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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En lisant ce roman, j'ai eu l'impression de décrire un tableau proche de une oeuvre d'art, je me suis fondue directement et sans difficulté dans ce paysage, nous sommes en plein centre de la nature, la montagne et ces senteurs, nous sommes loin du monde urbain, et cela fait un bien fou
Chose exceptionnelle le rôle numéro un est un animal , et oui une ourse,
Dans un premier temps nous faisons la connaissance de Jules en 1885, ce denier kidnappe un ourson, il veut l'apprivoiser , devenir un animal obéissant , proche d'un animal de cirque, mais sommes loin de la réalité au fur et à mesure de la lecture, nous découvrons que Jules dégage une verticale empathie il part à travers le mode avec son âme soeur, Peut on vraiment domestiquer un tel animal dans ses conditions, aucun moyens de protection je reste dans un questionnement, Nous faisons la connaisseuse de Gaspard et Alma. Gaspard veut prouver qu'il peut sermonner sa tristesse, en reprenant son rôle berge, Il a vécu le décès d'une amie, une période difficile à panser
Alma est une chercheuse, elle traque l'ours, mais pour mieux les connaître, les comprendre. Alma et Gaspard sont dans leur territoire . Il faut protéger les brebis, les chiens sont une grande aide, berger n'est pas un métier de tout repos, loin de là, ils dorment très peu et sont a l'affût de moindre bruit.
Un respect vis avis de la faune et la flore, garder ce milieu sain,
A travers son roman , l'autrice fait passer de le message des changements climatiques, le réchauffement de la terre, Gaspard doit monter toujours plus haut pour pouvoir nourrir ses brebis,
Alma, toujours à trouver l'ours ou l'ours elle met des cameras dans la nature avec un espoir de les trouver. Les hommes d pays sont pour la mise à mort et non de la protection de l'animal,
Gaspard et Alma arriveront -ils à assouvir leurs rêves,
Un roman très intéressante et extrêmement documentés, je suis encore dans les montagnes et aucune envie dans descendre,
La plume de l'auteure est fluide, sensible, subtile, extrêmement poétique , Un roman touchant et passionnant, un hymne à la vie,
Une pepite que je vous conseille à découvrir de toute urgence,
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°°° Rentrée littéraire 2023 # 28 °°°

Direction le Couserans ariégeois, dans les Pyrénées centrales, territoire où la relation à l'ours est inscrite depuis des siècles, et qui concentre aujourd'hui la plus grande population française d'ursidés depuis leur réintroduction dans les années 1990.

J'ai été immédiatement charmée par le voyage immersif proposé par la prose claire et enveloppante de Clara Arnaud. Les paysages ariégeois nourrissent organiquement le texte. La montagne est LE personnage de ce très beau roman, la matière travaillée par l'autrice dans toute ses dimensions : les pentes, la roche, air, la faune, la flore, sa mysticité, son intimité, un organisme complet, ensorcelant et âpre, dans lequel le destin des hommes est enchâssé dans celui de la nature, ici plus particulièrement celui d'une ourse surnommé la Negra du fait de la teinte de son pelage.

" Tout ici n'était qu'engendrement  et dévoration, putréfaction et floraison, joie et douleur. Parfois, il se sentait si intégré à ce magma organique qu'il lui semblait participer de ces transformations en cascade, par lesquelles les plantes, les corps, les minéraux, étaient également décomposés , rendus à la terre, dans un même mouvement dont seules les échelles de temps variaient."

Trois chapitres, trois saisons, du printemps à l'hiver. Deux personnages humains sont nos guides, le temps d'une estive. Gaspard, le néo-berger, vit avec la menace de l'ourse, ses chiens, ses brebis à protéger, ses peurs et angoisses depuis un terrible incident qui le hante depuis sa survenue l'année précédente.

