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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je ne connaissais pas les romans de Clara Arnaud, mais lorsque l'on m'a proposé de lire son dernier roman, j'ai immédiatement été séduite par la thématique autour de la montagne, de notre rapport à la nature, aux animaux domestiques comme sauvages.
Ce roman se passe dans les Pyrénées, un lieu où j'ai mes racines, un endroit que j'ai eu envie de retrouver pendant quelques soirées à travers cette lecture.

L'ours est le personnage principal de ce récit. Au centre des débats, sa réintroduction dans les Pyrénées centrales suscite de vives émotions entre d'un côté, les défenseurs de la cause animale et de l'autre, les éleveurs et bergers qui doivent cohabiter avec l'animal.
Avec une question qui demeure : est-il possible de vivre en harmonie et en sécurité à proximité des ours ?

J'ai aimé l'impartialité de l'autrice. Pour mieux nous faire comprendre les enjeux et les positions de chacun, elle assemble et croise trois points de vue en une longue tresse narrative : celui de Jules, orsalher à la fin du XIXème siècle ; Gaspard, berger pyrénéen ; Alma, docteure en biologie comportementale, qui étudie les ours de la région pour le centre national de la biodiversité.

*
“Nous étions en paix comme nos montagnes
Vous êtes venus comme des vents fous. »

Le récit commence en 1883 par la voix de Jules. Il habite le petit village d'Arpiet dans les Pyrénées.
Depuis tout petit, Jules rêve de devenir montreur d'Ours et de partir faire fortune en Amérique. Alors, après avoir localisé l'emplacement de la tanière d'une ourse ayant mise-bas, il attend qu'elle s'absente pour lui subtiliser un de ses petits.

« L'ourse est sa muse, sa soeur, sa fille. Elle est née une première fois dans la tanière, créature glabre tout juste sortie du ventre de sa mère, et, la capturant, il lui a offert une seconde naissance, à son monde, celui des hommes. »

Ces pages m'ont emportée dans le passé au temps où les hommes faisaient des ours des bêtes de foire, des animaux dont la fourrure avait, disait-on, le pouvoir de guérir. J'ai trouvé cette partie cruelle, très violente, mais aussi fascinante et sublime par l'écriture.
Tout comme l'ourse, j'ai tressailli sous les coups de bâton qu'elle recevait, j'ai eu de la peine pour cette vie de captivité et de mauvais traitements, j'ai haï Jules.

*
Puis nous revenons au temps présent. L'histoire de Jules et de son ourse continue à planer, permettant d'éclairer l'origine des problématiques actuelles.

« Nous avons fait front comme nos montagnes
Vous avez hurlé comme les vents fous. »

Gaspard est berger, il se prépare au rituel de la transhumance, en montant en estive les troupeaux de brebis de plusieurs éleveurs de la région. Malgré un accident traumatisant survenu l'été précédent, il ne peut envisager de vivre sans ces mois de vie intense et solitaire dans les pâturages de haute-montagne. Sa vie est rude, âpre, mais c'est celle qui lui permet d'être heureux, de vivre pleinement, sans regrets ni manques.

J'ai aimé son regard sur la montagne, son envie de vivre dans les hauteurs, sa vocation pour le métier de berger, son amour de la nature, son goût de la liberté et des grands espaces, sa passion des animaux, son lien avec ses chiens et son troupeau. Même si les ours mettent en péril son activité, il n'est pas haineux et agressif envers eux comme tant d'autres. Il comprend que la montagne doit se partager et que l'ours y a toute sa place.

« Parce qu'ici vie et mort, joie et peine, intensité et lenteur, hommes et bêtes, lumière et néant, ciel et terre, douceur et violence se côtoient ; parce qu'il s'y fond et s'y efface, s'y sent si vivant, il s'accroche à ce bout de montagne. »

Mon esprit a voyagé et a imagé Gaspard sous les traits d'un berger que j'ai connu près de Barèges, il s'appelait Laurent Crampe. Avec ma classe, on venait le voir chaque année, cette visite était devenue incontournable. C'était un moment plein de beauté et de joie. Je me rappelle son visage jovial, épanoui, passionné, attentif à ses bêtes. C'était merveilleux de l'écouter nous parler de son métier, le voir guider son troupeau avec ses chiens, dans une sorte de langage secret uniquement compréhensible d'eux. C'est avec un pincement au coeur que je lui disais au revoir et à l'année prochaine.

*
Éternels nous sommes comme nos montagnes
Et vous passerez comme des vents fous.”

Alma est éthologue, spécialiste des ursidés. Elle a été recrutée pour étudier les ours, participer à leur suivi, comprendre leurs déplacements afin de faciliter la cohabitation des éleveurs avec les ours, prévenir les attaques possibles avec les troupeaux.
L'accident de l'an passé a fortement marqué les esprits, les tensions sont exacerbées par la présence de cette ourse et de son petit qui se jouent des bergers et de leurs chiens pour venir régulièrement prélever un animal dans le troupeau. Alma doit rapidement trouver le moyen d'empêcher de nouvelles attaques.

