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sur 356 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Début du XXème siècle, La Jeune Epouse arrive de sa lointaine Argentine pour épouser le fils d'une riche famille italienne.
Le Fils est absent. Tous les membres de la famille vont l'initier à leurs coutumes et vont s'occuper d'éveiller son corps à leur façon toute particulière et atypique. L'auteur ne manque pas d'imagination pour former les jeunes filles.
Modesto, le serviteur en place depuis 59 ans est mon personnage préféré. Il use de sa toux pour envoyer des signaux de mise en garde quand un membre effectue une maladresse. Il mettra La jeune Epouse au courant de la vie des gens de la famille.
Tous craignent la nuit car tous jusqu'ici sont morts la nuit. Ainsi, le petit-déjeuner est un festin qui se prolonge jusqu'à trois heures de l'après-midi. Ils sont contents de sortir vivants de la nuit. Une loi de la famille consiste à combattre l'infélicité, très joli terme.
Le style, l'écriture de l'auteur sont inimitables, très agréables à lire et le tout magnifiquement traduit.
Son imagination sans borne nous amène dans un conte bien plus que dans un roman.
Une autre particularité du récit est la narration : tantôt à la troisième personne, tantôt à la première personne sous la personne de la Jeune Epouse mais très souvent sous la personne de l'auteur qui donne son avis sur les passages qu'il est en train d'écrire.
J'avais lu "Soie" d'Alessandro Baricco et j'avais déjà beaucoup apprécié à la façon d'un conte.
Celui-ci est encore bien différent même si on reconnaît la plume de l'écrivain que j'ai définitivement adopté car il apporte une nouvelle vague dans ce que j'ai lu jusqu'à présent.
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Je n'entendrai plus l' Albatros de B. sans qu'y soient intimement associés un rythme et un souffle chauds. Je ne verrai plus le Lac de L. de ce regard humide et froid dans les brumes de novembre mais à la chaleur du couchant d'un soir d'été. Et sa surface n'aura plus cette sombre immobilité, miroir de ma solitude, elle sera subrepticement animée par la brise légère provoquée par des dizaines d'oiseaux virevoltant à l'affut de quelque insectes. La vie reprend sa place. Je sais déjà que je me laisserai distraire du coucher de soleil orangé, et que le calme en surface n'est que trompeuse apparence car en son sein ce lac est chevauché par de fougueux courants. Ô mystère de la littérature, par ce livre mon rapport au corps se voit modifié.

J'entre dans ce livre comme l'on pénètre dans un lac de montagne, en tâtant prudemment l'eau qui semble bien peu accueillante au premier abord. Il n'est jamais si facile de se laisser bercer par un rêve étranger. Car c'est pour moi un rêve, la plupart du temps éveillé. Tout quiconque en a l'habitude ne sera pas trop déconcerté par cette imbrication créatrice lévitant en permanence entre rêve et réalité. Je suis étonnamment surpris dès lors ne pas trouver l'étiquette autobiographie accrochée à ce livre.

D'étiquette il est d'ailleurs grandement question, avec ce très beau portrait de majordome qui régit le microcosme de cette maisonnée de la grande bourgeoisie italienne du début du XX dès le lever du jour qu'il décripte et annonce avec le même cérémonial afin de dissiper les peurs de la nuit. Qui dit étiquette, dit immuable codification et non-dits. La marche de ce monde n'est alors que stable répétition. de générations en générations, les convenances se muent en rites et les rites régissent les vies, le rôle et la place de chacun dans la Famille. S'ouvre alors avec soulagement le spectacle du grandiose déjeuner quotidien, véritable emblème De La Famille. Voilà le milieu dans lequel va devoir s'inscrire la Jeune Epouse, comprendre leurs mots, surtout correctement interpréter leurs soupirs, leurs sourires, leurs gestes.

Ainsi nous approchons l'indicible : tant de mots à soulever, tant de phrases qui couvrent autre chose que les mots qu'elles renferment. Les mots, les gestes que cachent-ils ? Même discrets, même masqués et ces éclats de rire qui parfois se brisent ... que transmettent-ils hors la peur et le secret ? Comment se rassurer ? Les rites pour l'illusion de la permanence, les rêves pour se bercer d'illusion, les mots pour se fuir, le corps pour se découvrir. Alessandro Baricco partage l'impossibilité de l'écrivain à se dire. Trop talentueux, trop connu, il nous confie dans cette mise à nu qu'il ne pourra enlacer chacune de ses lectrices. Or seul l'acte sexuel permet de vraiment se livrer ...