« Il songea au mot de Maëlle ( sa fille ) . N'aie pas peur. La montagne rêve. Mais à quoi rêvait-elle, effacée dans la nuit ? Elle appartenait à d'autres échelles que les vies qui s'y jouaient, les surfaces lisses et celles abrasées résultaient du temps qui passe et érode ; elle était le temps même, matérialisé dans la roche, divaguait Gaspard. Il regarda Jean, dont le torse nu, noueux et bruni par le soleil se soulevait au rythme lent de sa respiration. le vieux n'avait jamais froid, il pouvait endurer des vents glacials et des trombes d'eau et, dans la fraîcheur des nuits d'altitude, persévérait à dormir torse nu, sa peau-cuir exhibée, dont les tries, la patine disaient le grand âge. (...) Les nuages avaient de nouveau formé une nasse, le ciel était outrenoir, comme dans les toiles de Soulages, d'un noir plein de relief, qui révélait les contours, la matière même des choses. N'aie pas peur, la, montagne rêve, se répéta-t-il encore comme une formule magique venue de cette civilisation perdue qu'est l'enfance. »

Alma, éthologue, travaille au Centre national de la Biodiversité, prône une « science qui tache », un engagement physique constant et une confiance en ses intuitions plutôt que de réfuter toute part de subjectivité à l'observation protocolaire. Persuadée qu'une meilleure connaissance du comportement de l'ours et de l'usage de son territoire est nécessaire à une cohabitation sereine avec les hommes.

Clara Arnaud aura pu faire le choix d'une confrontation brutale entre Alma et Gaspard. Elle se fait au contraire apaisée, malgré les enjeux et les brebis tuées par l'ourse. Leurs regards différents sur le vivant se croisent en une belle complexité qui nourrit une réflexion riche et une interrogation profonde sur notre rapport au sauvage, à ce qui échappe au contrôle des hommes. Sans angélisme, sans pour autant transformer son roman en tribune politique ( bien qu'on sente aisément de quel côté penche le coeur de l'autrice ), sans jamais que le texte ne sonne comme « donneur de leçons ».

Je ne suis pas totalement convaincue que l'arc narratif parallèle racontant l'histoire d'un montreur d'ours ariégeois parti chercher la gloire à New-York avec son ourse capturée toute petite sans sa tanière, apporte réellement au roman, l'histoire d'Alma, Gaspard et de la Negra se suffisamment en elle-même. Mais j'ai aimé lire ces pages-là qui soulignent l'intrication ancestrale entre les ours et les hommes.

Un roman subtil et authentique, parfaitement incarné, rempli d'émotions, de souffle, de poésie, de vie.
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Transhumez vers ce roman !
Gaspard, pas le roi mage, est un berger Pyrénéen qui accompagne les brebis en estive dans le Couserans et rencontre des problèmes de voisinage avec un plantigrade lassé des légumes, ce que je peux tout à fait comprendre. Mort aux brocolis ! Tapage nocturne, tartare sauvage, déchets dans les parties communes, autant vous dire que le règlement de copropriété à haute altitude a du plomb dans l'aile.
Alma fréquente aussi ce territoire enclavé. Elle est éthologue, métier qui consiste à être payé pour observer le comportement d'animaux sauvages dans leurs milieux naturels. Il y a pire comme besogne. Certains comptent les oiseaux migrateurs ou enregistrent le brame du cerf sans s'endormir avec des tenues de camouflage dignes des forces spéciales. Elle a choisi l'option ours car c'est quand même plus sympa que de s'intéresser à la sexualité des punaises de lit et qu'elle adore les grosses bestioles sauvages qui concurrencent l'homme dans son statut de prédateur.
Le troisième personnage du roman est un montreur d'ours, Jules, qui quitta l'Ariège au début du siècle dernier pour aller chercher gloire et fortune en Amérique. Les chapitres consacrés à cette remontée dans le temps ressemblent à ces cartes postales anciennes et jaunies qui montraient ces dresseurs en sabot exposer fièrement leurs ours muselés devant des populations fascinées.
Clara Arnaud aime les territoires âpres, sauvages où la nature fixe les règles et ce roman restitue à merveille cette soumission des hommes aux caprices de la montagne. Elle ne décrit ni les dévoreurs de sommets à piolet qui veulent dominer le monde ni les sentiers de randonnées bien balisés pour citadins venus sniffer un peu d'air frais. Elle décrit la montagne de ceux qui y vivent et travaillent dans des conditions difficiles mais qui sont incapables d'en partir, comme ensauvagés par ces territoires qui résistent au haut-débit. Des femmes et des hommes à l'opposé des animaux nés en captivité et qu'il est impossible de relâcher dans la nature.
Même si le coeur de l'auteure balance du côté de nounours, le récit n'est pas manichéen et ne se limite pas à une confrontation binaire entre les pro et les anti Winnie. On sent que Clara Arnaud a dormi dans des refuges qui puent les pieds, qu'elle a partagé du saucisson tranché avec un coutelas rouillé et tartiné du fromage de chèvre sur du pain de la veille. On l'imagine remplir des carnets au bord d'un torrent. Ses pages sont patinées de rosée. La vie en estive, l'isolement, l'attachement aux bêtes et la crainte des attaques nocturnes sont parfaitement restitués. Patou-che au troupeau !
Le récit n'a pourtant rien de contemplatif. L'isolement des personnages est une invitation aux introspections mais le lecteur ne passe pas des heures à jumeler des animaux invisibles et à admirer des rochers en répétant « que c'est beau, qu'on est bien » pour se convaincre que le spectacle méritait de se lever en pleine nuit et de revenir avec des ampoules aux pieds, le dos meurtri par un sac à dos chargé comme un cartable de collégien.
L'été précédent, un drame a endeuillé le Couserans et une partie du troupeau de Gaspard avait fait le grand saut sans parapente ce qui a porté à ébullition les opposants et les partisans de l'ours. C'est cette tension, associée à la présence de l'ours, qui anime le roman, éveille les consciences, bonnes ou mauvaises et provoque des outrances.
Ce roman, outre son sujet, présente quelques ressemblances avec « La Grande Ourse » de Maylis Adhémar, mais je trouve le livre de Clara Arnaud plus immersif car il ne quitte pas la Montagne et s'intéresse peu aux opinions citadines.
Comme cette lecture m'a donné envie de partir aux champignons avant l'hibernation, je ne vais pas faire plus long.
Le lecteur qui a vu l'ours.