J'ai aimé me glisser dans ses pas passionnés, arpenter les chemins tracés par le passage répété des animaux sauvages, me couler dans les traces de l'ourse Negra, attentive aux moindres indices de sa présence : poils, empreintes, excréments, pierres retournées, … L'approche d'Alma est respectueuse, c'est comme un pas de côté qui permet de partir à la rencontre de l'ours, de son environnement, de la montagne, et bien sûr de soi.

« La plupart d'entre eux ne rencontreraient jamais l'ours. Les face-à-face étaient rares, des siècles de chasse acharnée avaient inscrit dans la mémoire des plantigrades le genre humain comme un danger. Ils s'étaient adaptés, vivant la nuit, se repliant le jour dans des vallons escarpés, des couloirs à avalanche, partout où les êtres humains étaient encombrés par leurs corps malhabiles, pris de vertige. L'ours, lui, dansait sur les crêtes, sinuait dans les forêts épaisses, au mépris des épineux qui s'accrochaient à son cuir épais. »

*
La plume de Clara Arnaud se fait délicate, lumineuse et profonde pour parler des liens puissants, inextricables et complexes qui nous relient à la nature et à sa faune. Elle s'harmonise parfaitement entre le regard du poète et celui du scientifique, jouant ainsi sur la sobriété et l'efficacité comme sur l'élégance et la douceur.

L'autrice a su me captiver en tissant des liens entre deux époques, en entremêlant les rencontres et les points de vue, en alternant narration et réalité, en proposant une réflexion intéressante sur la réintroduction de cet animal tout en exprimant les sentiments des bergers moralement affectés par la prédation.
L'autrice entretient une tension constante par la présence de l'ourse autour des troupeaux et par l'évocation tout au long de l'histoire, par flash-back, du drame qui a laissé des cicatrices invisibles mais considérables sur les lieux et les hommes.

*
Les descriptions de la montagne sont superbes, magnifiées par les levers ou les couchers de soleil, la présence des troupeaux sur l'estive. Théâtre de drames, lieu de refuge, les mots de l'autrice disent toute la beauté de ce monde, sa fragilité aussi, dans un carrousel d'émotions, de sensations, de couleurs, de lumières, de senteurs et de bruits.

Si la figure de l'ours est centrale, elle n'hésite pas à y mêler l'intime, le destin des hommes, racontant les méandres de leur vie avec leurs tempêtes et leurs revers, avec leurs peurs et leurs questionnements, mais offrant également des moments d'émerveillement, de plénitude, de réconfort et de paix.

*
A travers les personnes, les lieux et les époques, Clara Arnaud explore l'équilibre fragile entre la nature, l'animal et l'homme. Elle évoque les polémiques autour de la présence de l'ours, les bienfaits du pastoralisme sur la biodiversité des montagnes, l'intérêt de réintégrer l'ours dans la chaine alimentaire, le décalage entre le monde lent de la transhumance face au monde moderne qui demande rapidité, productivité, efficacité. Il est aussi question du réchauffement climatique.

« Elle savait combien les lâchers d'ours précédents avaient été polémiques, créant des remous dans tout le pays. L'ours charriait avec lui des siècles de mythologie, convoquait des terreurs archaïques. le débat dépassait l'enjeu de sa présence, il s'agissait du rapport de la société au monde sauvage, à ce qui échappait au champ du prévisible. »

*
Pour conclure, Clara Arnaud signe un très beau roman, richement documenté, superbement écrit avec toute l'émotion que l'on peut mettre dans les mots.
Je l'ai savouré page après page et c'est avec une pointe de nostalgie et de regret que je quitte ces magnifiques paysages et cet animal si fascinant.

Je ne peux que vous le recommander très sincèrement.

***
Je remercie très chaleureusement l'équipe de Babelio et les Editions Actes Sud pour l'envoi de ce roman accompagné d'un très joli marque-page d'une couverture de roman d'Aki Shimazaki et d'un petit mot personnalisé auquel j'ai été très sensible.
***
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C'est Nicolas de Babelio qui m'a proposé le voyage, c'est Actes Sud et Clara Arnaud qui l'ont organisé. J'ai accepté la proposition et me suis installée dans la fébrile attente qui précède les grands départs.
Les jeunes montagnes millénaires pointaient leurs sommets dans une fierté imposante et altière. Je me suis allongée sur mon coussin d'étoiles et j'ai laissé le vertige de la rencontre me griser.

J'ai glissé jusqu'au 19ème siècle pour croiser Jules, son rêve, sa passion obsédante : exercer le métier de montreur d'ours, gagner l'Amérique et beaucoup d'argent. Dans l'antre il s'est saisi du petit de l'ourse, l'a nourri, l'a aimé, l'a éduqué, l'a préparé ; ils ont quitté leur Ariège natale pour sillonner la France et tenter de vivre de leur art.
Aujourd'hui en 2022, la maison de Jules est occupée par Gaspard, le géographe nomade qui a fait famille et est devenu berger en suivant les traces du vieux Jean. Il prépare le troupeau pour la transhumance et s'apprête à vivre « peau à peau » avec ses brebis. Les doutes et la peur induite par le traumatisme de l'année passée le suivent sur les combes et dans les herbages.

