe sans renier son passé ».
Merci à toi, cher ami, d'avoir mis ce livre sur mon chemin.
Commenter  J’apprécie          10638
« À la fin de la guerre, Theo décida qu'il ferait seul le chemin du retour jusqu'à la maison, tout droit et sans prendre de détours. »

Jeune homme de vingt ans, Theo Kornfeld, quitte ses compagnons d'infortune avec qui il a partagé l'indicible, pour prendre le chemin de sa ville natale située en Autriche, à quelques centaines de kilomètres à l'est du camp qu'il vient de quitter.

Son retour solitaire vers le lieu de sa naissance sera parsemé d'embûches, de rencontres tantôt lumineuses, tantôt inquiétantes, et donnera l'occasion au héros de plonger dans une longue introspection sur son rapport à une mère séductrice et mystique et un père qu'il n'est jamais parvenu à appréhender.

Malgré le froid, la faim, le souvenir des camps, le trajet vers l'est de Theo est illuminé par une lumière d'une stupéfiante clarté. Durant ses songes éveillés, le jeune héros renoue avec ses racines, appréhende les failles cachées de sa mère bien-aimée et entrevoit enfin les qualités cachées d'un père trop discret.

Sa rencontre fortuite avec Madeleine, une femme gravement blessée, qu'il va tenter de soigner de son mieux, nous donne l'occasion de découvrir toute la générosité et l'opiniâtreté du héros, qui aide une rescapée au courage stupéfiant évoquant un ange aux ailes brisées par les vents mauvais de l'Histoire.

Tandis que « Le garçon qui voulait dormir » entrelaçait les songes avec le quotidien du voyage vers la Palestine du jeune Edwin, « Des jours d'une stupéfiante clarté » entrelace les souvenirs de Théo avec son long chemin vers son village natal. Un procédé qui permet à Aharon d'Appelfeld de dérouler un récit de voyage vers l'est, tout en le parsemant d'incises méditatives.

Yetti, la mère fantasque du héros, occupe une place prépondérante dans les souvenirs d'enfance du jeune garçon. Femme à la beauté irradiante, juive non-pratiquante fascinée par les chapelles, les églises, les monastères et la musique de Bach, elle n'a de cesse d'emmener avec elle le jeune Theo, qui devrait être à l'école, pour aller découvrir un monastère ou une chapelle nichée dans les hauteurs.

Aveuglé par son amour pour une mère possessive, Theo n'a que peu de rapport avec son père Martin, libraire discret et dévoué qui finance tant bien que mal les extravagances de son épouse. C'est Madeleine qui a aimé en secret le beau Martin durant leurs années de lycée qui lui révélera à quel point cet homme effacé était aussi un être brillant, curieux, joyeux.

---

Le long chemin de Theo le conduira à assister, impuissant, à des scènes d'une violence terrifiante où des rescapés massacrent des juifs « collabos » que les nazis ont forcé à agir contre leur communauté. le jeune homme alerte devra également affronter des réfugiés violents, qui ne comprennent pas son désir insolite de se rendre au monastère de Sankt Peter, où il espère retrouver sa mère.

« - Comment ça, vous travaillez gratuitement ?
- Pas gratuitement, dit la femme, un sourire en coin. Les gens me remercient et reprennent la route en étant rassasiés. C'est mon salaire. Je n'ai guère besoin de plus. »

Theo croisera des gens de peu qui ont tout perdu, mais ont gardé l'essentiel : un coeur pur. Telle cette femme qui a perdu tous les siens et qui a dédié sa vie à nourrir les réfugiés qui errent sur les routes.

Madeleine incarne cette lumière qui ne cesse d'irradier une âme intacte prisonnière d'un corps meurtri. Figure lumineuse et sacrificielle du roman, elle sert de révélateur de la générosité sans faille de Théo tout en dissipant la part d'ombre qui flottait sur la figure tutélaire d'un père absent.

