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4,05

sur 770 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voici un livre fascinant, déchirant, émouvant, beau et cruel qui raconte d'une manière directe, sans fard, à la deuxième personne , à la fois brutale et intime , le destin d'une femme hors norme, explosive, tourmentée .....qui abandonna ses enfants.....pour suivre radicalement sa voie !
Artiste passionnée , à la recherche d'elle même, sensuelle, tactile....fugitive, Suzanne assoiffée de liberté :poète , peintre, amoureuse, militante, Errante, part toujours, ne veut pas prendre racine, n'aime pas ce qui est" fixe,"cherche à aller toujours plus loin, ressent un furieux et sauvage besoin de libération, ne laisse pas de traces........

L'écriture forte, directe, envoûtante, , faite de chapitres courts mais intenses vous happe et vous transporte dans le Québec des années 40 où les artistes muselés respiraient peu au sein du mouvement des Artisans du Refus Global !
C'est aussi l'histoire d'une femme Anais -Barbeau- Lavalette qui parle à sa grand- mère qu'elle n'a pas connue comme si elle voulait effacer la douleur de sa propre mère , blessée à jamais .......
Une oeuvre originale , puissante, remarquable qui revisite avec talent , finesse, subtilité, douleur, les liens familiaux, la création, la liberté, la maternité, l'abandon , la tristesse , le déchirement .....

Un coup de coeur pour un ouvrage qui raconte notre histoire à "nous les femmes" et que chacune pourrait ou devrait lire entre fiction et réalité historique !
Mais je ne suis pas Canadienne !


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̈Régler ses comptes et trouver la juste distance pour que le parler vrai reste ouvert,et que puisse s'y inscrire, progressivement , le visage de l'absente et sa part de liberté.

Jusqu'à ce que le "tu" blessé et meurtri devienne un "tu" empathique et fraternel. Et que se renoue au-delà de la mort, le lien fort et fragile de la filiation.

C'est le pari -réussi- d'Anaïs Barbeau-Lavalette qui, dans un roman très documenté, - elle a même mis une détective privée sur ses traces- écrit une longue lettre à la grand'mère qui les a abandonnees, elle et surtout sa mère, retrouvant ou imaginant les étapes de sa vie dans le Quebec rétrograde de Duplessis, secoué par les ruades de " Refus Global" , mouvement automatiste et artistique contestataire où s'illustrèrent Claude Gauvreau le dramaturge, Muriel Guibault la comédienne, Jean- Paul Riopelle et Marcel Barbeau les peintres, et Paul-Emile Borduas, leur maître à tous.

Tout cela sans recourir au pathos de l'autobiographie- tu nous as abandonnées, ma mère et moi, vois nos blessures- , ni aux ficelles usées de la biographie d'une "scandaleuse" - elle abandonne ses enfants et mène une vie dépravée au sein de la bohème artistique quebecquoise puis new yorkaise.

La "femme qui fuit" s'appelle Suzanne Meloche. Elle a été la femme de Marcel Barbeau, en a eu deux enfants, qu'elle abandonne, elle-même abandonnée à Montréal par son compagnon. Elle part tenter sa chance et tente de trouver sa place jusque dans les bus de l'integration affrontant le Ku-Klux-Klan. Elle va peindre, écrire, aimer, des hommes, une femme. Mais jamais trouver le repos ni la reconnaissance.

Plus qu'une fuite, j'ai vu dans ce livre puissant, charnel et intense, une quête inlassable de soi. Souvent âpre, jamais contentée, toujours déchirée. Celle d'une femme en avance sur son temps, lancée dans l'aventure de la liberté comme la petite chèvre de Monsieur Séguin dans la montagne!

La langue de l'auteure a la verdeur, la fraîcheur et l'originalité de bien des romanciers québécois :elle est la digne petite-fille de Suzanne, la poétesse des "Aurores Fulminantes"! Sincère sans être mièvre, poétique sans être empruntée, lumineuse sans être éthérée.

Suzanne et Anaïs ont entre elles plus qu'une filiation: un langage, une entente, et la plus jeune offre à l'autre la place qu'elle a vainement cherchée.

Elle lui permet d'être "libre ensemble", selon sa belle formule.
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Une femme rebelle que cherche à comprendre sa petite-fille, un texte magnifique.

Je me méfie souvent des auteurs dont j'ai beaucoup entendu parler, surtout lorsque comme ici, il sera question de personnages qui ont une certaine célébrité, car enfin, on parle beaucoup dans la presse « pipole » sans que j'aie vraiment envie d'en lire les histoires…

Mais, sceptique, j'ai été confondue, j'ai été totalement conquise par le roman biographique d'Anaïs Barbeau-Lavallette qui parle à sa grand-mère et raconte au « tu » la vie de cette artiste, de cette femme tourmentée qui sacrifie sa famille et ses amours pour être libre.