Il y a donc une part très personnelle d'Alessandro Baricco dans ses deux récits enlacés qui par amour marient rêve et réalité. Comment je le sens ? Comment je le sais ? Et si par hasard j'étais cet Oncle mystérieux dont je vais vous partager la conversation avec cette jeune Epouse ? Car :
"C'est une histoire comme tant d'autres, fit-il observer.
Peu importe, je veux l'entendre.
Je ne saurais pas par où commencer.
Commencez par la fin. le moment où vous avez cessé de vivre où vous vous êtes mis à dormir. [...]

Il y avait une femme, que j'ai tant aimée.

Il y avait une femme, que j'ai tant aimée. Elle avait une belle manière de faire chaque chose. Il n'y a personne d'autre au monde comme elle." p.200-202

Voilà j'ai assez dévoilé. Je reconnais bien humblement ne pas avoir le talent de Baricco quand j'adresse à ses lectrices les phrases que j'ai rêvées, écrites dans ma tête, et par lesquelles j'espère juste ne pas trop trahir l'émotion qui m'étreint. du reste pour mieux me comprendre, je ne vois à ce point plus que deux moyens...
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"Le fait est que certains écrivent des livres et que d'autres les lisent : Dieu seul sait qui est le mieux placé pour y comprendre quelque chose."

Attention, un livre peut en cacher un autre. La Jeune Épouse est à la fois une de ces fables poétiques dont l'auteur a le secret et une intelligente réflexion sur le métier d'écrivain. L'écrivain que l'on retrouve partout, par l'irruption soudaine du "je" dans le récit, quel que soit le personnage ou par le biais d'une digression le mettant en scène pendant l'écriture de ce livre. Si Flaubert a dit "Madame Bovary, c'est moi !", Alessandro Baricco est tour à tour tous ses personnages, de la Jeune Épouse au Père, en passant par Modesto, le fidèle serviteur, auxquels il prête ses sentiments, ses souvenirs et ses névroses. En entremêlant ainsi la réalité des humeurs de l'écrivain à la trame du récit qu'il déroule, Baricco atteint un sommet de virtuosité.

Mais ce n'est pas tout. L'histoire de la Famille, c'est un peu la métaphore de celle du monde. Entre transmission de valeurs mais aussi de peurs ancestrales. le propos est si dense que chacun y puisera sa propre interprétation. La plume de Baricco, elle, reste égale à elle-même, trempée dans cette douce fantaisie mélancolique qui irrigue son oeuvre depuis le début.

L'histoire se déroule en Italie au début du XX ème siècle et commence avec l'arrivée de la Jeune Épouse dans la maison de sa future belle-famille où elle était attendue le jour de ses dix-huit ans. Fraîchement débarquée d'Argentine, elle comprend que le Fils est absent, parti en mission en Angleterre et qu'elle doit désormais attendre son retour tout en faisant connaissance avec les moeurs de cette Famille étrange. Commence alors pour elle un long apprentissage à la fois sensuel et sentimental, qui la fera pénétrer au coeur des secrets qui lient chacun de ses membres. Un univers qui oscille entre rêve et fantaisie, une maison où les livres sont bannis parce que "tout est déjà dans la vie, si l'on prend la peine de l'écouter, et les livres nous distraient inutilement de cette tâche, à laquelle tous se consacrent avec une sollicitude telle, dans cette maison, qu'un homme plongé dans la lecture ne manquerait d'apparaître en ces lieux comme un déserteur.", un écrin où l'expression du corps est prédominante, un monde où l'on célèbre chaque matin le fait d'avoir échappé à la nuit et d'être encore vivant.

Dans cette maison, les tiroirs sont remplis des bruits que l'on y range une fois par an avant le départ en villégiature ; lorsqu'on songe ensuite à les ouvrir, certains retrouvent des phrases, des réponses à des questions... Merveilleux Baricco !

Après Mr Gwyn et sa magnifique réflexion sur la création artistique, Alessandro Baricco poursuit donc son questionnement des mystères de l'alchimie créatrice et se laisse aller à quelques confidences sur sa façon d'appréhender son métier (ce qui nous vaut de précieux passages). La Jeune Épouse est un livre ambitieux et exigeant, qui sollicite toute l'attention du lecteur tout en le berçant de sa douce musique. Sensuel et intelligent. du plaisir à l'état pur.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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J'avais aimé "Soie" du même auteur, je ne suis pas déçu par celui-là. On y retrouve cette sensualité qui m'avait déjà beaucoup touchée. le récit est parfois interrompu par l'écrivain qui apparaît pour nous faire part de ses doutes et de ses choix. C'est original et étrange mais pas dérangeant.
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Elle arrive d Argentine pour se marier au fils .Elle vit chez la famille du fils qui fera son éducation sexuelle . Un roman décalée , un roman déconcertant ......une écriture sublimisime qui vous porte ,vous transporte et vous donne envie de vous laisser aller et de vous imaginer à la place de cette Jeune Épouse De ces personnages la mère , le père et l oncle et l écrivain tout se mélange comme un tourbillon . Ce romain est une pure merveille .
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"(...) dans cette maison perturbée et dans le secret de nos folles liturgies, harcelés comme nous l'étions par des maladies poétiques, nous étions des personnages orphelins de toute logique."

