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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un forcené de la vie dans un contexte mortifère. La maladie de l'auteur, qui s'est suicidé en 1990 avant que le SIDA ne l'emporte, n'est évoquée que dans l'avant-propos et la lettre accompagnant son geste reproduite en guise d'épilogue. Tout le reste parle de vie.
Arenas est un gajiro – un paysan cubain, né sous l'ère Batista, rejeton sans père d'une famille nombreuse. À la campagne, il découvre la poésie et la Révolution. Et le sexe, surtout le sexe : le corps des hommes sera toute sa vie le cordon ombilical qui le relie au monde, à la littérature (que l'on me pardonne ce pléonasme).
Il s'engage dans les rangs castristes, doit au régime ses études, son emploi au sein de la bibliothèque José-Marti, son premier prix littéraire… Les premières années sont des jours heureux, emplis de livres et d'aventures sexuelles par dizaines. Et il découvre La Havane, ville-miroir de sa frénésie de vivre. La Havane comme un joyeux asile de dingues, le monde de la nuit et du spectacle, le monde de la culture également. La Havane lui ouvre la porte des livres, littéralement puisqu'il y travaille, métaphoriquement puisqu'elle lui permet un parfait accomplissement. La Havane et les corps seront la vie d'Arenas, dans la jouissance et la douleur, dans l'oubli, le regret, la perte, l'amour fou.

Et puis le pouvoir devient dingue. On n'aide plus le peuple, on le sangle. En prison, les « déviants », au feu leurs oeuvres. Dans les années soixante et soixante-dix, l'Occident voit trop facilement en Cuba un bastion de résistance à l'impérialisme… oubliant ce qu'est réellement une dictature communiste. Camps de travail-mouroirs, autocritiques publiques, délation à tous les coins de rues. La Havane s'effondre derrière ses façades, les lézardes s'accumulent sur les murs et dans les âmes. Plus la ville s'enlaidit, plus les affreux travers ressortent, les délations, les mesquineries. On est épié partout. Même l'accès aux plages est interdit et d'aucuns préfèrent les requins aux barbelés de l'île-prison. Sous les yeux de l'auteur, l'utopie castriste vire au cauchemar absurde. Arenas passera deux ans dans le bouge qu'est le Château du Morro, torturé, enfermé avec les folles perdues, ses oeuvres censurées ne devront leur salut qu'à l'amitié des amis expatriés qui sortent les manuscrits au péril de leur vie.
Il lui faudra attendre 1980 et l'exode honteux du port de Mariel pour pouvoir quitter l'île qu'il aime pourtant autant que sa vie. Débarqué à Miami, il lui semble vivre parmi un peuple zombie, exilés sans âmes, embourbés dans les circonvolutions de leur nombril, puis fuit à New York, à Paris, sans jamais retrouver ce qui lui a été enlever. Il se suicide quelques années plus tard, fantôme déjà.

Je n'aime pas les (auto)biographies, je ne lis pas l'espagnol et je connais mal l'histoire de Cuba… Aucune importance. En ce qui me concerne, ce fut un grand moment de lecture, un genre de montagne russe où les anecdotes personnelles, souvent très drôles, trébuchent sur la grande Histoire, où le sexe est l'art et l'art est le sexe, les amis, des amants et vice versa. Où l'on vit des expédients les plus inattendus – une bohème pas forcément choisie mais parfaitement assumée. Où les libérateurs sont aussi les bourreaux et les bourreaux restent des bourreaux. Où l'on fuit toujours avec soi-même, évidemment.
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Quel roman que celui-là ! Il est d'ailleurs difficile d'en parler tellement il est riche en anecdotes, en personnages et personnalités, en sentiments et en émotions. Reinaldo Arenas commence ici par la fin : l'annonce de sa maladie, puis il nous fait plonger dans sa vie, depuis sa plus tendre enfance, jusqu'à son exil à Miami puis New York après l'épisode « Mariel » en 1980. Et du début à la fin, il est difficile de lâcher la lecture de cet ouvrage et de cet auteur qui a eu une vie hors du commun et qui vouait un amour absolu pour la liberté et l'écriture. Selon lui d'ailleurs, l'une n'allait pas sans l'autre. Reinaldo Arenas, qui a été persécuté par le régime castriste (pour ses ouvrages et son homosexualité), qui a été emprisonné à l'infâme prison de Morro (qui est fermée depuis) et qui a dû se résoudre à l'exil, n'a jamais cessé d'écrire, même lorsqu'il devait le faire « avant la nuit » dans les parcs de la Havane alors qu'il était recherché par la police. Et que dire de la lettre-testament qu'il livre à la fin de son autobiographie et qu'il conclut par ces mots : « Cuba sera libérée. Je le suis déjà » ! Pour toutes ces raisons, « Avant la nuit » est un roman fort, poignant et magnifique.
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On vous a sans doute déjà demandé quel livre vous a laissé(e) hagard(e), ému(e) au point de ne plus savoir quoi faire. Jusqu'ici j'avais pour seule réponse la trilogie Auschwitz et après de Charlotte Delbo – que je vous recommande chaudement. Il faudra désormais faire un peu de place à Reinaldo Arenas et son Avant la nuit, autobiographie vertigineuse que j'ai reposée la gorge nouée et les yeux gonflés.