C'est le Québec des années quarante où la liberté d'expression est soigneusement encadrée par l'état, avec des livres à l'index et des artistes qui perdent leur emploi ou sont exclus des musées pour avoir osé signer un texte qui remettait en question la docilité du peuple.

L'écriture est belle et l'histoire est touchante. Mais l'auteur ne fait pas de cette femme une héroïne, elle nous en montre les faiblesses et les questionnements aussi bien que les moments de génie.

Une triste histoire, celle d'une femme qui n'a jamais su « être libre ensemble… »
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"Tu désertes encore. À couper ainsi les liens, tu te saigneras vivante."

"La femme qui fuit" m'a fait pleurer. C'est l'histoire troublante et vraie de Suzanne Meloche, née en Ontario en 1926, puis racontée à la deuxième personne par sa petite-fille (l'auteure), elle qui a rencontré sa grand-mère tout au plus trois fois dans sa vie. Anaïs, perturbée par la douleur d'un abandon précoce subie par sa propre mère Mousse, tente de comprendre comment un individu peut préférer une vie de bohème à une solide vie de famille. Comment une mère peut-elle simplement faire le choix d'abondonner ses enfants pour se réaliser ?

"Tu entres sans t'excuser d'être là. le pas sûr. Même si ça fait 27 ans que tu n'as pas vu ma mère.
Même s'il y a 27 ans, tu t'es sauvée. La laissant là, en équilibre sur ses trois ans, le souvenir de tes jupes accroché au bout de ses doigts.
Tu t'avances d'un pas posé. Ma mère a les joues rouges. Elle est la plus belle du monde.
Comment as-tu pu t'en passer ?
Comment as-tu fait pour ne pas mourir à l'idée de rater ses comptines, ses menteries de petite fille, ses dents qui branlent, ses fautes d'orthographe, ses lacets attachés toute seule, puis ses vertiges amoureux, ses ongles vernis, puis rongés, ses premiers rhums and coke ?
Où est-ce que tu t'es cachée pour ne pas y penser ?"

Dès l'enfance, Suzanne a tout un caractère. Issue d'une famille nombreuse et dévote, elle grandit pourtant en marge, avec des idéaux bien à elle. À la fois poétesse et peintre dans l'âme, c'est à Montréal qu'elle fera la rencontre de Paul-Émile Borduas, des Riopelle, de Marcel Barbeau et co., cercle d'artistes, auteurs et libres penseurs. C'est avec eux qu'elle s'épanouira vraiment et tracera son chemin. À travers l'histoire de Suzanne, on y découvre des tranches de celle du Québec; questions politiques, religieuses, linguistiques et artistiques des années 1945 à 1970.

Émancipée bien avant son temps, Suzanne refuse toute forme de conformisme et n'aspire qu'à la liberté. C'est une femme bouillonnante, effrontée, talentueuse, qui croque la vie à belles dents et suit ses instincts, ses passions les plus folles, peu importe où ceux-ci la mènent, du moment qu'elle avance. C'est une femme qui a soif d'être vue, entendue, d'attirer l'attention, de déstabiliser, de sortir du lot. Incapable de s'ancrer quelque part ni de s'attacher à quelqu'un bien longtemps, elle fait ce qu'elle veut, quand elle le veut, tirant profit du meilleur, se laissant porter au gré du vent, quitte à tout sacrifier. C'est une rêveuse, une militante, pour qui la routine n'est pas une option. Terrifiée à l'idée de s'engluer dans la normalité, s'asphyxier dans sa propre vie, Suzanne, à qui répugne tout ce qui est ordinaire, fait le choix de fuir...

"La femme qui fuit" raconte beaucoup en peu de mots. Les phrases et chapitres courts suffisent à faire passer le message. le style est péremptoire et pourrait rebuter dans un autre contexte mais ici cela colle parfaitement aux sentiments qui se dégagent du texte. le ton de l'histoire, racontée au "tu", s'entend parfois accusateur, souvent amer (et on peut le comprendre !); parfois il ne fait que relater avec distance comment Suzanne a vécu - selon les recherches approfondies menées par une détective privée. Dès le départ j'ai été ensorcelée par la magnifique cascade de mots, une poésie parfois sans pitié mais tellement poignante.

C'est un livre que j'ai adoré parce qu'il m'a remuée au plus profond de moi-même. L'abandon d'enfants n'est certes pas un sujet facile ni plaisant à aborder et j'ai eu beaucoup de peine pour ceux de Suzanne, marqués à jamais.