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« Nous étions en paix comme nos montagnes
Vous êtes venus comme des vents fous
Nous avons fait front comme nos montagnes
Vous avez hurlé comme des vents fous
Éternels nous sommes comme nos montagnes
Et vous passerez comme des vents fous »

Hovhannès Chiraz « Impromptu »

Ce texte d'un poète arménien qui clôt ce livre, lui a donné son titre, magnifique. Magnifique aussi, cette couverture. Magnifique, enfin et surtout, ce texte à la fois poétique et ancré dans la nature, ces personnages forts, qui font comme ils peuvent, échappant à la caricature, grâce aux nuances que sait leur donner l'autrice.

Une plongée au coeur de la nature, au coeur de la montagne, entre cimes et combes, entre brumes et torrents, entre ourse et brebis, entre bergers et éthologues, le temps d'un été, le temps d'une estive là-haut dans la montagne.

Gaspard est berger. Il garde les troupeaux de brebis le temps de l'estive. Celle de l'an dernier a connu un accident et l'a fragilisé. Était-ce l'ourse ? On ne le sait pas. Mais il a choisi de remonter quand même cette année. Jean le vieux berger l'y a encouragé.
Alma est éthologue, spécialiste des ours. Elle étudie leur comportement, pour mieux les comprendre, pour essayer de faciliter la cohabitation avec les hommes, ce qui n'est pas facile dans cette vallée des Pyrénées où les prélèvements des ours sur les troupeaux attisent la colère.
Jules vivait à une autre époque, celle des montreurs d'ours. Il partit aux Amériques devenir célèbre.

Ces trois personnages interviennent tout à tour dans ce roman choral. Les deux premiers s'y croisent, s'apprécient. Cependant le personnage principal y reste la nature, cette montagne si bien racontée par l'autrice, et les animaux qui la peuplent, et en particulier cette ourse et son petit.

J'ai découvert le métier de berger, les soins à apporter aux bêtes, leur entente importante avec les chiens. J'ai mieux appréhendé le métier de ces éthologues, comment détecter les traces du passage des bêtes, passer des jours à l'affut pour voir de visu les animaux, mais aussi plus terre à terre scruter les images enregistrées par les caméras.

