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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Imagine. Un commissaire Maigret qui aurait percuté San-Antonio ! Inspecteur Vertigo Kulbertus qu'il s'appelle. Obèse frôlant le double quintal, qui engloutit consciencieusement 4 fois par jour dans un ordre alphabétique immuable boulettes - cervelas - fricadelles - steak dument accompagnés de frites et de bières. Il mène ses interrogatoires depuis son lit de pacha dans ledit Hôtel du Grand Cerf, lit renforcé de parpaings eu égard au poids à supporter. Mais attention, sous ses apparences de goinfre loufoque, c'est un subtil !

Et il en a du taf avec cette série de meurtres et disparation qui frappe un village paumé des Ardennes. Sa méthode, c'est de mettre le village sens dessus dessous, que personne n'y comprenne plus rien, qu'on ne sache plus qui cherche qui, qui a tué, qui n'a pas tué. C'est créer la panique, installer la folie. Tout le monde dans le même sac. Pas le temps de fignoler à 14 jours de la retraite. Et ce bon coup de pied dans la fourmilière va faire ressortir toutes les haines cuites et recuites de cette petite communauté, un petit jeu de massacre fort réjouissant d'autant plus qu'une enquête pararallèle se dessine autour de la mort mystérieuse d'une actrice célèbre 40 ans auparavant, toujours dans l'Hôtel du titre.

Les dialogues sont délicieusement truculents dès que notre flic d'anthologie y participe, de la verve, du caustique, de l'irrévérence, c'est un régal à la Frédéric Dard.

Pour autant, l'intrigue n'est pas délaissée et on a droit à un monologue de résolution efficace et brillant des deux affaires. A conseiller aux amateurs d'humour noir plutôt qu'à ceux qui ne jurent que par le palpitant, l'angoissant et les meurtres glauques.

Lu dans le cadre du jury Prix du Meilleur Polar Lecteurs Points
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Dans ce roman on est vite emballé par le plaisir satyrique et pétillant de la rencontre avec un héros inattendu. L'inspecteur Kulbertus est un drôle d'hurluberlu aux méthodes peu orthodoxes.
Rien que les descriptions du personnage et ces traits d'humour en valent le détour.

De plus la construction de ce roman est étonnante : les faits sont profondément liés mais s'éparpillent sous l'effet des urgences ou des souvenirs, de faits étrangers, ils semblent vivre leur propre vie.
Malentendus, rebondissements, hasard, malédiction, génie, tout peut arriver lorsqu'une enquête prend des dimensions de fable maudite.

Un roman noir cocasse, parfois abracadabrant, où Franz Bartelt, sous ses airs légers, parvient à tisser un savant maillage de personnages sans jamais s'emmêler les pédales.


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C'est une bien étrange et prenante histoire policière qui se déroule ici, dont l'atmosphère est totalement baroque. Il est heureux de trouver enfin un polar français qui se distingue des codes dans lesquels les derniers auteurs français de polar à la mode se sont engouffrés, voire fourvoyés, une façon parfois totalement insipide et désincarnée, construite sur des phrases stéréotypées où tous les clichés littéraires sont au rendez-vous comme si le récit était sorti d'un algorithme ou d'un atelier d'écriture pour les nuls.
Ici rien de cela.
Nous avons rendez-vous à l'Hôtel du Grand Cerf, au cœur des Ardennes, pour faire une étape le temps que se déroule l'enquête. Le présent déjà baroque, sans doute le lieu, sans doute les personnages y sont pour quelque chose, se mêle au passé c'est-à-dire il y a quarante ans, et dès lors, le baroque prend de la verve, du volume, de l'audace...
Un peu d'ailleurs comme l'inspecteur Vertigo Kulbertus, à quelques jours de sa retraite... Lui aussi fait preuve de verve, de volume et d'audace dans la façon originale de mener l'enquête sur le premier meurtre, puis le suivant, puis le suivant, etc...
Il y a plein d'histoires dans ce récit, je ne sais pas par quel bout les prendre pour vous en faire un propos un peu cohérent. Disons qu'en toile de fond, nous avons tout d'abord cette histoire d'un couple mythique du cinéma des années 60, Rosa Gulingen et Armand Grétry, venus tourner un film dans le décor de l'hôtel. Sauf que Rosa Gulingen meurt dans sa baignoire. Quarante ans plus tard, le secret de sa mort plane encore sur les lieux. Un journaliste, Nicolas Tèque, passionné par les romances cinématographiques et plus particulièrement par cette histoire désuète à souhait, vient sur place pour mettre un peu de lumière sur cette affaire.
C'est alors que les morts tombent, s'enchaînent, comme des chênes qu'on abat dans une forêt des Ardennes. L'inspecteur Vertigo Kulbertus est, tour à tour, burlesque, grotesque, énervant, mélancolique, et sans doute tout cela à la fois. Son enquête ressemble par moment à une œuvre d'art, puis, comme s'il voulait redevenir modeste, s'en éloigne tout aussitôt. C'est l'un des charmes du roman. Je l'ai adoré, je l'ai trouvé tout simplement grand... La mélancolie de certains personnages, dont d'ailleurs Kulbertus, est également particulièrement magnifique.
L'autre charme, c'est que chaque personnage a sa musique, son histoire, sa déambulation. Il y a plein de tiroirs dans cette histoire, on les ouvre, on les ferme, on les rouvre, on les referme, on se perd, on se demande parfois si l'inspecteur Vertigo Kulbertus est si attaché que cela à découvrir la vérité. Et du coup, on se demande nous aussi si on ne ferait pas mieux de faire comme lui, se poser au comptoir du bar de l'Hôtel du Grand Cerf et avaler une grande pinte de bière, puis peut-être une autre pourquoi pas, laisser filer le temps, à travers la forêt des Ardennes et le silence du village de Reugny...
Et puis brusquement, on sent bien qu'une lueur va jaillir, de ce ciel maussade au-dessus des Ardennes peut-être, mais surtout dans le cerveau de ce flic que tout le monde prend pour un grossier personnage s'il faut ici être poli, ce policier ivrogne, gourmand, boulimique... alors qu'il est tout simplement énorme dans tous les sens du terme...
Or voilà...
Enfin, dirais-je... ! Un polar qui échappe aux clichés actuels, sort des sentiers battus, invite la mélancolie dans les pas fébriles d'un policier à deux doigts de la retraite, invite l'humanité dans l'inhumain... Je découvre par ce roman un merveilleux auteur, Franz Bartelt, qui me donne envie d'aller très vite à la rencontre de ses autres romans.
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Vertigo Kulbertus, déjà, rien qu'à découvrir son nom, on sent bien que le personnage va être unique en son genre.
Vertigo est un policier très particulier, son obésité lui donne une excellente excuse pour se bouger le moins possible, c'est pourquoi il préfère interroger les témoins et les suspects de son lit, en caleçon et chaussettes, ça donne tout de suite une idée du gars !
Ses meilleurs amis sont une chope de bière et une grande assiette de frites.
Pour le reste, il a une technique d'interrogatoire bien personnelle, et une morale plutôt étonnante.
L'histoire se passe dans les Ardennes et Vertigo va devoir enquêter à la fois sur un meurtre, mais aussi sur une disparition.
Je ne connaissais pas cet auteur et c'est une très belle découverte, j'ai ri franchement à plusieurs reprises, j'ai adoré ce personnage atypique de l'inspecteur qui n'a qu'une envie, tout lâcher pour profiter de sa retraite qui ne saurait tarder.
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Je viens de faire connaissance d'un inspecteur hors norme. Hors norme d'abord par son aspect physique : il revendique son obésité qu'il entretient vaillamment par une consommation excessive de frites et de bière sans mousse. Cliché ? Sans doute puisque l'action se déroule dans les Ardennes belges. Hors norme aussi par sa manière de mener l'enquête et de bousculer les suspects en tous genres en les maltraitant verbalement. Personnage outrecuidant et plein de fatuité, il n'en mène pas moins son enquête avec beaucoup de ruse et d'observation. Et pour prendre toute la mesure du personnage, je vous soumets son patronyme tout aussi atypique : Vertigo Kulbertus.
« L'inspecteur Vertigo Kulbertus constituait à lui seul, du moins en volume, la moitié des effectifs de la police belge ».