Lorsque la Jeune Épouse arrive dans la Famille pour attendre le Fils qui devrait bientôt rentrer, elle découvre un univers où les rituels à la fois fantaisistes et complètement réglés se succèdent, et où chaque personnage occupe pleinement sa place malgré ses incroyables particularités.

Ce roman fut une grande découverte, tant par le récit, poétique et loufoque, que par les portraits extraordinaires que l'on rencontre au fil du roman. Et aussi, surtout, par le style époustouflant. Alessandro Baricco semble jongler avec l'écriture et la narration d'une façon assez inédite et virtuose.
Le lecteur peut penser assister à une histoire qui se crée au fur et à mesure, au gré des découvertes et fantaisies de l'auteur. le narrateur est mouvant, il peut être extérieur ou devenir un des différents personnages de l'histoire. L'auteur digresse parfois sur son processus d'écriture ou ses propres sentiments, et il me semble pourtant qu'on ne perd pas le fil ; qu'on reste attaché et surpris à chaque page.

Un roman étonnant et d'une grande liberté que j'aimerais relire je pense, ne serait-ce que pour savourer chacune des phrases qui composent ce récit atypique.
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Jubilatoire, savoureux, intelligent, intrigant et remarquablement écrit !
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Tout y est! L'écriture imagée et forte, le choix des mots, l'imagination, le quotidien, les personnages et puis toute la démarche de l'écrivain et du processus de création.
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[...] La lenteur de l'histoire, d'elle-même langoureuse et fantasque, aurait tort de nous faire croire que La Jeune Épouse n'est que l'histoire d'un éveil à la sexualité. Surtout pas. Cet apprentissage n'est qu'un symptôme. Un objet parmi d'autres. Dans ce livre, le rapport à la sexualité, comme le rapport à la nourriture, à la lecture et à l'écriture me semble plutôt être un balancier de l'attente, un rapport au temps. [...]
Lien : http://www.startingbooks.com
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Croyez-vous en ces sortilèges qui vous emportent et ne vous laissent plus libres de vos choix ? Vous devriez, parce que lire Alessandro Barrico est un envoûtement symphonique qui vous brûlera de l'intérieur et ne vous quittera plus jamais.
La Jeune épouse de ce subtil auteur italien caresse la subtilité des mots qui lui est si chère. Cette jeune femme et le Fils ne tombent pas amoureux, "ils finissent par reconnaître l'un chez l'autre un somptueux remède aux indécisions du coeur et à l'ennui de la jeunesse".
La promesse d'un mariage à ses dix-huit ans porte les valises d'un nouvel avenir à l'entrée d'une vaste propriété aussi vibrante que ses propriétaires, évoluant dans un univers absurde et enveloppant.
"J'arrive sans peine à percevoir des sons qui demeurent le plus souvent inaudibles dans l'étreinte du doute : par exemple le tintement de la vie, parfois, sur la table en marbre du temps, telles des perles qu'on ferait tomber."
Alors que cette jeune épouse, attendant le retour du Fils, se fond dans le rôle attendu d'elle dans cette demeure où le temps s'étire comme un pinceau pousse l'aquarelle, chaque membre de la famille l'initie aux arts de l'amour, "car faire l'amour est une tentative incessante de trouver une position dans laquelle se perdre en l'autre, une position qui n'existe pas, alors que sa recherche existe, elle, et que savoir chercher est un art."
Le spectacle qui se déroule au fil des pages est digne d'une pièce de théâtre, les personnages passent d'une scène à l'autre, les décors tournent sur eux-mêmes.
"Des miroirs qui une fois déplacés, reflétaient des événements survenus des heures plus tôt, des bruits qui persistaient dans l'air, orphelins de leurs origines, jusqu'au moment où Modesto prenait sur lui de les ranger dans des tiroirs."
La famille part en villégiature dans le sud de la France, laissant en l'état les gestes inaboutis à terminer plus tard, comme "sur la table de billard, un coup génial mystérieusement procrastiné."

Un roman hors du temps et de l'espace, à l'histoire surréaliste et vivifiante, une perle inestimable (certes, subtilement sexuée), dont on savoure de contempler le texte comme on le ferait d'une toile qui se laisse charmer. Il me brûle de poursuivre mon chemin sur les pas d'Alessandro, très vite. Je ne lâche pas sa main dans cette attente douloureuse.
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