J'ai vécu quelques jours avec eux tous, partageant leur quotidien, la tête pleine d'images, le souffle souvent coupé pas seulement par la raideur des pentes, mais par la beauté de cette écriture, ces mots choisis si justement, traduisant à la fois la beauté des paysages, la dureté du métier de berger, l'émerveillement devant la faune, la fraicheur de l'eau qui court, même si elle a tendance à se raréfier depuis quelques années.
Une lecture en apesanteur, loin dans les montagnes, où le drame survient parfois, mais où les hommes, la plupart tout au moins, essaient malgré tout de vivre en équilibre avec la nature.
Un immense merci à Babelio et aux éditions Acte Sud pour ce roman reçu grâce à une masse critique privilégiée.
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Et vous passerez comme des vents fous, ce titre étrange est un vers extrait d'un quatrain du poète arménien Hovhannès Chiraz, venant clore ce merveilleux roman de Clara Arnaud.
Le récit s'ouvre en 1883, dans une vallée des Pyrénées centrales. Un jeune garçon, Jules, vient enlever subrepticement à sa mère, une oursonne de quelques semaines dans sa tanière. Cette scène sidérante de capture est l'entame du livre. L'animal ainsi capturé va ainsi très vite être asservi, Jules redescend dans la vallée, chez le forgeron, pour que celui-ci perce la cloison nasale de l'ourson, lui glisse un anneau de fer auquel sera fixé une chaîne qui ne quittera plus jamais l'animal. Cette scène fait écho à une photographie ancienne figurant au tout début du livre. On y voit un homme debout faisant face à un ours muselé, enchaîné qui se dresse à hauteur de l'homme, fier, narguant la bête, avec dans les yeux un regard mêlant l'admiration et la domination. Il était fréquent entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle de voir des jeunes hommes devenir ainsi des dresseurs d'ours, des saltimbanques, qui capturaient des oursons dans leurs tanières, puis qui les dressaient, les éduquant pour en faire des ours dansants, des bêtes de foires, partaient avec eux sur les routes de France, d'Europe, parfois traverser l'océan Atlantique, tentant de faire fortune aux États-Unis, voire en Amérique latine…
Je regarde longuement cette photographie qui porte, de manière symbolique, dans ces deux regards qui s'affrontent, - celui de l'homme et de la bête, toute la force du roman, une sorte d'amour-haine à jamais posée comme un défi.
La relation à l'ours fait partie de la montagne depuis toujours… Cette relation entre l'amour et la haine est entretenue aujourd'hui plus que jamais dans les Pyrénées mais aussi dans les autres paysages montagnards, par la réintroduction massive de l'ours.
Et c'est ainsi que Clara Arnaud nous invite à un récit contemporain où l'histoire de Jules devenu montreur d'ours et de son ourse captive va venir s'entrelacer à la réalité montagnarde d'aujourd'hui, résonnant tragiquement avec le présent.
C'est un roman à la dimension chorale qui nous fait entendre la voix de plusieurs personnages que la montagne unit. Parmi ces voix se détachent celle d'Alma et celle de Gaspard.
Alma est une jeune femme éthologue, travaillant au service du Centre national pour la biodiversité, elle est venue ici dans le cadre d'une mission d'observation pour mieux comprendre le comportement des ours : une meilleure connaissance de ces plantigrades permettrait en effet d'avoir des réponses mieux adaptées aux phénomènes de prédation dont sont victimes parfois les troupeaux au cours des saisons d'estive.
Justement, l'autre personnage est un berger solitaire, amoureux de la nature, Gaspard, confronté à l'ours qu'il voit comme un prédateur, venant attaquer ses troupeaux, manger parfois une brebis, suscitant l'angoisse de perdre de nouvelles bêtes.
Tous deux savent communier avec la montagne, chacun à sa manière. Forcément, tous deux n'ont pas le même regard sur l'animal.
Le récit offre un chassé-croisé de leurs itinéraires durant trois saisons, printemps, été automne, entre la vallée et l'estive, avec comme toile de fond tout ce que la présence de l'ours qui rode dans les parages suscite comme émois, passions, tensions, jusqu'aux conflits…
Le ressort narratif tient dans cette incompréhension des relations, vite dépassée par quelque chose de plus grand, l'autrice réussissant subtilement à hisser le récit dans une autre dimension, à la hauteur des massifs montagneux qui surplombent le texte.
J'ai été séduit par l'écriture poétique de Clara Arnaud. Tissant un roman généreux dans un grand respect des uns et des autres, elle sait développer une puissance évocatrice qui mêle la réalité sociologique des vallées qui se dépeuplent à la dimension intemporelle, presque mythique d'un territoire de montagne.
Le récit devient brusquement cet espace où des gens vivent, où tout commence, où tout finit, un territoire d'errance, un territoire indomptable ou presque...
Clara Arnaud dit la solitude d'un territoire de montagne, sa grandeur, son âpreté, la lumière qui pénètre dans ces forêts anciennes, la lumière qui s'en éloigne aussi. C'est un monde dont la verticalité étouffe par endroit, dans l'isolement des transhumances, une montagne qui enferme autant qu'elle protège.
Clara Arnaud nous invite dans les vertiges du paysage, ses béances, ses combes, ses surplombs, ses fractures et ses déchirures aussi douloureuses que celles des personnages.
C'est une montagne avec ses propres règles, ses propres codes de vie, où hommes et bêtes ont mêlé leurs pas, leurs traces de manière indistincte. C'est une montagne qui ensorcèle, fait rêver, nourrit, broie, avale, digère, à laquelle beaucoup appartiennent viscéralement, qu'ils ne quitteraient pour rien au monde. D'autres viennent, novices dans le paysage, rêveurs ou inconscients, tentent de l'apprivoiser. Clara Arnaud dit tout cela aussi dans son roman.
La figure mythologique forte de l'ours et de son rapport à l'homme ne cesse de venir enchanter les pages.
Je me suis demandé pourquoi l'évocation de l'ours suscite immédiatement des réactions épidermiques du côté de notre versant des Pyrénées, alors qu'à Somedio de l'autre côté en Espagne ils font la fierté des vallées et ont leur musée. Alors qu'en Alaska les ours sont rois...
