Je n'ai pu résister à la belle couverture du livre de
Viola Ardone.
Et j'ai bien fait. Je me suis régalé.
« Une sauce ‘' genovese ‘', ça doit reposer » nous dit Antonetta, la mère d'Amerigo, le jeune héros de ce livre.
J'ai fait la même chose avec cette lecture qui date de quelques semaines: c'est toujours une petite merveille.
Avec toutes les critiques précédant celle-ci, vous connaissez désormais l'histoire.
J'arrive avec pas mal de trains de retard…
Ce récit est une sorte de roman parfait. Pour rester dans les métaphores culinaires c'est comme un « oeuf parfait ». Il y a tout juste comme il faut.
J'avais très peur d'un feel-good napolitain réservé aux lectrices de Elle ( Attention, je n'ai rien contre, j'ai lu Elle chaque semaine pendant 30 ans) ou d'un clone d'
Elena Ferrante . Force est de constater qu'il n'en est rien.
A l'initiative du Parti communiste, en 1946, un déplacement des enfants des familles très défavorisées de Naple est organisé vers le Nord : l'Emilie-Romagne en fait, avec comme épicentre Bologne la Rouge.
Certains y trouveront une famille de substitution, d'autres une seconde famille, d'autres encore une famille-relais. Certains ne le supporteront pas.
Nous suivrons donc l'impayable Amerigo, 8 ans, débrouillard au bagout savoureux, qui aide sa mère célibataire à survivre dans la misère bruyante et parfois joyeuse des bas-quartiers napolitains. C'est à la fois drôle et poignant, impossible à lâcher bien sur.
Viola Ardone est particulièrement maligne : elle écrit les trois premières parties à hauteur d'enfant et on ne peut que souscrire à ce qu'Amerigo voit et ressent. On adhère complètement à sa vision des choses, on endosse ses peurs, ses joies, ses peines. Les personnages de son monde sont truculents et typés, on se les représente très bien et donc on se construit un schéma mental précis, on croit savoir ce qui est bien et bon, mal ou mauvais. Il n'y a pas de zone grise quand on a 8 ans.
Et il y a cette phrase géniale qui fonctionne à fond et qu'il répète souvent : « Ma mère, c'est pas sa spécialité… » à propos de tout ce qui manque à sa vie d'enfant.
La quatrième partie chamboule tout et nous cueille comme un uppercut.
Difficile de ne pas spolier. Disons seulement que tout ce qu'on croyait comprendre, la colère qui bouillonnait en nous, l'affection pour certains et la haine des autres, tout cela va être remis en question radicalement.
C'est le coup de génie de l'auteure, sans doute ce qui l'a fait connaitre au monde et remporter un immense succès populaire.
Impossible de ne pas y aller de sa petite larme, bien sur, car le sujet du livre, c'est l'amour vibrant, passionnel et en même temps se dérobant sans cesse, entre une mère et son fils.
C'est un très beau livre, bouleversant de finesse et d'intelligence, un livre où on apprend mille choses de la vie à Naples dans l'immédiate après-guerre.
On se dit qu'alors, les Récits étaient très forts, portés par des idéologies marquées : on pensait sa vie et on vivait sa pensée. Comme cette formidable famille d'accueil communiste, à Modène, où le collectivisme, la redistribution et la fraternité n'étaient pas que des mots de politiciens. J'aurai beaucoup aimé vivre ça.
Mais l'Histoire a basculé vers la disparition des grands Récits.
Ce livre les ressuscite sans manichéisme, sans idéalisation mais avec force, tendresse et humour.