Bienheureux soit notre monde

Une jolie couv attractive, une 4éme dithyrambique-attention marketing- et le nom de l'auteur, très vendeur aussi…
La première page très travaillée tranche sur une première partie très classique qui par suite m'a laissé sur ma faim…
En revanche la deuxième partie-la meilleure du livre qui en comporte trois- est une bonne surprise (que je ne dévoilerai pas) très originale et très bien menée… Nous sommes entre 2023 et 2029, le monde s'écroule: réchauffement climatique et pollution, pouvoirs politiques affaiblis, montée des extrêmes et des violences, guerres incessantes, alors comment faire pour que « Bienheureux soit notre monde »…?
Expert en sciences politiques l'auteur, sur le mode fiction-et non dystopie- devient lanceur d'alerte: alerte apocalypse !

Ce roman est glaçant de réalisme. Il présente un tableau sombre de notre avenir avec ses Illuminati, ses éminences grises qui manipulent les pouvoirs politiques et économiques.
Tout ce qui y est décrit peut évidemment se réaliser et nous en prenons sérieusement le chemin.
Mais l'histoire humaine nous apporte une lueur d'espoir car dans les périodes les plus sombres de notre évolution il y a toujours eu un évènement qui a pu changer le cours des choses au moment ultime. Aucun des grands empires n'a survécu mais toujours l'humanité s'est relevée.
En ce sens, je suis un adepte de Thomas More, un grand utopiste. Gageons, une fois encore, que nous finirons par trouver le chemin de la lumière et que cet avenir sombre reste au niveau d'un roman de fiction.

Personnage incontournable du cercle du pouvoir et des medias dans notre pays, Jacques Attali nous livre une dystopie étonnante dans un registre (le roman) où il n'est pas le plus connu. Fin observateur de l'actualité, il livre en fil rouge une Critique du monde moderne et du capitalisme effréné mené par les "sombres" nous amenant vers l'abîme. A 80 ans, le président de la commission du rapport pour libérer la croissance rendu sous Sarkozy entrevoie la fin inexorable d'un système économique auquel il aura participé. Et un regard sombre sur son prochain. Point d'auto critique mais un appel au sursaut adressé aux "vivants". Voire à l'action violente.

On a bien le droit de se rendre compte de ses erreurs et de changer d'idée après tout. Sa carrière étant derrière lui, ca ne froissera personne. Pourtant lui qui est un grand lecteur, notamment de SF, était bien informé avant les autres qu'on allait dans le mur. Sans remonter à Barjavel, il suffit de revenir au rapport meadows qui annoncait la couleur il y a déjà 50 ans. Mais a l'époque, on ne revait que de prolonger les 30 glorieuses tous pays confondus.

L'économie avant l'écologie. Vieille antienne. Même Miterrand croyait a un capitalisme "social".
Aujourd'hui il est "trendy" de se réclamer ecolo, décroissant et de s'inquiéter du sort des générations futures. Dans les paroles mais les actes? L'auteur n'est guère optimiste puisque -selon lui- la génération suivante fera sans doute "pire" que la précédente...

Même si l'organisation du recit perd parfois le lecteur, on se plaît à suivre l'intrigue conçue autour d'un immense jeu vidéo destiné a changer le court de l'humanité.
J'ai decouvert un Jacques Attali sombre avec la nature humaine (misanthrope?)
"Les humains préfèrent détruire plutôt que construire, se distraire plutôt qu'apprendre, suivre leurs plus bas instincts plutôt que tenter de se dépasser."
J'ai apprécié les passages où il exprime son amour de la littérature, de la langue française et l'importance de transmettre aux jeunes. "À quoi sert-il de tenter d'intéresser des adolescents à la littérature, sans parvenir à les convaincre que c'est d'eux qu'il est question dans les romans de Flaubert ou De Stendhal ? Sans réussir à leur montrer que maîtriser l'orthographe, la grammaire, la sémantique et la syntaxe est une arme infaillible pour réussir dans la vie."
Pouvoir apprendre et contempler la beauté qui nous entoure valent bien de vivre une vie.