Ici Alma doit mener son travail presque en catimini, car sa mission pourrait lui valoir des menaces. Pourtant elle ne veut pas prendre part à la guerre de l'ours qui agite les estives et la vallée.
Alors, je l'ai suivie dans ces affuts, observant de loin une ourse et son petit, notant scrupuleusement le moindre détail dans son carnet. J'aimais son regard émerveillé devant la beauté d'une reine dans son royaume. J'étais si près d'elle dans cette scène rendue si belle par cette simple communion avec le vivant que j'aurais presque entendre sa respiration, capter les battements de son coeur. J'ai aimé être littéralement plongé en immersion, bivouaquant, vivant dans la montagne, avançant en embuscade, épris de cette quête.
Pourtant, Clara Arnaud n'a pas écrit un roman pastoral aux accents régionalistes, à la manière d'une carte postale bucolique et gentillette en provenance des Pyrénées. Enfin, dirais-je, un roman de montagne qui ne glorifie pas l'exploit individuel des cimes mais l'humilité des gens invisibles dans la vallée en-bas, c'est fort appréciable ! Dans un style pourtant totalement différent, ce livre par moments m'a fait penser à l'univers dépeint par Charles-Ferdinand Ramuz.
A travers ce récit, Clara Arnaud interroge notre rapport au sauvage, notre rapport à ce qui échappe au contrôle, notre rapport à la montagne aussi, à ce qui est plus grand que nous.
Clara Arnaud raconte la montagne avec la complexité d'un espace dans lequel les hommes et les bêtes, sauvages, domestiques, voient leurs destins enchâssés, entremêlés, parfois entrer en conflit.
Elle nous délivre au final un territoire réensauvagé, reconquis par la forêt, à la faveur de l'abandon des populations, où l'homme est une petite chose, revient à cette chose qui le rend humble, le remet à sa place, à sa juste place qu'il n'aurait peut-être jamais dû quitter, c'est-à-dire une place parmi les autres vivants, parmi les animaux, parmi le végétal, parmi le minéral. Une place où il ne serait plus le prédateur qu'il est devenu aujourd'hui.
Je remercie l'équipe de Babelio et les Éditions Actes Sud pour l'envoi de ce très beau roman grâce à une masse critique privilégiée.
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Hhhooouu hhhhoouuu (non je n'imite pas le fantôme de Canterville égaré dans une sapinière à quelques jours d'Halloween mais le vent qui souffle entre les pitons rocheux) …
Comme un vent fou, j'ai dévalé la pente de la montagne, sauté sur les roches, joué à saute-mouton sur le dos des brebis, humé l'odeur d'humus et attiré l'orage.
J'ai continué à courir à perdre haleine, mes chaussures butant sur les racines et les cailloux. Après une pause, je me suis dirigée vers la crête pour contempler à la faveur d'une éclaircie la vallée, l'estive avec son herbe jaunie rayonnait à mes pieds.
C'est alors que j'ai aperçu Gaspard le berger, il donnait des ordres à ses patous chargés de rassembler les agnelles toujours prêtes à jouer les casse-cous sur les pentes les plus escarpées, ravies de se damner pour la saveur sucrée d'une fleur chatoyante.
En allant vers la combe, j'ai survolé Alma en affût, les joues en feu, jambes et bras ankylosés dès potron-minet dans l'espoir d'enfin apercevoir la superbe Negra, une ourse imposante au pelage noir avec ses deux petits à ses trousses, en repérage pour prélever sa part de chair fraîche dans le troupeau du berger.
J'ai aimé la voix chaude et réconfortante de Clara Arnaud qui m'a murmuré cette histoire le soir, devant la cabane de l'estive en partageant une tisane et un verre de rhum. Elle m'a raconté Alma, l'éthologue un peu sauvage, débarquée récemment d'Alaska, en charge de réaliser une étude sur l'ours afin de mieux comprendre son comportement et ses attaques des troupeaux.
Elle m'a parlé de Gaspard, le berger en proie aux doutes, revenu en pays ariégeois pour élever ses filles loin des villes et fuir leur grisaille.
J'ai aimé que Clara Arnaud ne nous joue pas la partition trop attendue entre les pro et les anti-ours à travers ses deux personnages d'Alma et Gaspard. Car s'ils se croisent en montagne, c'est sans jamais rentrer en collision frontale. Avec subtilité, chacun nous livre ses doutes, ses peurs et ses angoisses. À chacun sa quête, son amour pour la montagne, son respect du monde animal et du vivant, mais aussi ses interrogations sur une place pas si facile à trouver dans la société et le monde montagnard.
Il est sûr qu'après cette lecture je verrai d'un autre oeil les bergers et leurs patous. Ce qui pouvait sembler un travail empli de sérénité à l'abri de la montagne s'avère bien plus éprouvant psychologiquement que ce à quoi une citadine pur jus comme moi pouvait imaginer (sur la difficulté physique je n'avais pas trop de doutes).
A l'histoire d'Alma et Gaspard, Clara Arnaud ajoute un troisième arc narratif, avec la vie de Jules, un jeune garçon né à la fin du XIXème siècle qui se rêve montreur d'ours pour enfin changer de vie et s'arracher à ses montagnes ariégeoises natales. Jules ne pense plus qu'Amérique, gloire et luxe tapageur, il a décidé de réussir et veut connaître la gloire à l'autre bout du monde avec son ourse. Si je devais n'avoir qu'une seule réserve sur ce livre, c'est le regret de n'avoir pas pu mieux connaitre Jules, j'aurais souhaité qu'il prenne plus de place, son histoire étant simplement juxtaposée et non intriquée comme celles de Gaspard et Alma.
Venez dans la montagne, hurlons en choeur, planons dans les airs, laissons-nous emporter au gré des courants, goûtons à ces vents fébriles et contraires, glacés ou rafraichissants pour finir en piqué dans la surface argentée et tranchante du lac.
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Des images plein la tête. Des rêves plein mes nuits.
Voilà déjà ce que je retiendrai de ce magnifique roman.
J'ai marché, grimpé, j'ai arpenté les Pyrénées.
Je me suis assise au bord d'une roche, me suis trempée dans un torrent glacé.
J'ai admiré les paysages grandioses, écouté le silence.
Et j'ai vu l'ours.