Je ne peux que recommander "La femme qui fuit", femme qui aura malgré tout laissé des traces positives, malheureusement peut-être pas assez avec les personnes qu'il aurait fallu...

CHALLENGE PLUMES FÉMININES
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Pas d'apitoiement, pas de larmoiement mais plutôt un ton toujours juste, toujours vrai , pour nous parler de cette grand mère que l'auteur n' a pas connue, pour nous parler de cette "femme qui fuit": la mère de sa mère. Un style qui pourrait être repoussant mais au contraire qui nous happe totalement. Ces phrases courtes, ce rythme, ces mots, ce récit nous envoutent et on ne peut plus lâcher cette lecture.
L'auteur s'adresse toujours à sa grand-mère assoiffée de liberté, jamais contentée, abandonnant ses enfants et son mari pour...oui pour quoi ?
Anaîs Barbeau Lavalette nous parle de la douleur de sa mère , de ce trou au coeur et à l'âme qui jamais ne se refermera . Une vie dans l'attente d'une mère. Mais l'auteur nous parle aussi des femmes artistes à une époque où celles-ci devaient rester dans leur cuisine. Suzanne Meloche, qui deviendra Suzanne Barbeau, poète, peintre, amoureuse, militante passera sa vie à chercher, à toujours aller plus loin sans jamais se retourner et à la suivre ainsi, l'auteur nous parle d'une époque.Tout un pan de l'histoire du Québec nous est décrit. On traverse la crise, la guerre, on vit avec les artisans du Refus Global ne pouvant accepter une société vivant dans le passé; on fréquente les ateliers de peintres tels Riopelle, Borduas, Pollock; on est invité aux soirées enfumées pleines des mots et des rêves de Gauvreau et autres poètes; on subit Duplessis, sa noirceur et sa répression. C'est une époque où tout vibre, où tout est à construire au Québec. Et toujours cette femme qui veut à tout prix laisser une marque, participer à l'histoire, sans savoir comment.
Anaïs Barbeau Lavalette n'hésite pas à nous faire entrer dans l'intimité de cette femme , dans celle de sa mère, dans la sienne et tout au long de cette excursion, elle nous tient la main.
Un coup au coeur et un coup de coeur. Merci Anaïs Barbeau-Lavalette.
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Ce livre est un brûlot ! C'est en tout cas ce que j'ai ressenti à sa lecture, tant j'ai eu besoin, à certains moments de faire une pause. Son personnage central, Suzanne poète et peintre québécoise est une une femme rebelle, transgressive, en fuite perpétuelle et c'est aussi la grand-mère de la narratrice. Et grâce au talent de cette dernière, j'ai été happée par l'histoire de Suzanne. Au fil de chapitres courts, de phrases nerveuses à l'écriture tantôt rude : "Mais dans ta bouche le goût de merde et de vies écorchées s'accroche" tantôt imagée :" il sait dans quels mots il marche" elle nous permet de suivre sans la lâcher, l'histoire tragique de cette femme hors du commun.
Sans doute l'emploi du "tu" qui scande tout le récit y est-il aussi pour beaucoup car il maintient constamment un dialogue tendu entre la narratrice, le lecteur et Suzanne. On sent fortement chez Anaïs Bardeau la volonté de tout dire en ne cachant rien des faits et gestes de cette grand-mère iconoclaste, même lorsqu'il s'agit des épisodes les plus terribles de sa vie :"Ce matin-là, sur un chemin de terre sans fin, tu lui passes la corde au coeur, tu lacères ce qui la relie au monde" écrit-elle en évoquant l'abandon de Mousse, la fille de Suzanne et sa propre mère. Mais l'on n'est jamais complètement dans le réquisitoire car elle sait également nous faire admirablement ressentir les déchirements auxquels Suzanne a été confrontés et qu'elle a déversés dans la peinture : "Tu largues ton saccage intérieur sur de la toile, tu suis le métronome anarchique de tes tripes qui là seulement se dénouent."
Ce qui est fascinant, est que sous la plume de l'auteur, Suzanne devient une héroïne tragique cernée pas la mort -celles qui vont jalonner son chemin de vie ; Muriel, Claude, Gary - et condamnée à une extrême solitude dont elle est en partie responsable tant elle a passé son temps à rompre les amarres mêmes celles auxquelles elle tenait le plus : "Tu attends l'autobus. Dévidée. Lestée. Seule au milieu des rafales."
Ce récit sous tension ne nous épargne rien des errances de Suzanne qui va vivre une partie de son existence allant d'une ville à l'autre, d'un amant à un autre. Il ne nous cache pas non plus ces moments de vie où elle va se perdre dans le sexe, l'alcool, la violence et dont elle aurait pu ne pas sortir indemne. Cela donne lieu à des scènes à la tonalité à la fois épique et fantasmagoriques comme celle de Harlem en feu, ou celle de l'attaque d'un autobus d'antiracistes par des membres du KKK.
La fin du récit va decrescendo et les derniers chapitres consacrés à la fin de vie de Suzanne marquent un apaisement. Pas seulement dans les faits - elle va sortir de la folie grâce à la pratique du zen - mais aussi dans la relation de la narratrice avec sa grand-mère. le " tu" va se conjuguer avec le on et le je. Et la narratrice, dans une dernière page que je trouve très émouvante, va inscrire son aïeule dans son histoire familiale tourmentée en même temps qu'elle devient mère.
La boucle est bouclée....
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J'ai vraiment dévoré ce livre... il se lit tellement bien et le propos est tellement intéressant, pour peu qu'on s'intéresse un tant soit peu à l'histoire du Québec... Parce qu'en plus de nous livrer une histoire personnelle sur l'éternelle fuite de sa grand-mère maternelle, ce livre nous livre également cette histoire comme témoin d'un pan de l'Histoire... Nous avons la chance de côtoyer Borduas, les Riopelle, Marcelle Ferron, Barbeau, et d'autres grands, signataires du Refus Global... Ces hommes et femmes qui se sont posés en contestation des règles, des normes, de Duplessi et sa grande noirceur... Mais également des hommes et des femmes qui, a force de contestation, ont laissé de côté l'essentiel... leur mari, leur femme, leurs familles, mais surtout, leurs enfants... L'histoire de Suzanne Meloche n'y fait pas exception, et en est même l'incarnation... Dans son désir d'émancipation et dans sa fuite perpétuelle vers elle ne saura jamais où, elle a brisé l'enfance de Mousse, sa fille et de François, son fils...