Tout au bout de l'estive, on aperçoit la silhouette vive et dynamique d'Alma, la jeune éthologue qui pose ses valises dans l'été du Couserans. Après une expérience en Sibérie et une autre dans les monts cantabriques, elle est là pour approfondir ses observations et ses connaissances sur le comportement de l'ours.

Les bergers, les chasseurs, les éleveurs, les scientifiques, les élus, toute la communauté ariégeoise montagnarde compose avec la présence de l'ours. Entre ceux qui sont résolument pour et ceux qui sont contre il y a tout cet échantillonnage de gens qui tolèrent, sont indécis, doutent, se méfient. Clara Arnaud ne nous demande pas de prendre parti, elle nous livre un texte didactique qui nous éclaire autant sur la vie du berger à l'estive, de l'éthologue qui jumelle que sur les besoins et habitudes des brebis, des chiens, des ours et des oiseaux. Les liens entre humanité, faune, flore sont imbriqués, indissociables et l'ours aussi peut trouver sa place et jouer son rôle d'espèce « parapluie ».
J'ai aimé ce néo berger et cette jeune éthologue (un peu moins la personnalité du montreur d'ourse) pour leur fragilité, leurs doutes, leurs convictions. J'ai aimé que les Pyrénées grandioses et sublimes souvent inhospitalières accueillent leur force et leur mouvement, étayent leur quotidien.
Ce livre va plaire à tous ceux qui, comme moi, aiment le chant de la nature même lorsqu'il est implacable et cruel ; à tous ceux qui s'émerveillent devant le vol bas du tichodrome échelette et la curée du vautour ou du gypaète.

Merci aux gentils organisateurs pour ce noble et splendide voyage.


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Dans ce superbe roman, nous suivons trois personnages, leur point commun : l'ours.
Jules depuis l'enfance fréquente les montreurs d'ours de la vallée. En ce jour de printemps 1883, il inaugure sa vie de saltimbanque et espère faire fortune en Amérique avec son numéro avec l'Ourse qu'il a capturée alors qu'elle n'était qu'un ourson, il l'a élevée et dressée.
De nos jours, Gaspard le berger va prendre le large pour quatre mois avec ses brebis, il va laisser Lucie, sa femme et leurs deux filles. Pendant l'estive il doit protéger son troupeau contre l'attaque de l'ours.
Alma, « la fille aux ours », docteur en biologie comportementale, elle participe au suivi des ours, elle vient se glisser dans leurs pas. Selon elle la cohabitation ne peut passer que par une meilleure connaissance du plantigrade.

Ce roman qui se passe dans les Pyrénées est une plongée au sein d'une nature encore sauvage dont Clara Arnaud nous offre des descriptions magnifiques. Elle nous conte, avec un peu de nostalgie, ce monde pastoral en train de disparaître, avec la solitude, la météo capricieuse, mais aussi les amitiés, les fêtes, les légendes. Elle nous fait participer à cette tradition de la transhumance puis de l'estive et puis, au milieu, il y a Jean, il a embrassé la vie de berger à seize ans, c'est un poète, il est celui qui transmet et qui, à 80 ans, prépare sa mort au pied d'un vieil arbre noueux comme lui. Mais ce roman est aussi celui de l'ours, de la Négra, une femelle impressionnante qui, comme tous les ours, suscite l'admiration et l'inquiétude. Clara Arnaud m'a littéralement transporté dans son magnifique roman, une belle bouffée d'oxygène et de dépaysement total.

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J'ai aimé la couverture, mais c'est surtout le titre qui m'a attiré, sans connaitre le sujet. Et vous passerez comme des vents fous de Clara Arnaud, un bonheur de lecture, c'est magnifique, bien écrit. Si vous voulez vous évader, n'hésitez pas. La forêt, les Pyrénées, les animaux, sont décrits de manière très visuelle, on a l'impression d'accompagner nos guides, dans cette nature grandiose.

Trois personnages, forment la trame de ce très beau roman, le lien qui les relie c'est l'ours. Très controversé, il avait été banni et réintroduit, au grand dam de nombreuses personnes, par peur ancestrale, c'était le démon, pour l'attaque des troupeaux ou tout simplement par méfiance envers cet animal imposant.

Nous ferons tout d'abord connaissance avec Jules, Un jeune homme attiré et obnubilé par le métier de montreur d'ours. Au XIX siècle, les amuseurs étaient nombreux et Jules avait l'intention, d'avoir son ours, le dresser et partir pour l'Amérique. Il fallait d'abord passer par la ferrade, avant de l'éduquer et peut-être accomplir son rêve de grandeur et d'aventure.

Gaspard, après des études de paysagiste, se sent à l'étroit dans son appartement, décide de revenir vers ses montagnes, pour y être berger. L'été, durant quatre mois, il va partir avec un troupeau de 800 brebis pour une transhumance, vers les cimes et pâturages des Pyrénées. Heureux mais stressé, par la présence de l'ours, et par un accident arrivé lors de la précédente saison.