Mais j'ai appris aussi. J'ai appris à mener les brebis à l'estive. A observer leur comportement et deviner leur bien ou mal être, à soigner leurs maladies. J'ai été bien aidée par les chiens, un vrai savoir-faire ces bêtes !
J'ai appris à reconnaitre les traces laissées par l'animal, à poser des appareils de détection, à déployer une longue-vue sans faire de bruit, à noter scrupuleusement l'interaction entre l'ourse et ses petits.
Un vrai roman didactique ! Mais pas que. Ho non !
Un roman qui parle d'écologie aussi, de réchauffement climatique, de la place de l'homme et de l'animal, en cohabitation voulue ou tolérée, de la vie sauvage, du monde minéral pyrénéen et de verticalité.
Mais aussi et surtout un roman qui parle de ces personnes, véritables marins des cimes, qui recherchent inlassablement leur appartenance au monde, celui de la nature dure implacable, cruelle parfois, mais belle aussi, majestueuse et si riche d'enseignements. Un monde bien loin des mondanités, des faux-semblants. Un monde respectueux de tous, hommes comme animaux.
Ce roman est un bain de vigueur. Un livre puissant qui vous souffle force, poésie, émotion. Un livre qui remet la nature à sa place, à sa juste place, avec autant de brutalité que de délicatesse.

