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Citations sur Brooklyn Follies (107)

Non, David ne m'a jamais frappée. Il n'a jamais frappé Lucy, et il ne m'a jamais frappée. Il n'est pas violent.Son truc, c'est parler.Il parle, il parle, il parle.Et puis il parle encore.Il t'épuise à force d'arguments et parce qu'il a une voix si raisonnable, parce qu'il s'exprime si bien, il t'aspire dans son propre cerveau, si on peut dire- presque comme s'il t'hypnotisait.

( Actes Sud, Babel, 2007, p.312)
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— (...) Kafka n’était pas seulement un grand écrivain, vois-tu, c’était aussi un homme remarquable. Tu as jamais entendu l’histoire de la poupée ?
— Pas que je m’en souvienne.
— Ah. Alors écoute bien. Je te l’offre en guise de première pièce à conviction à l’appui de mon propos. (...) C’est la dernière année de la vie de Kafka et il est amoureux de Dora Diamant, une jeune fille de dix-neuf ou vingt ans qui a quitté sa famille hassidique en Pologne et habite désormais à Berlin. Elle a la moitié de son âge, mais c’est elle qui lui donne le courage de partir de Prague – chose qu’il a envie de faire depuis des années – et elle devient la première et la seule femme avec laquelle il aura vécu. Il arrive à Berlin à l’automne 1923 et meurt au printemps suivant, et ces derniers mois sont sans doute les mois les plus heureux de sa vie. Malgré la dégradation de sa santé. Malgré les conditions sociales à Berlin : pénurie alimentaire, bagarres politiques, la pire inflation dans l’histoire de l’Allemagne. Malgré la certitude de n’en avoir plus pour longtemps en ce monde.
"Chaque après-midi, Kafka va se promener dans le parc. Le plus souvent, Dora l’accompagne. Un jour, ils rencontrent une petite fille qui pleure toutes les larmes de son cœur. Kafka lui demande ce qui ne va pas, et elle lui explique qu’elle a perdu sa poupée. Immédiatement, il invente une histoire pour expliquer ce qui s’est passé. Ta poupée est partie en voyage, dit-il. Comment vous le savez ? demande la fillette. Parce qu’elle m’a écrit une lettre, répond Kafka. L’enfant paraît méfiante. Vous l’avez sur vous ? demande-t-elle. Non, je regrette, dit-il. Je l’ai laissée chez moi par erreur, mais je l’apporterai demain. Il est si convaincant que la gamine ne sait plus que penser. Serait-il possible que cet homme mystérieux dise la vérité ?
"Kafka rentre droit chez lui pour écrire la lettre. Il s’assied à sa table de travail et Dora, qui le regarde écrire, remarque le même sérieux, la même tension que lorsqu’il compose ses propres œuvres. Il n’a pas l’intention de flouer la petite fille. Ce qu’il fait là, c’est un vrai travail littéraire, et il est décidé à le faire au mieux. S’il peut concocter un beau mensonge bien persuasif, il compensera la perte de la fillette par une réalité différente – fausse, sans doute, mais véridique et vraisemblable selon les lois de la fiction.
"Le lendemain, Kafka retourne au parc avec la lettre. La petite fille l’attend et, comme elle n’a pas encore appris à lire, il lui donne lecture de la lettre. La poupée est désolée, mais elle en avait assez de vivre tout le temps avec les mêmes gens. Elle a eu besoin de s’en aller voir le monde, de se faire de nouveaux amis. Ce n’est pas qu’elle n’aime pas la petite fille, mais elle avait très envie de changer d’air et il faut donc qu’elles se séparent pour quelque temps. La poupée promet alors d’écrire à la fillette tous les jours pour la tenir au courant de ses activités.
"C’est là que l’histoire commence à me briser le cœur. C’est déjà assez étonnant que Kafka se soit donné la peine d’écrire cette première lettre, mais il s’engage maintenant à en écrire une nouvelle chaque jour – sans autre raison que la consolation de la petite fille, laquelle se trouve être pour lui une parfaite inconnue, une enfant rencontrée par hasard un après-midi dans un parc. Quel genre d’homme ferait une chose pareille ? Il a continué pendant trois semaines, Nathan. Trois semaines. L’un des plus brillants écrivains qui aient jamais vécu sacrifie son temps – son temps de plus en plus compté et précieux – à composer les lettres imaginaires d’une poupée perdue. Dora raconte qu’il en rédigeait chaque phrase avec une extrême attention au détail, que sa prose était précise, drôle et absorbante. Autrement dit, c’était la prose de Kafka et tous les jours pendant trois semaines, il est allé au parc lire une nouvelle lettre à l’enfant. La poupée grandit, va à l’école, fait de nouvelles connaissances. Elle continue à assurer la fillette de son amour, mais elle fait allusion à certaines complications dans sa vie qui lui rendent impossible le retour à la maison. Petit à petit, Kafka prépare la fillette au moment où sa poupée disparaîtra à jamais de son existence. Il s’efforce d’arriver à un dénouement satisfaisant, craignant, s’il ne réussit pas, que le charme magique se brise. Après avoir fait l’essai de plusieurs possibilités, il finit par décider de marier la poupée. Il décrit le jeune homme dont elle est tombe amoureuse, la célébration des fiançailles, le mariage à la campagne, jusqu’à la maison où la poupée et son mari vivent désormais. Et enfin, à la dernière ligne, la poupée fait ses adieux à sa vieille et chère amie.
"À ce moment-là, bien entendu, la poupée ne manque plus à la petite fille. Kafka lui a donné autre chose à la place, et au bout de ces trois semaines, les lettres l’ont guérie de son chagrin. Elle a l’histoire, et quand quelqu’un a la chance de vivre dans une histoire, de vivre dans un monde imaginaire, les peines de ce monde-ci disparaissent. Tant que l’histoire continue, la réalité n’existe plus."