« L'estive offrait toute la palette des expériences sensorielles. On pouvait se retrouver à patauger dans la merde pour attraper une brebis victime d'un retournement de vagin, traîner le cadavre d'une agnelle éventrée, en achever une autre, le cerveau bouffé par les oestres, et le soir même être témoin d'un crépuscule flamboyant sur les crêtes, et, embrassant du regard une mer de nuages percée par les pics granitiques du sommet de l'Infierno, être étourdi de joie. »

Au même moment Alma, biologiste et éthologue, arrive, pour étudier le comportement des ours, entre eux, auprès des troupeaux, elle veut prouver que tout le monde peut vivre en harmonie. C'est sans compter sur les bergers en colère. Une ourse et ses deux petits l'intéressent particulièrement, car ils sont dans le périmètre où paissent les brebis de Gaspard. Elle ne compte pas que des amis dans le village.

Alma et Gaspard seront amener à se croiser, puisqu'ils travaillent tous les deux, dans ce panorama éblouissant, l'ours sera toujours leur trait d'union. Ils ont aussi des problèmes personnels à gérer, la communion avec la montagne, ne règle pas toutes les questions, ni les angoisses de chacun.

« L'estive occupait un large périmètre, de part et d'autre du lac de Beltame. Au niveau de la cabane se déployaient de vastes landes à rhododendrons, genévriers, callunes, puis au-dessus encore, des prairies d'altitude où les brebis se gaveraient de fétuques et de réglisses. C'était un territoire complexe, dont l'utilisation dépendait de la topographie, du couvert végétal, de la météo, auxquels il fallait ajouter la présence de l'ours depuis dix ans. »

Un très beau roman sur la montagne, le changement climatique, les effets sur la nature, les animaux. du suspense, on ne s'ennuie pas. Je continuerai à suivre cette autrice.
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Encore un coup de coeur en cette fin d'année avec cette ode urgente à la nature, cette histoire montagnarde, d'ours et de bergers.

L'autrice m'a immergée immédiatement parmi les êtres des forêts, des pâturages et des montagnes.
Je me suis laissé emporter dans le monde pastoral en suivant Gaspard, berger salarié qui monte vivre sa quatrième estive alors que la fascination et la peur ancestrales liées aux ours sont ravivées par des attaques récurrentes envers les moutons. Il n'est pas au meilleur de sa forme depuis le tragique accident de l'année derrière, mais il est déterminé à guider seul trois troupeaux.

La réintroduction des ours dans la région des Pyrénées centrales ne fait pas l'unanimité et ébranle le frêle équilibre du pastoralisme qui souffre déjà trop des normes européennes drastiques.

Cependant Alma, naturaliste, éthologue est persuadée qu'elle pourra démontrer scientifiquement que l'ours et le pastoralisme peuvent coexister. Elle s'attend à crapahuter durement, mais va-t-elle atteindre son objectif ?

Dans une autre temporalité, Jules enlève un ourson à sa mère pour l'élever et devenir un montreur d'ours. Au XIXe siècle, être troubadour est une des rares façons de voir du pays pour les pauvres gens, et Jules veut absolument parcourir le monde avec son animal impressionnant mais domestiqué.

Mes poumons, mon coeur se sont dilaté de joie, de crainte, de rage, d'horreur face aux mots de l'autrice nous décrivant un univers âpre, majestueux, cruel, sauvage où l'homme et la nature sont entrelacés dangereusement dans une coexistence difficile et instable.

La voix de l'autrice aux intonations graves et poétiques nous dévoile un écosystème toujours riche mais fragilisé par l'homme et le réchauffement bien palpable de la planète.

J'ai adoré l'aspect documentaire de certains passages extrêmement intéressants et instructifs.
Un roman dur mais vivant, qui incite à la réflexion.

Je le recommande chaleureusement.
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Ce livre est arrivé au bon moment. Après m'être replongé dans Descola, Martin et Morizot, avoir revécu quelques moments intenses avec ours et loups, les éditions Actes Sud et Babelio m'offrent cette magnifique Masse Critique privilégiée.
La chance de retourner sur le terrain, en l'occurence dans les Pyrénées ariéroiges, sous la protection du Monte Perdido, des gypaètes barbus, des circaètes mangeurs de vipères, des tichodromes échelette et surtout des rats trompette.
Pour ne rien vous cacher, j'avais un peu peur d'un ouvrage style Ours-Moutons Pour les Nuls. Et ça aurait pu en prendre l'inclinaison sans la plume superbement incarnée de Clara Arnaud.
Trois voix pour dire l'ours et le mouton :

Jules, né en 1867 à Arpiet, qui deviendra un célèbre monteur d'Ours après avoir élevé une oursonne (prise dans sa tanière) et fait le saltimbanque en Europe puis en Amérique. On suivra son incroyable destinée avec étonnement et passion.
Le dressage de l'ours est particulièrement intéressant !