Une histoire émouvante. Sur le vide laissé par une mère en fuite, que la fille devra combler. Une écriture direct, sans détour, mais à fleur de peau... Qui accuse, mais cherche tout de même à comprendre. le désir fou de réparer, pour toujours, le trou laissé au ventre de sa mère par l'absence de la sienne. Un témoignage d'amour et de haine, de paix et de colère... Vraiment un texte à lire...
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Quelle lecture, mais quelle lecture ! C'est un coup de coeur ou plutôt un coup au coeur que nous envoie Anaïs Barbeau-Lavalette en prenant pour sujet d'écriture sa grand-mère maternelle, Suzanne Meloche ou Suzanne Barbeau, qu'elle n'a quasiment pas connue, sauf lors de brèves et rares visites. Et pour cause : Suzanne a quitté son mari et ses enfants lorsque ceux-ci avaient trois et un an, elle est partie sans se retourner ou presque. le manque maternel a fait basculer dans la folie son fils François, adopté par des entrepreneurs en pompes funèbres, et a longtemps érodé le coeur de Mousse, sa fille aînée, qui a réussi à construire une famille unie, attachée, où on ne se quitte pas.

Mais il faut revenir en arrière, à cette enfance de Suzanne (née en 1926) à Ottawa, où francophones et anglophones se confrontent, où la religion catholique et un gouvernement très conservateur (de ce que j'en ai compris à la lecture) corsettent la société. Suzanne observe sa mère abandonner ses rêves et s'épuiser dans les maternités à répétition. Dès qu'elle en a l'occasion, elle s'échappe de sa famille et part étudier à Montréal. Là elle se lie au mouvement des automatistes québécois, sous la houlette de Paul-Emile Borduas. Petit point d'info grâce à Wiki : « À l'encontre des surréalistes, les Automatistes préconisent une approche intuitive expérimentale non représentative conduisant à un renouvellement en profondeur du langage artistique. » Plusieurs des artistes qui le composent vont signer en 1948 le manifeste Refus global. Suzanne se retirera au dernier moment des signataires, sans doute déjà réfractaire à toute forme d'embrigadement, aussi légitime soit-elle. Face au pouvoir toujours très conservateur qui censure ce qui lui paraît immoral voire non conventionnel, autant dire que les peintres, danseuses, écrivains du groupe vont subir de lourdes conséquences : perte de travail, privation de liberté d'expression. Suzanne et Marcel Barbeau, qui se sont mariés dans ce mouvement, partent à la campagne avec d'autres compagnons et vivent un peu comme une communauté écolo avant l'heure, dans des conditions assez précaires. Les enfants arrivent, Suzanne a une relation très forte, fusionnelle avec ses enfants, Mousse (Manon) et François. Mais la misère, le sentiment d'enfermement sans doute, la difficulté d'exister en tant qu'artiste face à son mari, lui font tout quitter : le couple se sépare en 1952, ils laissent les enfants dans une « garderie », quelques mois pus tard ils les abandonnent officiellement (François sera adopté et Mousse sera élevée par ses tantes paternelles). A partir de là, Suzanne vivra ici et là, seule ou en couple, elle exerce divers métiers, elle ira jusqu'en Europe, à New York où elle côtoiera Jackson Pollock, elle accompagnera un mouvement de libération des Noirs jusqu'en Alabama. Elle peint, elle écrit mais après 1964 on n'entendra plus jamais parler d'elle sur la scène artistique, jusqu'à la réédition de son recueil de poèmes en 1980.