Ce très beau roman met en scène trois personnages. D'abord Jules, à la fin du 19e siècle parti des Pyrénées jusqu'en Amérique avec son ours domestiqué. Puis de nos jours, Gaspard, berger depuis cinq ans qui assure l'estive pour les éleveurs de la vallée. Et enfin Alma, jeune scientifique éthologue, spécialiste de l'ours.
Trois choix de vie et pour chacun un rapport différent à l'animal.

Merci à Babelio et aux éditions Actes Sud pour cette très belle lecture du vivant et du minéral.
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Le véritable héros de ce roman choral, c'est l'ours. Ou plutôt l'ourse puisque c'est d'une femelle qu'il s'agit.
Nous suivons Jules, jeune montagnard qui, après avoir capturé une oursonne dans sa tanière, va la dresser et l'exhiber jusqu'en Amérique, eldorado des saltimbanques au début du XXe siècle.
L'autre ourse, c'est la Negra, qui, suivie de ses deux oursons, terrorise les bergers et leurs troupeaux. Gaspard, qui est remonté à l'estive avec ses brebis, s'interroge sur ses motivations et son devenir.

« Et Gaspard songe qu'il remontera encore, il n'y a pas d'autre vie possible que celle-là, la vie grande et brute là-haut, et mener de nouveau les brebis à travers les estives, et de nouveau les en descendre. »

La protection des ursidés est aussi à l'ordre du jour et le Centre National pour la biodiversité envoie sur le terrain une jeune éthologue, Alma, dont la passion pour la sauvegarde du plantigrade va exacerber les tensions entre natifs et scientifiques. Elle aussi se pose des questions quant à son rôle réel pour la protection et la sauvegarde d'une faune de plus en plus menacée.

« Un ours qui devenait le porte-étendard de militants, d'associations, de touristes et de politiques, qui n'avait plus grand-chose à voir avec la montagne. Et elle, qui se battait jour et nuit pour un individu, alors que les plaines, les montagnes, les forêts avaient cramé tout le mois de juillet, qu'on déversait encore du glyphosate dans les champs en toute légalité, que la France investissait massivement dans les énergies fossiles. N'était-ce pas un peu grotesque ? »

Vous l'aurez compris, la préservation de l'environnement, le dérèglement climatique et la place de l'écologie forment la trame de ce roman vivifiant comme l'air des montagnes ; On respire le grand air mais on retient aussi son souffle tant les tensions sont exacerbées.
Un roman qui se lit avec passion.
Clara Arnaud, écrivaine voyageuse, a su observer avec finesse la vie pastorale, elle a pris le temps de se documenter avec sérieux et c'est ce qui donne son authenticité à ce roman qui semble relater des vies réelles dans une montagne ariégeoise dont elle nous fait découvrir les paysages époustouflants.
Derrière ce titre « Et vous passerez comme des vents fous », emprunté à un poème du poète arménien Hovhannès Chirazc, se trouve un roman ancré dans la montagne et une immersion dans un monde violent.
Une lecture captivante.


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Quand on parle du métier de berger, on voit l'image d'Épinal, des vertes prairies, des bêtes paissant paisiblement et un berger jouant de la flûte.
Même si elle garde encore certaines de ces caractéristiques, la vie pastorale actuelle est, comme l'agriculture, soumise à davantage de pressions.
Est-ce encore rentable de monter les bêtes à l'estive, quel sens donner à cette tradition, et comment faire cohabiter ce métier avec la défense de la biodiversité et la réintroduction des ours ?
Deux mondes s'opposent, les éleveurs et les « bobos écolos », et pourtant les deux aiment la montagne et la nature, chacun à leur manière.