Ce qui frappe d'emblée c'est la sincérité de ces 400 pages. Reinaldo Arenas s'y lie moralement au lecteur et applique, sans en avoir conscience, le pacte autobiographique défini en 1975 par Philippe Lejeune. C'est simple, il raconte tout, absolument tout ou plutôt il n'omet rien : ses penchants zoophiles enfant, sa 1ère relation sexuelle à 8 ans avec son cousin, ses multiples aventures – 5000 selon lui ce qui lui vaudra souvent d'être taxé de mythomane – mais aussi les persécutions à cause de son homosexualité et de ses opinions politiques, l'endoctrinement communiste, la torture, les camps de concentration, la dictature de Batista, celle de Castro et les amitiés qu'elles ont brisées ou consolidées.

J'ai eu l'impression d'écouter un grand oncle me raconter son destin hors du commun avec son lot d'anecdotes parfois attendrissantes (sa relation à Lazaro à qui il a dédié le Portier ou à Jorge et Margarita qui l'ont tant aidé), parfois terrifiantes et dignes d'un épisode de 24 (la tentative de détournement d'un avion avec des grenades), un grand oncle avec qui je ne m'accorde pas sur tout (je peux presque m'entendre lui rétorquer : et pourquoi il n'ont jamais de prénoms les noirs dans tes histoires ?) mais toujours passionnantes car reflet d'une vie et avec elle, d'un autre temps, de ses dérives, qu'il ne faut pas oublier, de son héritage, qu'il faut préserver.

Les chapitres s'enchaînent de façon thématique et sont très courts – à l'exception de celui sur l'érotisme (axé majoritairement sur l'éphébophilie de son auteur) et la prison. Il faut lire – vraiment – ce qu'a été la dictature castriste (ubuesque jusqu'à restreindre l'accès à la mer pour éviter qu'on ne quitte le pays !) et ce qu'elle a impliqué pour toutes les personnes qui s'y sont opposées ou ne l'ont simplement pas pleinement embrassée. Les passages sur l'expérience concentrationnaire à l'UMAP (Unité Militaire d'Aide à la Production) puis ceux à la prison du Morro m'ont rappelé par leur fonctionnement, abject et intolérable, les écrits de Soljenitsyne ou Semprun. Comme ce dernier, Reinaldo Arenas fait état ici d'un témoignage qui ne peut être totalement partagé, compris, transmis : “les hommes dans leur immense majorité ne nous comprennent pas et d'ailleurs on ne saurait le leur demander ; ils vivent leurs propres terreurs ; le souhaiteraient-ils qu'ils ne pourraient pas réellement comprendre les nôtres ; encore moins les partager.”A l'inverse toutefois, il rend compte de ce que sont l'écriture et la vie quand elles résistent ensemble, de concert.

