Avec un nom si proche d'Austen, et un prénom inspiré par l'héroïne de la famille Bennet (ses parents étant tous deux de fervents admirateurs d'
Orgueil et préjugés), Elizabeth Aston était prédestinée à écrire une saga para-victorienne.
Cinq filles très différentes les unes des autres : Letitia, dite Letty, l'aînée réprobatrice et austère ; Camilla, l'un des personnages principaux de ce premier opus et dont la personnalité pourrait presque se substituer à celle de sa mère Elizabeth ; les jumelles Belle et Georgina, deux adolescentes de dix-sept ans aussi frivoles et fêtardes que leur tante Lydia ; et enfin Alethea, la cadette de seize ans aux multiples talents et au caractère déjà bien affirmé.
En l'absence de leurs parents, partis en voyage à Constantinople, les jeunes demoiselles mettent du piment dans la demeure londonienne de leur oncle Fitzwilliam et de leur tante Fanny. Si
Elizabeth Aston ajoute de nouvelles têtes à l'arbre généalogique des Darcy, elle n'en oublie pas moins les anciens du clan et nous redonne à découvrir avec plaisir certains personnages d'
Orgueil et préjugés : les Gardiner, la tante Lydia, Caroline Bingley (élevée au statut de Lady Warren)… Au milieu de cette foule de protagonistes ne figurent que deux absents bien regrettés : Darcy et Elizabeth, dont on n'entend parler que par l'intermédiaire de lettres ou de conversations rapportées. Ce tome montre bien qu'ils ont cédé la place de héros à leurs enfants.
Entre complots sordides, bals enfiévrés et amours interdites, le récit laisse place à l'action et fait également la part belle aux faits historiques en insistant sur l'importance de la Saison londonienne. C'est en effet pendant cette période que les jeunes filles de bonne famille, appelées « débutantes », font leur entrée dans le monde pour se trouver un mari. En raison de leur statut social et de leur fortune, les deux aînées Darcy sont très convoitées. Elles doivent donc assister à la succession de divertissements auxquels participe tout aristocrate digne de ce nom : bals, représentations théâtrales, concerts, réceptions diverses… Les cadettes, pour ne pas faire d'ombre à leurs aînées avant que ces dernières ne soient dûment fiancées, ont pour obligation de rester à l'Étude avec leur gouvernante en attendant de pouvoir être officiellement présentées et convoitées à leur tour. Outre les unions matrimoniales, ces activités favorisent le développement et la consolidation du réseau social de la haute société. Les salons du club londonien Almack (ouvert de 1765 à 1871, l'un des premiers à admettre en sa société aussi bien des hommes que des femmes) sont les plus prisés. Néanmoins, l'accès à ses bals passe pour un privilège et fait l'objet d'un rude contrôle quant au rang social occupé par les invités.
Elizabeth Aston révèle les rivalités entre les familles aristocrates et la montée en puissance de la nouvelle bourgeoisie enrichie grâce au commerce. Ainsi Sophie, la fille des Gardiner et jeune cousine des demoiselles Darcy, ne peut bénéficier des mêmes privilèges.
L'auteure est très documentée sur la Régence et l'ère victorienne, ayant étudié à Oxford avec le biographe de
Jane Austen, lord
David Cecil. L'histoire de ce premier tome nous emporte donc dans un style élégant et accrocheur, avec un petit bémol cependant sur le rôle presque inexistant des époux Darcy et la fin du livre, qui dépeint des frasques et des retombées trop invraisemblables selon moi.
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