---

« « Pourquoi ne parlez-vous pas ? » me demande le médecin. Il ne comprend pas qu'on ne peut pas parler de certaines choses. Elles heurtent tant la conscience qu'il est impossible de les prononcer, même du bout des lèvres. »

« Des jours d'une stupéfiante clarté » revient sur cet indicible qu'Aharon Appelfeld se refuse à aborder. À l'instar d' « Histoire d'une vie », ce roman nous rappelle la thèse de l'auteur selon laquelle le langage n'épuise pas le réel. Certaines réalités ne peuvent être contées, sous peine de travestir le réel, de minorer l'innommable.

« Celles qui nous frappaient étaient nos soeurs, des collabos. Nous recevions chacune cinq coups douloureux, puis nous rampions vers notre baraquement à bout de forces. J'essaie de raconter cela, je n'y arrive pas ».

Les épreuves traversées par Madeleine et tant d'autres ne se racontent pas. Ce refus de formuler l'indicible est sans doute la pierre angulaire de l'édifice littéraire que constitue l'oeuvre de l'immense écrivain israélien né en Bucovine. Ce refus n'a rien à voir avec une quelconque forme de modestie, mais avec le feu intérieur qui ne cesse de brûler au creux de l'âme de l'auteur, qui lui intime de garder le secret sur l'horreur absolue traversée par tout un peuple, une horreur qui touche à une forme de sacré, que notre langage ne peut décrire adéquatement.

---

Malgré les embûches, Théo rencontre au cours du long périple qui le mène à sa terre natale, une sainte qui s'ignore, la bien nommée Madeleine, ainsi que des femmes et des hommes qui ont tout perdu et pourtant conservé l'essentiel : la croyance dans le sens d'une vie dédiée à l'aide de son prochain.

C'est ainsi que le voyage vers le soleil levant du héros parvient à dissiper l'infinie noirceur qu'il laisse derrière lui, et que Théo vivra au cours de son périple incertain « des jours d'une stupéfiante clarté ».

Commenter  J’apprécie          6630
Le jeune Théo Kornfeld, libéré du camp de concentration où il a été interné, rentre chez lui à pied. C'est le sujet de ce récit, qui n'est pas sous-titré "roman", ni "témoignage", ni "autobiographie", ni rien de semblable. On serait tenté de parler de structure picaresque, à cause des étapes, des rencontres, des situations traversées par le héros voyageur, mais le pittoresque et la drôlerie du roman picaresque sont ici absents. Théo Kornfeld se sent poursuivi par des remords et des vengeurs : ses camarades de captivité n'ont pas apprécié qu'il les quitte pour rentrer seul chez lui ; il a en quelque sorte trahi sa communauté pour renouer avec sa vie d'avant-guerre ; à une étape, il se défend contre un homme qui l'agresse, apprenant que sa mère fréquentait trop les monastères chrétiens : il se reproche d'avoir fait tomber son agresseur. Son voyage est ainsi parsemé de doutes, de questions, de remords, de souvenirs, de visions du passé ou bien du camp, ce qui fait que le récit se déroule sur plusieurs plans à la fois : la "réalité" du retour à la maison, les rêves du passé et ses dialogues avec les morts, les visions qu'il a de personnes qui lui parlent et à qui il répond, les souvenirs du camp. Mais aussi, la nourriture, le retour à une alimentation plus saine, le café, le sucre, la soupe, ces éléments ordinaires de la vie prennent une dimension miraculeuse pour tous ceux qui en ont été privés, de même que le sommeil, les réveils sans gardes ni brutalités, tout ce plaisir de vivre qui revient lentement à Théo à mesure qu'il voyage. Cette sensualité va de pair avec l'irréalité de ce beau récit qui s'étage en plusieurs plans de réel et de rêve. Loin d'être compliqué, ce texte au réalisme réfracté dans tous ces niveaux différents devient poétique, multiple et profondément attachant.
Commenter  J’apprécie          1414
Une parenthèse de quelques jours à la lecture de ce livre magnifique
Theo Kornfeld 20 ans sort d'un camp de concentration et décide de rentrer chez lui à pied en Autriche
Nous allons vivre avec lui ce retour , à la vie .
Récit poignant , les souvenirs de ses parents ,de sa famille , des amis , de sa vie d'avant
Les questionnements en filigrane après cette épreuve terrible
Tout est dit avec une poésie somptueuse , j'en suis bouleversée
Comment vivre et faire confiance aux "autres " après un tel chaos
La douleur est là mais comme cachée , par pudeur ….et les nons dits sont encore plus forts
Magnifique , à lire absolument …….éblouissant
Commenter  J’apprécie          100
Les souvenirs heureux et contemplatifs de Théo enfermé dans un camp de concentration, grâce à eux, ils l'ont aidés à survivre dans l'horreur la plus totale. Mais il est vrai que ceux qui préfèrent les histoires à l'eau de roses, font la sourde oreille quand on leur parle de la tendance native de l'homme à sa méchanceté, son agressive destruction menant aussi à la cruauté.
L'effectivité du nazisme, ses conséquences épouvantables et ses dommages durables dans la culture, toutes recèlent la persévérance de l'espèce humaine, une jouissance de la toute puissance chosifiante. Elle est devenue la condition d'une vigilance vitale pour en affronter les épisodes à venir...