Alma, la nouvelle éthologue du CNB (centre national de la biodiversité). Belle et sauvage, c'est une pure et dure, convaincue qu'une meilleure connaissance qualitatives des interactions ours/moutons ou ours/humains permettra la mise en place de mesures adaptées pour une cohabitation pacifique.
Ah oui, important : elle se relève difficilement d'un gros chagrin d'amour. En Alaska, c'est Sam, le spécialiste des loups qui l'a larguée. Et là on se dit : bon sang mais c'est bien sûr: revoilà le couple Nastassja Martin /Baptise Morizot.

Enfin on va suivre Gaspard le berger et ses huit cents moutons, la jument Chance, quatre patous, un border collie, Lunita, et Mina La Rousse, la chienne de Jean, dans leur quatre mois d'estive.
Jean est le patron et le mentor de Gaspard.

Vous apprendrez énormément de choses sur la faune et la flore pyrénéenne, en suivant Gaspard et d'Alma. Vous croiserez un viel ermite, un chasseur fou, des éleveurs colériques, des effaroucheurs effarouchés, des néo-ruraux azimutés, un beau forgeron qui sent la rose etc.
Je regarde mes bâtons de marche et me souviens que, là-bas, l'espèce la moins considérée, la plus méprisable, c'est le randonneur. Vous n'êtes pas là pour vous balader, la montagne n'est pas un terrain de jeu. La montagne est sombre et flamboyante, elle brule et rince ses occupants, elle ne fait aucun quartier.

Alma tente de prouver que le risque d'infanticide (les oursons capturés ou tués par de vieux mâles) augmente les occurrences de prédation. Tout le monde ( y compris son directeur de recherche) s'en tamponne. Les éthométres, c'est bien beau, mais il faut choisir son camp : être pour ou contre l'ours. Alma est une « salope à ours »
Gaspard a vécu une tragédie lors de l'estive précédente. Clara Arnaud nous en distille les éléments au goutte à goutte car il faut laisser le lecteur comprendre pourquoi un mec en couple avec deux petites filles, bac + 5 en poche, puisse choisir ce genre de sacerdoce .

La véritable héroïne de ce livre flamboyant, c'est la montagne elle même, en lutte avec le changement climatique.
Alma et Gaspard vont progressivement se minéraliser, se végétaliser, s'animaliser.
L'histoire de Jules scande le récit et crée un joli décalage avant de rejaillir dans le présent.
L'autrice excelle à faire résonner tout ce petit monde qui partage le pas de la Chance, le pas de l'Enfer, la draille des Loups, le couloir des Framboises.
On boit beaucoup, on mêle des odeurs fauves et des saveurs salées.
Une des filles de Gaspard dit « La montagne rêve… »
Alors, parce qu'il faut bien critiquer un peu, on dira que c'est un peu long, qu'il y a beaucoup de répétitions etc. Mais la montagne rêve …!

On finira évidemment par le magnifique poème d'Hovhannès Chiraz
« Nous étions en paix comme nos montagnes
Vous êtes venus comme des vents fous
Nous avons fait front comme nos montagnes
Vous avez hurlé comme les vents fous
Eternels nous sommes comme nos montagnes
Et vous passerez comme des vents fous »

Un chouette cadeau ce livre. Quelques jours après sa lecture il résonne encore très fort en moi
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Il y en a qui ont eu dû bisquer chez Gallmeister ! Une couverture jolie comme chez eux, un titre qui est à lui seul déjà une promesse d'ailleurs mais surtout un « Nature Writing » sans aucun frais de traduction. Foin du Montana, du Tyrol ou des Abruzzes, la montagne est francophone et, au passage, dans un français drôlement bien écrit. Une histoire de villages, d'estives, d'ours, de moutons, de chevaux, de chiens, de bergers, d'épicières… Des drames, des joies, la beauté ou la laideur des âmes, l'alcool… Au XIXème comme au XXIème siècle, les Pyrénées sont un théâtre de sagesses mais aussi de destins hors normes et de tragédies… Dans cet univers où la géologie s'est exprimée de façon grandiose et dont l'auteure sait parfaitement restituer la majesté, la fascination masque difficilement le danger et toutes les passions sont exacerbées. Clara Arnaud évite de nous imposer des tirades écologiques aussi factices qu'une vitrine d'un Nature & Découvertes, elle partage avec nous le quotidien d'hommes et de femmes qui vivent et travaillent dans des territoires et sont parfois confrontés à des choix venus d'ailleurs. Les conflits qui opposent ruraux, néo-ruraux, urbains ou autres individus nullement réductibles à une de ces étiquettes, sont abordés avec la louable volonté de montrer toutes les facettes de ces problématiques complexes. Ouvrage scientifique, englobant tout autant la sociologie, la géographie que la biologie, « Et vous passerez comme des vents fous » est avant tout un roman qui ravira ceux pour qui London n'évoque pas une capitale européenne mais un écrivain américain. Un roman que les amateurs de courses en montagne boiront comme le génépi qui termine une journée dans un refuge. Cette chaleur qui envahit jusqu'à la cornée, ce goût qui joue les prolongations dans la gorge.
Je n'ai finalement qu'un regret dont Clara Arnaud ne peut être tenue pour responsable. Celui de ne pas avoir pu découvrir ce petit bijou, en levant de temps en temps les yeux pour contempler le soleil qui se cache derrière le Carlit et admirer les eaux des Bouillouses s'enflammer une derrière fois dans le crépuscule cerdan.
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Clara Arnaud nous offre une majestueuse symphonie dont le chef d'orchestre est la montagne et les mouvements dominés par l'ours.

