J'ai eu envie de retrouver, en compagnie de
Franz Bartelt et
Edward Hopper, la belle collection Ekphrasis des éditions Invenit que j'avais découverte à travers le regard de
Sylvie Germain sur «Le paysage avec Saint Christophe» de Joachim Patinir. Je remercie Babelio et les éditions Invenit d'avoir satisfait mon désir.
J'ai vraiment apprécié la façon dont
Franz Bartelt déroule le fil de sa rencontre avec le peintre
Edward Hopper. Cela part d'un petit rien, comme souvent dans les intrigues de ses différents livres, un rien qui nous conduit bien au-delà de la banalité apparente de sa découverte du peintre lors de la réception d'une carte postale transmise à l'occasion des voeux de fin d'année.
«Nighthawks», un tableau livré à domicile qu'un préposé surgissant du brouillard me remit en main propre en me souhaitant la bonne année... Sur le trottoir il y avait juste ce qu'il fallait de neige pour ajouter au silence de la rue.» nous dit-il.
Cette reproduction de «Nighthawks» va faire son chemin, s'insinuant dans sa vie, y réapparaissant par intermittence au milieu de papier épars ou surgissant d'entre les pages d'un livre. Ces réapparitions périodiques suscitent une rêverie inquiète, le tableau exerçant une certaine emprise qui le laisse dans un état proche de «L'intranquillité» de
Pessoa favorisant alors le jaillissement de petits textes poétiques notés sur des feuilles volantes.
«En vingt cinq ans, cet objet de rêverie a disparu et réapparu des dizaines de fois, le plus souvent pour quelques semaines, de temps en temps pour plusieurs années sans que je m'en émeuve, car avec une image qu'on aime et dont on connait les moindres grains on vit aussi bien de son souvenir que de sa présence.»
Cette longue fréquentation de
Franz Bartelt et des Noctambules de Hopper, par sa poésie et son approche sincère, dénuée de prétention, fait pénétrer le lecteur dans l'univers du peintre tout autant et sans doute mieux que bien des études qui se veulent savantes.
Si cette lecture partagée m'a permis de connaître plus intimement l'univers de
Edward Hopper, elle m'a aussi amenée à découvrir d'autres facettes d'un écrivain dont le style n'a rien à envier à l'un de ceux qu'il admire,
Antoine Blondin, lui-aussi noctambule angoissé mais chaleureux.
«...la femme en rouge n'a pas volé le feu du ciel, mais tout en elle capte les lumières, les regards, les attentions... Sans elle, le tableau ne serait que la chronique du vide et, au-delà du vide, de la vacuité de ces heures subsidiaires où le simple mortel trouve refuge dans ce qu'il faudrait peut-être oser appeler «un asile de nuit» c'est-à-dire un endroit ouvert quand tout est fermé et où, faute de mieux, on va mourir un petit peu, d'ennui ou par l'action naturelle du temps qui passe, en attendant que, dehors, les murs libèrent ceux qui ont plutôt choisi de mourir en dormant.»