Commenter  J’apprécie          70
ai déjà lu, et j'avais été très touchée par l'Histoire d'une Vie, le décès de Aharon Appenfeld en janvier 2018 a conduit notre bibliothécaire à mettre ce livre au programme de notre club. Cette lecture est un nouvel éclairage sur la Shoah. L'auteur y rassemble, en effet, ses souvenirs sur les quelques mois après la libération des camps de concentration. Nous suivons Théo Kornfeld qui veut retrouver sa maison familiale en Autriche. Dans des chapitres très courts, le jeune homme raconte son errance à travers une Europe ravagée par la guerre, et sa volonté de retrouver son père et surtout sa mère, il est peu à peu envahi par ses souvenirs d'enfance. Avant la guerre, sa mère, visiblement bipolaire, entraîne son fils dans tous les lieux où l'on peut écouter des concerts de Bach en particulier les monastère chrétiens et petites chapelles isolées même si elle en est parfois rejetée comme « salle juive ». Elle entraîne aussi son mari vers une faillite financière, lui qui travaille comme un fou pour satisfaire tous les besoins de sa trop belle et fantasque épouse. L'errance de Théo à peine sorti de son camp, lui fait croiser les « rescapés ». Chaque personne essaie de retrouver une once de dignité pour repartir vers d'autres horizons. C'est terrible et chaque vie révèle de nouvelles souffrances, je pense à cette femme qui s'installe sur le bord de la route pour apporter des soupes chaudes et réconfortantes aux personnes qui viennent d'être libérées et qui sont sur les routes. Elle ne peut pas se remettre d'avoir empêché sa soeur et ses deux nièces de s'exiler en Amérique avant l'arrivée des nazis, elles sont mortes maintenant et en nourrissant les pauvres ères échappés à la mort elle essaie d'oublier et de revivre.

Entre rêve et hallucination, Théo livre un peu les horreurs dont il a été témoin, et surtout il redonne à chacune des personnes dont il se souvient une personnalité complexe qui ne se définit pas par le numéro gravé sur son bras, ni par sa résistance ou non aux coups reçus à longueur de journée. Tout ce que raconte Théo se passe dans une atmosphère entre rêve et réalité, il est trop faible pour avoir les idées très précises et les souvenirs de l'auteur viennent de si loin mais ils ne se sont jamais effacés c'est sans doute pour cela qu'il dit de ses journées qu'ils sont « d'une stupéfiante clarté ». Un livre qui vaut autant par la simplicité et la beauté du style de l'auteur que par l'émotion qu'il provoque sans avoir recours à un pathos inutile, ici les faits se suffisent à eux mêmes.
Lien : http://luocine.fr/?p=10023
Commenter  J’apprécie          50
A la fin de la guerre, Théo quitte un camp de concentration abandonné par les nazis, pour retourner chez lui, à la maison. Son espoir, retrouver sa mère, enfermée dans un asile psychiatrique avant-guerre. Sa route est solitaire, il est entouré de paysages désolés, les survivants règlent leur compte aux collabos…

Pour survivre, il se réfugie dans des bulles de passé, retrouvant sa mère, une femme très belle et fantasque qui trouvait son bonheur en admirant des icônes dans les monastères, qui plaçait Bach au-dessus de toutes ses joies. Son père, libraire, correspondait, lui, au profil de l'intelligentzia juive d'avant-guerre.