Située en Ariège, cette histoire est centrée sur le temps d'une estive d'une part avec Gaspard, le berger salarié d'un groupement pastoral à qui est confié un important troupeau de brebis .
Il est seul avec les chiens à surveiller les bêtes et à affronter ses souvenirs de l'accident de l'été précédent qu'une ourse, La Negra , avait à priori , provoqué.

À la même période, Alma, une éthologue part pour observer le comportement de cette ourse et de ses oursons.

En 1883, Jules, âgé de 13 ans , s'empare , la peur au ventre, d'un ourson dans sa tanière, il veut devenir Montreur d'ours et partir aux États Unis.

La réintroduction de l'ours dans les Pyrénées françaises alors que la population locale avait quasiment disparue reste un sujet brûlant .
Clara Arnaud montre combien il est difficile de changer les mentalités, elle pointe du doigt toute l'ambiguïté de notre monde actuel .

Ambiguïté du pastoralisme avec pour certains l'absence de remise en question de leurs pratiques alors même qu'elles ont évolué , bien loin de celles vécues au siècle dernier. Les bergeries en montagne sont à l'abandon pour beaucoup d'entre elles et la forêt gagne sur les pâturages.

Ceux qui comme Gaspard veulent revenir aux modèles anciens, le berger monte avec ses bêtes et les garde, sont montrés du doigt, lui est soutenu par Jean, un vieux berger plein de bon sens .

Ambiguïté de la réintroduction de l'ours qui se heurte à l'hostilité d'un certain monde pastoral prêt à utiliser le fusil et qui voit également d'un mauvais oeil les démarches scientifiques comme le fait Alma , incompréhension sans chercher à comprendre le but de ces études et le bienfait que cela peut apporter avec une vision nouvelle de la cohabitation .

Ambiguité également de ces montreurs d'ours qui les élèvent : oursons choyés, "défauvisés " puis , à la longue, traités comme des objets .

Certes, il faut regarder le pastoralisme avec bienveillance devant la complexité du travail , et Clara Arnaud décrit parfaitement les difficultés de l'élevage, la surveillance constante du troupeau , la fusion indispensable avec ses chiens .

Au dessus de toutes ces considérations que l'auteure expose bien , domine le changement climatique qui atteint les herbages , modifie les dates et les pratiques de la transhumance .
Ses descriptions de la montagne sont vivantes, on ressent le froid de l'eau des torrents, le souffle du vent et la caresse impitoyable du soleil.

"Animal, on est mal " chantait Gérard Manset en 1968, on en est où, en 2023 ? les mêmes erreurs se reproduisent, les mêmes mentalités obtuses persistent .

Ce roman magnifique est un cri de détresse !

Un grand merci à Masse Critique et aux Éditions Actes Sud pour cette excellente lecture .
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Tristesses et joies

Deux points de vue inconciliables :
Celui des écolos qui veulent réintroduire l'ours dans les Pyrénées, là où il a disparu.
Celui des éleveurs qui veulent protéger leurs bêtes du fauve.
Jamais ces deux partis ne pourront s'entendre.
Et j'avoue que, même sachant que l'ours en France n'attaque pas les humains, je n'ai pas envie du tout d'en trouver un en face de moi.
Quatre acteurs importants dans cette histoire et quelques rôles secondaires dont je ne parlerai pas même s'ils ont leur importance.
Par ordre d'entrée en scène :
* Jules : le montreur d'ours dansant, parti aux Amériques pour faire fortune au début du XXe siècle. La capture de l'ourson et son dressage sont d'une cruauté à faire frémir. J'ai vu, quand j'étais gamine, la photo d'un montreur d'ours que mon père a prise à Salonique lors de la guerre 14/18. C'est un crève-coeur.
* Gaspard : le berger qui emmène huit cent quarante bêtes en estive. Les patous, ces énormes chiens blancs parmi les blancs moutons ainsi que deux chiens de berger l'accompagnent. Lors de nos randonnées, nous avons souvent rencontré des patous. Ils s'approchent et il ne faut surtout pas bouger, ils vous sentent puis repartent. Vous n'êtes pas un danger. le berger surveille son troupeau. Je l'ai envié. Quelle chance il a, bien tranquille dans ce paysage magnifique. Oui, et bien, avec ce roman, mon rêve pastoral s'est évanoui. Car le travail du berger est harassant et en marge, car il est seul pour faire face à tous les aléas. Entre les brebis rétives ( je ne savais pas qu'elles avaient du caractère ! ), les malades, les accidentées, les égarées, les chutes mortelles et les attaques des prédateurs, c'est loin d'être une sinécure.
* Alma : une éthologue, baptisée "la fille-aux-ours" par les plus sympas ou "la salope à ours" pour les plus radicaux. Elle est coiffée d'un élégant chapeau de paille, « un devoir d'élégance à l'égard des montagnes ». Elle a roulé sa bosse un peu partout dans le monde. Son travail est, lui aussi, harassant. Entre les affûts où il faut rester immobile pendant des heures, les grimpettes de plus de 1000 mètres de dénivelé quel que soit le temps : canicule, pluie, orage, grêle... rien ne l'arrête car son travail la passionne .
* L'ourse : la Negra, l'âme de la montagne pour certains, la tueuse pour d'autres. « L'ourse, elle a le droit de vivre, nous on a le devoir de protéger les bêtes, c'est pas plus compliqué. ». Autour d'elle, les débats font rage.
C'est la gorge nouée, tourneboulée et sidérée que je referme ce livre à la si belle couverture et enfermant tant d'histoires.
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« Au milieu de la nuit, ça le reprit, l'angoisse. La sensation d'un bras autour de la gorge. Sueur, tremblement. (…) Il respira le plus lentement possible, emplissant chacune des alvéoles de ses poumons. Calme. Il leva la tête vers le ciel. Et la lune lui apparut grosse, ronde, d'un rouge profond. L'éclipse totale. (…) Une goutte de sueur coula le long de son front, froide. Il frissonna ».