Avant la nuit est une oeuvre où transparaît entre chaque ligne la vie et les convictions (anti communiste, anti-capitaliste) de Reinaldo Arenas : sans demi mesure. Ce guajiro qui mangeait de la terre petit parce qu'il fallait bien manger quelque chose, qui travaillait 12h pour un peso, qui construisait des mezzanines en bois pour sa chambre en cachette parce que c'était à la mode mais interdit, qui dut réécrire nombre de ses manuscrits confisqués par la police, parfois à la lumière d'un briquet, caché dans un parc, qui ne cessa jamais de se battre pour sa liberté et celle de son pays et mit d'ailleurs cet attachement en pratique jusqu'à sa dernière heure puisqu'il choisit le suicide (je précise que nous l'apprenons dès les 1ères pages). Ou comme il l'écrit à propos d'Olga Andreu qui mit également fin à sa vie : "Sa mort fut peut-être un acte de vie ; il y a des moments où continuer de vivre c'est se rabaisser, se compromettre, mourir de répugnance."

•°•°•°• A lire tout particulièrement si :
- vous vous intéressez à la culture et l'histoire cubaines ;
- vous aimez les récits sincères, qui ne prennent pas de gants (même s'ils peuvent heurter votre sensibilité) ;
- vous adorez écouter votre grand-père ou grand-mère vous raconter sa vie ;

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Je viens de finir de lire l'autobiographie de Reinaldo Arenas. le livre m'a beaucoup plu et je le recommande. L'écrivain raconte sa vie de façon à la fois drôle et poétique pour finalement dénoncer l'horreur du régime castriste. L'écriture est simple et le livre se dévore. J'ai beaucoup aimé le fait d'avoir aussi le point de vue de l'auteur sur les écrivains de l'époque qu'il a côtoyer. Ce livre donne envie d'en ouvrir beaucoup d'autres!
Je vais me procurer rapidement le film!
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« J'avais déjà commencé mon autobiographie à Cuba, et je l'avait intitulée Avant la nuit, car je devais l'écrire avant la tombée de la nuit, puisque je vivais fugitif dans un bois. Maintenant, la nuit avançais de nouveau, de façon, de façon plus imminente. C'était la nuit de la mort. Maintenant il fallait vraiment que je finisse mon autobiographie avant la nuit. »


Mon voyage à Cuba ne m'emportera ni vers les plages, ni vers l'exotisme insouciant qui peut occuper le touriste en mal de soleil et de chaleur .Bien au contraire, il me catapultera au coeur de la dictature exercée par un homme depuis des années sur une population à bout de souffle.
Reinaldo Arenas, fait partie de ces écrivains cubains qui ont écrit la révolte, le rejet de ce régime, et qui en ont payé le prix fort.
J'ai choisi, un peu par hasard, cet ouvrage qui n'est pas un roman, mais une autobiographie, grâce à la rediffusion cet été du film que Julian Schnabel a réalisé à partir de ce livre.
Cette autobiographie a quelque chose d'original, dans le sens où elle n'a rien de linéaire, de chronologique. Elle commence par la fin de la vie de l'écrivain qui se sait malade et préfère la mort à la déchéance, et se termine par une lettre d'adieu qui n'est rien d'autre qu'un testament politique et une dernier réquisitoire contre celui contre lequel il se sera battu à sa manière toute sa vie.
« J'exhorte le peuple cubain de l'exil comme de l'ile à continuer à lutter pour la liberté. Môn message n'est pas un message de défaite, mais de lutte et d'espérance. Cuba sera libre. Moi je le suis déjà. »
Le reste, n'est rien d'autre que la Vie, avec un V majuscule ; une vie vécu à 100 à l'heure, une vie croquée par les deux bouts, une vie éprise de liberté et de beauté absolue, une vie qui finalement sera sa perte.
Cette biographie, est donc plutôt thématique que linéaire : 70 chapitres, pour la plupart courts, voire très courts. Seuls deux seront plus copieux :L'érotisme, et, La prison. Et cela n'est pas un hasard
70 chapitres, 70 tableaux….Une autobiographie atypique, que Reinaldo écrit par petites touches, comme on peint au petit pinceau. C'est court, c'est clair, c'est précis.
La thématique, plutôt que la chronologie, reflète la personnalité bouillonnante de cet écrivain. Il sera marqué très tôt par sa relation avec sa mère, et sa relation aux femmes : il ne connaît pas son père, et sera élevé par sa famille maternelle.