En chemin, Théo s'installe dans la cabane vide d'anciens gardiens. Il y reprend son souffle, peut dormir, manger, y accueillir Madeleine. Ca et là sur son chemin, il croise des personnages bienveillants, se délectant de café chaud symbolisant ici tout ce qui n'est pas les camps, reprenant la route inlassablement.

Ce dernier roman du grand écrivain israélien, Aharon Appelfeld, est paru quelques semaines après sa mort. C'est un texte court, étrangement lumineux, évoquant le retour à la vie après l'horreur. Aharon Appelfeld ou l'écriture comme une épure.

Des jours d'une stupéfiante clarté, Aharon Appelfeld, traduit de l'hébreu par Valérie Zénatti, Editions de l'Olivier
Lien : https://bcommebouquiner.com
Commenter  J’apprécie          40
DES JOURS D'UNE CLARTÉ STUPÉFIANTE de AHARON APPELFELD
Théo, la vingtaine quitte le camp dans lequel il était détenu. Pas libéré, simplement les geôliers nazis ont tout abandonné, y compris des provisions, alors beaucoup des survivants festoient, s'enivrent, lui, il part, seul à travers la forêt. En chemin il évite les rencontres, les hommes sont méfiants, il se cache plutôt, jusqu'à ce qu'il croise Madeleine, malade, épuisée qui lutte contre la mort qui rôde et qui se trouve avoir connu Martin son père et Yetti, sa mère. Alors Théo va reconstituer son passé, sa mère adorée, fantasque,imprévisible, qui sur un coup de tête l'enlevait de l'école pour partir écouter de la musique ou visiter un monastère orthodoxe qui l'apaisait. Pendant ce temps là, Martin le père travaillait dur pour payer les folles dépenses de Yetti. Et puis les crises vont s'accélérer, Yetti va partir « se reposer » de plus en plus souvent, les finances vont se tarir, la vie va changer. Alors Martin en prenant soin de Madeleine, va la faire parler progressivement, s'ouvrir et lui dévoiler tout un pan de la vie de son père qu'il ignorait.
Encore un merveilleux roman sûrement nourri de la propre histoire d'Appelfeld, plein de retenue, qui va astucieusement mélanger la vie après camp et la réminiscence de l'enfance. L'évocation du trio Théo, Yetti, Martin est d'une grande beauté. A lire.
Commenter  J’apprécie          30
J'ai été impressionnée par l'atmosphère qui émane de ce livre, lequel traite d'un sujet qu'on n'avait pas l'habitude de lire jusqu'à présent : l'après des camps nazis, l'état d'esprit des prisonniers qui se retrouvent hébétés après ces années d'horreur, et errent presque sans but, car soit ils ont tout perdu, soit ils n'ont plus l'énergie de rien.
Très beau livre.
Commenter  J’apprécie          20
Appelfed raconte toujours la même histoire. Celle de ces vies brisées par la Shoah, celle de ces individus qui cherchent à survivre avant même d'envisager de se reconstruire. Cette histoire, c'est aussi toujours un peu la sienne, celle de l'enfant qu'il fut et qui dut survivre, caché durant plusieurs années dans les forêts ukrainiennes, avec les survivants du conflit. C'est évidemment tragique, la mort rode au détour de chaque chemin et l'univers décrit ici ressemble à une sorte d'apocalyse. Cependant, comme toujours chez lui, la lumière réussit à percer et parvient irradier la noirceur. Un immense écrivain !
Commenter  J’apprécie          10




Lecteurs (248) Voir plus



Quiz Voir plus

QUIZ LIBRE (titres à compléter)

John Irving : "Liberté pour les ......................"

ours
buveurs d'eau

12 questions
288 lecteurs ont répondu
Thèmes : roman , littérature , témoignageCréer un quiz sur ce livre

{* *}