En lisant ces phrases, je m'aperçois que j'ai eu le même sentiment, les mêmes sensations. le vide, l'obscurité, l'incapacité de me concentrer, à lire ne serait-ce que quelques pages. Totale éclipse. Des effets secondaires qui obstruent la lumière, une sorte de coma mental, le moteur qui cale et refuse de redémarrer. Attendre que ça revienne, de l'intérieur, comme cette forêt primaire, lue récemment. Résistance. le début de ce nouveau roman semble m'apaiser, me réanimer. Lecture. Je reviendrai vers l'écriture après la dernière page, le dernier mot. Peut-être passerai-je comme un vent fou...

Voilà c'est fait. L'ours est sorti de sa tanière. Deux semaines de ténèbres, deux jours de lecture. La vie reprend, par petits bouts, au fil des pages. S'accrocher. Pour ne pas oublier. L'attention joue au yo-yo, la tension fait de même. Une idée survient, une phrase se construit, ça gicle. L'écrire à l'instant. Peur de la perdre dans ce désordre intérieur. Faire le point à chaque fin de chapitre. Seul moyen d'avancer, pour reprendre goût à l'écriture. Finalement, je n'ai pas attendu la dernière phrase. Chroniquer au fur et à mesure, ça rassure, j'en suis sûr. Pas de vent fou, juste des rafales de bise, qui m'affalent, je les brise.
Tenir. le sujet s'y prête. La montagne, ça vous gagne. L'épilogue sera le sommet. Plus qu'à gravir, étape par étape, en faisant des lacets, pour se délasser.

« La nuit était une pieuvre qui l'attirait dans ses tréfonds, des abysses sombres ».

Je la note celle-là, elle me parle. C'est à propos de Gaspard, le berger. Encore un, c'est fou ce que ce prénom attire les auteurs (voir la chronique « Le pays où l'on n'arrive jamais »). Lui aussi part, en estive, avec ses moutons. Moins d'une centaine, à l'ancienne.

« Elle avait levé les yeux et, juste au-dessus d'elle, à quelques centaines de mètres, l'ourse jouait les équilibristes dans les éboulis. Indifférente à sa présence, l'animale retournait d'énormes pierres pour trouver insectes et charognes ».

Alma, c'est la scientifique, venue étudier le comportement des plantigrades, car avec les ours ça se dégrade. Elle va faire un rapport. La déclaration de « Alma, halte à » la peur, biodiversité égal santé. Almaty maintenant, mais elle ne changera pas de nom, rester elle-même, c'est capital.

« Au moment de se saisir du petit, la lueur ténue de la flamme éclairait le regard de l'autre ourson, un regard d'absolue terreur, qu'il a soutenu. Puis vite, il s'est alors tiré hors de la tanière, le captif contre son torse. (…) Il l'observe – son nez pointu, les yeux ardents, les oreilles qui complètent le triangle de son visage, et la peau nue, noire, de ses plantes de pieds, puis son ventre. Il laisse glisser son regard vers le bas pour déterminer le sexe de l'animal. Une femelle, c'est une femelle ».

La femelle a son Jules, un jeune de la vallée, qui fréquente les montreurs d'ours. Il ne demande qu'à devenir saltimbanque à son tour. Il va élever l'oursonne, pour qu'elle se dresse sur ses pattes et fasse des tours. Année 1883, elle ne sait pas encore ce que sera sa vie d'ourse.
Plus d'un siècle plus tard, ses descendants descendront de la montagne, sans fer dans le nez, et s'en prendront à quelques moutons. Pourquoi s'en faire ? Vengeance, juste retour de bâton ? La tension est à son paroxysme, 16-10, la mienne suit le mouvement, je tiens le coup, attention, silence, moteur, ça tourne !

