Le premier jour après moi/
Jacques Attali
Cela commence un peu comme la « Douane de Mer » de Jean d'Ormesson : « le 26 juin je suis mort. »
« Je suis mort. Ainsi commence
le premier jour après moi. » Après quelques pages de mise en bouche, cette pilule est dure à avaler. Paradoxe multiplié à l'infini…
Alors vont s'écouler des heures angoissantes où Julien se demande ce qui lui arrive. Oui il est mort, bien mort , mais comment se fait-il qu'il se voit mort, et qu'il voie sa compagne Sarah s'affairer auprès de son corps.
Le lecteur aussi est un peu perdu dans ces dialogues à type de variations sur le thème de la mort.
On se dit que l'on va avoir un remake du film « Ghost » ou bien d'un roman type « Et si c'était vrai » ou encore une épopée fantastique à la
Philip José Farmer.
Des phrases telles que celle qui suit amènent forcément à se poser des questions : « J'ai si souvent réfléchi à cet instant où la vie s'en va, où l'esprit flotte avant de choisir la direction de son éternité. »
Ou bien celle-ci : « C'est donc ça, être mort ? le secret que nous cherchons tous à percer depuis des millénaires. Seulement cela : être à côté de soi, inaccessible ? »
Et encore : « La vie n'est qu'une montagne de détails entassés en désordre. La mort est le détail de trop qui la fait s ‘écrouler. »
«
le premier jour après moi est aussi une avalanche de soucis pour les autres. »
Et l'humour n'est pas absent : « C'est donc ça, pour toi, réussir sa vie ? Trouver quelqu'un qui prenne soin de ta mort ? »
Mon passage préféré : « La plupart des grands hommes ignorent ce qui leur survivra. Même les plus grands. Archimède et Vinci se croyaient ingénieurs ;
Maimonide se voulait grammairien ; l'ambition de Velasquez était d'être un grand d'Espagne ; Machiavel et
Saint John Perse se pensaient diplomates. Les uns et les autres étaient des créateurs et survivront comme tels. D'autres au contraire qui se croyaient artistes, délaissèrent un travail d'artisan qui aurait fait leur gloire. Aujourd'hui, chacun se rêve étoile dans le ciel capricieux des images et des
bruits ; et tous, papillons de nuit, tombent dans le fosse aux vanités… »
A la fin on ne peut que se demander si les morts assistent d'une façon ou une autre à au moins leur premier jour !
L'auteur nous balade longtemps pour notre plaisir et l'on en vient à penser que Julien fait un mauvais rêve. Mais ce n'est pas tout à fait cela. Et pour ne pas déflorer l'intrigue, je n'en dirai pas plus. Je vous recommande de lire cet étrange roman, bref et bien écrit, original et assez effrayant. Mais qui fait réfléchir !