Ces différences s'incarnent dans les personnages de Gaspard, berger, et d'Alma, éthologue.
Gaspard, revenu au pays, loue ses services et mène l'été huit cents bêtes en altitude pendant plusieurs mois.
Alma, éthologue au Comité National de la Biodiversité, est en mission pour observer les ours et leur comportement afin de prévenir les attaques contre les troupeaux.
Un accident survenu l'année passée et les nombreuses attaques d'ours crispent et inquiètent les uns et les autres..
Un troisième personnage, le montreur d'ours du siècle passé, apporte un éclairage plus historique aux relations homme/ours dans les Pyrénées.

Clara Arnaud prend son temps pour brosser ses deux personnages principaux et leur donner toutes les nuances et toutes les contradictions qu'il y a dans chacun d'eux..
Elle prend aussi son temps pour les personnages secondaires et pour les descriptions lyriques de la montagne l'été.
L'ensemble fonctionne très bien et on est embarqué dans cette histoire au milieu de la nature, prenant fait et cause pour les uns et les autres, comprenant leurs arguments, s'émerveillant des merveilles que la nature offre.
On sent que l'auteur a beaucoup travaillé son sujet, les remerciements à la fin de l'ouvrage l'attestent, et le risque était de faire un documentaire davantage qu'un roman, mais elle a réussi à donner chair à ses personnages et ce roman est une vraie réussite !
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Trois personnages, une ourse et la montagne.

Gaspard, né dans la montagne, parti et revenu, est berger pour le compte des éleveurs de la région. Il monte à l'estive avec les troupeaux en début d'été. Il est considéré comme un étranger même s'il est né dans cette région. Son épouse et ses filles se sont adaptées à la vie locale, lui, a trouvé sa place, heureux avec les troupeaux dont il doit prendre soin avec l'aide des chiens. Il supporte difficilement le prélèvement des brebis par la Negra, jusqu'au jour où son ami éleveur lui rappelle qu'il prend soin des animaux dans le seul but de les mener à l'abattoir. Les anciens sont des sages. Il y a eu un accident, l'année précédente, en estive, et Gaspard doit faire face à ses terreurs et ses cauchemars.

Alma, la scientifique utopiste, engagée pour observer le comportement des ours et la cohabitation avec les humains. La montagne ne lui fait pas peur, elle est capable de bivouaquer dans des conditions extrêmes, il lui faut de l'air, du large. Elle n'est pas d'ici, la salope aux ours comme certains l'insultent, taguant au passage sa voiture. Elle cumule, étrangère et femme, défendant la cause de l'ours. Elle rencontre souvent Gaspard dans les hauteurs, moins souvent l'ourse et ses petits. Alma n'appartient pas à un lieu, elle s'adapte, la marginalité n'est pas loin.

Jules, un siècle auparavant qui rêve de devenir montreur d'ours. Il va enlever un petit dans sa tanière, une femelle, la dressera et partira avec elle aux Etats Unis. Jules qui, sans le savoir, remet les choses à leur place et démontre que l'humain peut vivre avec l'ours.

L'ourse, surnommée La Negra, majestueuse, arpente la montagne avec ses petits. L'été avance, un petit a disparu et elle doit manger avant l'hibernation. Elle prélève des brebis.

Et la montagne, grandiose, magnifique attirant les voyageurs épris de liberté qui, souvent, jettent l'ancre. Mais la montagne éprouve, emprisonne même, angoisse, peut terrifier, rend mélancolique et surtout ne pardonne pas. Les natifs le savent, laissent les nouveaux s'installer mais attendent au moins un hiver avant de les tolérer.

C'est également un roman qui prend en compte le changement climatique et la difficulté des bergers qui doivent monter plus avec les troupeaux, pendant l'été, rendant l'estive dangereuse.

Sublime ! L'écriture précise de l'auteure rend bien cette sensation de passion et de vertige.

Lu dans le cadre d'une masse critique privilégiée. Merci aux Éditions Acte Sud (j'ai apprécié le marque-page personnalisé) et à Babelio.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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