(p. 185-188)
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Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des livres...
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quand quelqu'un a la chance de vivre dans une histoire, de vivre dans un monde imaginaire, les peines de ce monde-ci disparaissent. Tant que l'histoire continue, la réalité n'existe plus.
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(...) Il (*Le monde) nous entoure de toutes parts et chaque fois que je relève la tête pour le regarder, je suis rempli de dégoût. de tristesse et de dégoût. On aurait pu croire que la seconde Guerre mondiale aurait tout réglé, au moins pour un ou deux siècles. Mais on continue à se tailler en morceaux les uns les autres, pas vrai ? On continue à se haïr autant que jamais.

(Actes Sud, Babel, 2007, p. 124)
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(...) Tu es un écrivain, Nathan. Tu es en train de devenir un véritable écrivain.
- Mais non, dis-je. Je ne suis qu'un courtier en assurances vie à la retraite, qui n'a rien de mieux à faire de lui- même. ça aide à passer le temps, c'est tout.
-Tu te trompes, Nathan. Après des années d'errance dans le désert, tu as fini par découvrir ta vocation. Maintenant que tu n'as plus besoin de travailler pour de l'argent, tu fais le travail que tu as toujours été censé faire.
- Ridicule. On ne devient pas écrivain à soixante ans.
L'ex-doctorant en lettres et érudit s'éclaircit la gorge et me pria de l'autoriser à ne pas partager mon avis. Il n'existait pas de règles en matière d'écriture, déclara-t-il. Si on considérait de près la vie des poètes et des romanciers, ce que l'on constatait, c'était un chaos absolu, un fouillis illimité d'exceptions.

(Actes Sud, Babel, 2007, . 180)
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Je veux parler de bonheur et de bien-être, de ces instants rares et inattendus où la voix intérieure se tait et où l'on se sent à l'unisson avec le monde.
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La lecture était ma liberté et mon réconfort, ma consolation, mon stimulant favori: lire pour le pur plaisir de lire, pour ce beau calme qui vous entoure quand vous entendez dans votre tête résonner les mots d'un auteur.
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Poe, c'était l'artifice et les ténèbres à minuit dans un lieu clos. Thoreau, la simplicité et la clarté rayonnante du dehors.
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La lecture était ma liberté et mon réconfort, ma consolation, mon stimulant favori.
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