Ce qui frappe d'emblée, c'est que très tôt, il sera pris d'obsessions érotiques, et une attirance marquée et assumée pour les garçons, puis les hommes. Rajoutons à cela, une persécution systématiques des homosexuels, et nous comprendrons l'importance qu'il donnera à l'érotisme dans son oeuvre, en ne cachant rien dune sexualité débridée, décomplexée. Il l'écrira dans des termes explicites, souvent très crus, qui pourraient à premier abord passer pour de la vulgarité, mais qui venant d'un homme me gène moins que d'une femme, et qui exprime surtout la révolte contre l'oppression, le désir de liberté absolue. Cet homme a passé un certain temps en prison, ou dans des camps de travail, et cela explique aussi l'importance qu'il a donnée à ce thème dans son texte.

Reinaldo dresse tout au long de ces pages, qui se lisent avec beaucoup de facilité, un tableau très éloigné du cadre idyllique que certains viennent chercher à Cuba. Et c'est cela qui m'a fasciné, la dénonciation d'un régime exsangue, mais toujours debout, qui persécute, traque, affame, assoiffe. Un régime qui a fait de ses intellectuels, des criminels, qui a fait des homosexuels des animaux que l'on enferme dans les pires conditions. Il rend hommage à de nombreux écrivains cubains, notamment Guillermo Rosares (cf. Mon ange).

« Cette fois, pour tous les intellectuels cubains la nuit noire était venue. Impossible désormais d'envisager de quitter le pays, car dès 1970 Fidel avait proclamé que tous ceux qui le souhaitaient étaient déjà partis ; il faisait ainsi de l'ile une prison où tout le monde, d'après lui, était heureux de vivre. »
Mais, l'exil n'est pas mieux ressenti. Si l'auteur a pu, s'échapper, ce n'est pas pour autant, que la vie en a été meilleure pour lui. Miami, la ville la plus proche de Cuba, ne lui convenait pas. New-York sera pour lui synonyme de maladie et de mort.

« Certes, dix ans après, je m'aperçois que pour un expatrié il n'y a aucun endroit où l'on puisse vivre ; il n'existe aucun endroit, car celui où nous avons rêvé, où nous avons découvert un paysage , lu notre premier livre, eu notre première aventure amoureuse, demeure l'endroit rêvé ; en exil, on n'est plus qu'un fantôme, l'ombre de quelqu'un qui ne peut jamais atteindre sa propre réalité ; je n'existe pas depuis que je suis en exil ; depuis lors, j'ai commencé à fuir de moi- même. » propos écrits en 1990…..20 ans après ,où en est Cuba ?????

Cela restera une lecture marquante, grave, qui donne envie de secouer beaucoup de choses. Elle peut rebuter certains, voir les choquer. En ce qui me concerne, j'ai beaucoup apprécié ce livre. J'attendais de l'avoir lu pour visionner le film ; et lirai très certainement d'autres ouvrages de cet auteur.



Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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Beaucoup de sexe, de misère, de souffrance, d'aventure, sur fond de quête de liberté font penser que ce récit autobiographique nous signale une vie qui a valu la peine d'être vécue.
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Avant la nuit, c'est le témoignage vibrant de Reinaldo Arenas, écrivain qui a vécu à Cuba dans ce pays où règne la dictature, l'intolérance et la discrimination. Après avoir été condamné par le régime castriste, il réussit à s'exiler de ce pays qui, ironiquement, lui manquera toujours...

Dès les premières pages, j'ai été captivée par ce récit troublant. Reinaldo Arenas nous livre sa vie avec passion et sans pudeur. Il dénonce ouvertement les persécutions infligées aux écrivains, aux homosexuels. Cette dure réalité m'a touchée énormément. Même exilé et libre, Reinaldo Arenas a continué à souffrir et n'a jamais pu trouver la paix, c'est désolant! Sa lettre d'adieu m'a attristée profondément bien qu'elle laisse une note d'espoir.
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Il y a quelques années, j'ai regardé par hasard un film joué entre autre par Javier Bardem et Johnny Depp.
J'ai ressenti un réel coup de foudre pour ce si grand poète cubain.
Voulant en savoir plus, j'ai lu son livre.
Reinaldo Arenas se penche sur sa vie à Cuba, sur la révolution, Sur Fidel Castro et surtout sur la difficulté d'être homosexuel dans cette dicature machiste.
Roman donc très interpellant sur la tolérance mais aussi sur la situation des artistes à Cuba.
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