« La crête d'Ilia, la chienne s'est engagée dans cette direction, il regarde. C'est là où elle a basculé, rejoint le grand vide, comme les bêtes parfois dérochent, passent par-dessus bord. Lunita, reviens, merde ! Et de fixer encore l'endroit exact où elle est tombée »…

Le drame, ça le crame, Gaspard. L'an dernier, Ilia part, il y a un vide, le mal au bide, tenace, les rides, qui menacent. Pour ça, repartir, sans souffrir le martyre, effacer le sort, qui a perdu le corps, oublier la mort. Compter les moutons, c'est la saison, recoudre les boutons, se faire une raison. La vie continue, l'espoir s'insinue, dormir en chien de fusil, « pas tout » à fait rassuré, redouter l'amusie, les sons sont torturés.
Hier, je reçois une notification, un commentaire, sur une autre chronique, conspiration des Illuminati, il est passé comme un vent fou, comment taire l'anachronique, tu l'ignores ou tu le niques, les modérateurs ont sévi, pas l'temps pour d'autre avis, tu cries, tic-toc ! C'est la vie.

« Et soudain, dans la falaise, un tichodrome échelette. Elle ne lâcha pas l'oiseau-papillon de sa longue-vue. Avec son bec long et fin, il cherchait des insectes dans les anfractuosités de la roche, s'y accrochant de ses pattes. Il s'envola subitement, découvrant l'intérieur de ses ailes arrondies, d'un rose explosif ».

Alma, quelle chance tu as, loin des réseaux sociaux, à contempler les zoziaux, tu en prends plein la vue, quelques secondes de bonheur qui valent plus que de longues heures à chercher les traces, qui s'effacent. Tête en l'air, tête en bas, tant à faire, n'oublie pas, juste se taire, suivre ses pas.
Maintenant, je le sais, je suis embarqué, je vais aller au bout, l'énergie revient, même si les nerfs me rappellent la douleur. Rester concentré, moi aussi je veux savoir, le fin fond de l'histoire.

« Elles tournent. Une petite foule s'est massée. Encore, encore un tour. Et Jules ne voit plus que son ourse dressée, répétant à l'infini la rotation qu'il exige d'elle, et cette femme hypnotique, dont le corps réalise des révolutions autour de l'animale, jusqu'au vertige. Et lui, et elle, et l'ourse, tournent encore ».

Jules est « monté, vide, et au » sommet de son art, au Chili « con carne », la chair de ses deux partenaires illuminent les yeux du public agglutiné devant le spectacle de cirque ambulant. Cruel destin du fauve asservi, seul animal à marcher comme les humains, imitation de la danse endiablée d'une espèce en sursis. Qui est le sage, qui est la bête ?

Des personnages puissants, hauts en couleurs, à l'image de ce décor de théâtre, mais vivant, sauvage, la nature à l'état brut.
Dressage et élevage, deux mots qui dominent dans le paysage. Doit-on dresser pour s'élever ?
Le plantigrade qui se dégrade sur l'estrade, le prédateur qui fait peur à toute heure, le fauve qui se sauve à l'aube mauve.
Tradition, malédiction, superstition, disparition, mission, réintroduction, cohabitation, tension, prédation, exaspération, exécution.
En montagne, ça castagne ! La loi du plus fort aboutit à la mort, celui qui hiberne est en berne. Faudrait que les moutons pâturent pendant l'hiver, ou que les ours s'endorment en été… Mais le monde est ainsi fait qu'il y a des querelles de territoire. N'est-ce pas les humains, qui en viennent aux mains, entre eux, hargneux. Alors, l'animal, moindre mal, une espèce en moins ne changera pas la face du monde ! Et si c'était justement l'espèce humaine qui disparaissait…

De Clara Arnaud, j'avais lu « Au détour du Caucase », une sorte de conversation qu'elle fit avec un cheval, qui l'accompagna dans son périple asiatique. Ici, dans les Pyrénées, s'y ajoute une profondeur exaltée, un lyrisme envoûtant, Jean Giono et Bernard Clavel réunis, nature et sentiments, histoire et description scientifique, avec des mots simples qui sentent bon l'authenticité.
Pas de parti pris, rien que du véridique, j'étais dans l'histoire, en estive.

La lumière est revenue, je suis sorti de ma tanière. La tension a chuté, l'attention s'est redressée. Lecture et écriture, c'est dans ma nature. Sans rupture, pour la suite.

Moi, l'obsédé textuel, je laisse la parole de fin à un autre solitaire chanteur de mots, Alexis DjosHKounian.

« Ours bipolaires,
Ermites en colère,
En apesanteur entre les deux hémisphères.
Dans tes jours amers,
Ton regard se perd
Entre l'eau et le feu qui clashent dans ta chair ».
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