On aborde le livre avec un peu de méfiance. Cette "suite" justifiée par le succès de
la Servante Ecarlate, ne serait ce pas un peu faire-chauffer-le-tiroir-caisse? Est ce vraiment justifié, surtout après la troisième saison de la série? Et d'ailleurs, faut il avoir vu cette saison avant d'ouvrir le livre?
Rassurez vous, au bout de vingt pages, vous êtes complètement dedans, accro, et vous n'imaginez pas abandonner les trois narratrices avant la page 550. Car oui, c'est un récit à trois voix, qui se passe 15 ans après The handsmaid's tale.
le premier récit, le plus intéressant, c'est la confession cynique, cruelle et totalement lucide de la terrible Tante Lydia. Oui, la mère supérieure des Tantes, celle qui a la toute-puissance sur les Servantes et les Epouses et l'oreille de l'important Commandant Judd, a été autrefois, avant la prise de pouvoir de la théocratie de Gilead, une magistrate indépendante, qui avait une belle profession, des amants.... Arrêtée, torturée, comme ses collègues, mais épargnée, son instinct de survie l'a poussée à se mettre au service des nouveaux maîtres et à devenir la plus terrifiante des kapos. Pourquoi, au soir de sa vie, ce désir de vengeance? Pourquoi vouloir la ruine de Gilead qu'elle a servi avec tant de zèle durant tant d'années, devançant les désirs de ses maitres? Ca, finalement, on ne le saura pas. La noire Tante Lydia gardera son mystère.
Et puis, il y a "Bébé Nicole", celle que Defred avait emmené dans sa fuite et confiée à une amie sûre, qui vit cachée par les activistes de Mayday au Canada (et qui ignore bien sûr sa réelle identité), devenue le symbole de la lutte de Gilead contre les fuyardes, symbole qu'ils veulent évidemment récupérer.
Enfin, Agnès est l'"enfant" d'un Commandant, bonne élève d'une école réservée aux filles de sa classe sociale, gérée évidemment par des Tantes, et promise dès sa puberté à une vie d'épouse -sa belle mère, qui la déteste, lui a trouvé un vieux et puissant mari, ce Commandant Judd qui a déjà consommé pas mal de jeunes épouses -mais, comme par hasard, elles tombent rapidement malades et meurent..... En fuite, elle se réfugie chez les Tantes qui accueillent des filles comme elle qui refusent le mariage, pour en faire des "suppliantes", puis des "perles" (missionnaires au Canada). Vous en apprendrez plus sur elle à la fin....
Cette fin qui n'est pas géniale car trop occupée par des péripéties de block buster: comment Mayday infiltre Nicole à Gilead, comment ensuite il s'agit de l'exfiltrer avec Agnès, le rôle joué dans tout ça par Tante Lydia.... Ca vire au roman d'aventure et même si on a vu plus d'une fois que
Margaret Atwood maitrise parfaitement cette discipline, on s'en fiche un peu....
Ce qui nous fascine, c'est d'être à nouveau complètement immergés dans cet univers à la fois fou et d'une implacable logique malade. Car, le sort des femmes et leur soumission aux maris, le châtiment des délinquants et des infidèles, la police des moeurs, il suffit de tourner les yeux du côté de la Saoudie pour se rappeler que ça existe, dans notre temps même. Mais le raffinement avec lequel ce système a été agencé par des esprits atteints de délire géométrique, les couleurs uniformes des vêtements, les règles, et surtout cet invraisemblable processus de copulation et d'accouchement de la Servante entre les cuisses de l'Epouse ne pouvait avoir été crée que par un cerveau aussi brillant que celui de madame Atwood.... Longue vie à elle!!!