J'ai conscience d'en dire beaucoup peut-être, mais cette femme est tellement intéressante et il me fallait vérifier si cette femme avait bien existé, ce qu'elle avait fait, qui étaient les artistes qu'elle a fréquentés. Peut-être aussi ce besoin d'informations était-il nécessaire pour contrebalancer les émotions de cette lecture, de ce texte qui m'a happée dès les premières pages. Au départ, on sent Anaïs Barbeau-Lavalette remplie d'amertume, de ressentiment envers cette grand-mère qui a abandonné sa fille (la mère d'Anaïs) et n'a jamais – ou si peu – cherché à renouer le contact, qui est morte seule dans son appartement d'Ottawa en 2009. Quand cet appartement est vidé, l'autrice récupère un carton de lettres, d'articles de journaux, à partir desquels elle va chercher à savoir qui était Suzanne Barbeau. Elle a même engagé une journaliste-détective pour compléter ses recherches : c'est très émouvant de lire la liste des personnes qu'elle remercie à la fin du livre.

Au final, elle dresse le portrait d'une femme qui ne s'est jamais laissé enfermer et qui, pour cela, a fui régulièrement, une femme qui ne s'est jamais revendiqué comme féministe mais qui a voulu vivre ses aspirations intellectuelles, artistiques tout en vivant l'amour et la maternité, une femme qui a fui ces attaches-là en s'arrachant le coeur pour vivre libre et qui a payé au prix fort cette liberté. Une femme et après elle, une génération de femmes à laquelle je n'ai pu que m'attacher, même si elle m'a elle aussi déchiré le coeur à plusieurs reprises. Sans doute est-on plus facilement happé(e) dans ces pages qu'Anaïs Barbeau-Lavalette s'adresse directement à Suzanne, en « tu », et son écriture sensible fait le reste.

Coup au coeur donc, et sans aucun doute une de mes plus belles lectures de l'année.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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De prime abord, ce roman a tout pour me rebuter: des phrases très courtes, des paragraphes qui se limitent souvent à une phrase, des chapitres rarement plus longs que deux pages, comme si le lecteur visé ne pouvait se concentrer plus que 2 minutes sur le même sujet. En plus, tout le monde aime ça ce qui réveille le snob en moi. Et pourtant, quel roman magnifique! Je dis souvent qu'un roman digne d'être publié ne doit pas nous laisser indemne à la fermeture de la dernière page. Il doit nous faire entrer dans une réalité qui nous est étrangère et étendre notre compréhension du monde. Anaïs Barbeau-Lavalette réussi cette mission à l'aide d'une écriture douce et pleine d'empathie, dont le but est de comprendre et non de juger. Je ne résumerai pas la trame du récit car il vaut mieux l'aborder comme une rencontre surprise, mais sachez seulement qu'il est peuplé de personnages plus ou moins brisés qui tentent de faire leur chemin dans la vie.
"Surgit le souvenir des notes éteintes d'un piano. le spectre de ta mère évaporée,"
Un livre lumineux, qui redonne confiance dans le pouvoir des mots de nous faire appréhender le monde avec plus d'humanisme.
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Avec ce livre d'Anais Barbeau-Lavalette qui nous entraine à sa suite à faire la connaissance de sa grand mère , j'ai aussi découvert une page de l'histoire canadienne et le mouvement du refus global . Suzanne Meloche était une femme libre , entière , sans aucune compromissions.
Le texte , à la seconde personne , est incisif , intime . On se prend à aimer et détester tout à la fois cette femme mais on ressent aussi son courage et ses sacrifices , ses douleurs et sa volonté d'avancer toujours ...Mais à quel prix pour ceux qu'elle abandonne ?
Ce livre magnifiquement écrit va longtemps me hanter tant il interroge sur la liberté , l'amour , l'engagement .
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