Voilà tout est dit ou presque. Parce qu'il faut aussi préciser que l'humour noir n'est pas absent de la narration, que les dialogues sont truculents, et que les habitants du petit village belge qui sert de décor à l'action sont pleinement brocardés. Rien n'échappe à l'oeil vigilant de l'auteur et la peinture de cette micro-société en dresse un portrait peu flatteur : jalousie, haine, cupidité, hypocrisie se transmettent de génération en génération aussi sûrement que le patrimoine mobilier.
« Dans un village, il n'y a jamais prescription. le plus lointain passé reste d'actualité. On règle ses comptes avec trois siècles de retard, mais on les règle. Ce qui est dû doit être payé. »

Bref, un polar plein de verve et de truculence dont la morale finale en surprendra plus d'un. Nobody is perfect !


Été 1999. Nicolas Tèque, journaliste parisien, pose ses valises à Reugny (Ardennes belges), hôtel du Grand Cerf, pour enquêter sur la mort déclarée accidentelle il y a quarante ans dans ce même hôtel, d'une grande star du cinéma Rosa Gulingen.
Au moment de son arrivée, une mort non accidentelle cette fois est survenue sur la personne d'un douanier, haï de tous dans le village. Les querelles et les secrets de tout ce petit monde vont bientôt être connus de l'inspecteur Vertigo Kulbertus, dépêché sur les lieux alors qu'il est à quatorze jours de la retraite...
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Si vous êtes perdu dans les Ardennes , que vous roulez aux abords de la frontière franco-belge, alors le hasard vous amènera peut-être jusqu'à la petite commune de Reugny, où l'espérance de vie n'est guère élevée ces derniers temps. 

Le hasard, c'est un peu ce qui m'a amené à lire cet étrange roman policier. Entre autres choix, c'est celui-ci qui m'a été attribué lors de la dernière masse critique. Après Au scalpel de Sam Millar, j'avais bien envie de poursuivre ma découverte de la collection Cadre noir aux éditions du seuil. Que je remercie bien sûr, ainsi que Babelio, pour cet envoi.

Je ne connaissais pas du tout Franz Bartelt, même pas de nom, et pourtant il n'est pas le premier venu. Auteur de presque quarante romans ou recueils, lauréat du grand prix de l'humour noir en 2000 avec Les bottes rouges et Goncourt de la nouvelle en 2006 pour le bar des habitudes, il est un auteur discret écrivant aussi bien des polars que de la littérature dîte générale.

En outre, la couverture avait également attiré mon regard. En guise de trophée accroché au mur, nulle tête de cerf ou de sanglier mais ... un vieux téléphone à cadran sur une ancienne tapisserie, comme vu au travers d'un trou de serrure.
Ce côté absurde et décalé, qui semble être la marque de fabrique de l'auteur, on le retrouvera tout au long des pages. 

Reugny, à la frontière belge, était un petit village paisible jusqu'à ce que des crimes y soient commis. Et pire encore : deux intervenants extérieurs vont venir se mêler à une populace qui n'a aucune envie de les intégrer ou même de leur parler. Ces deux hommes viendront en effet tous deux essayer d'élucider leur propre mystère et secoueront la fourmilière.
"Cette petite communauté fonctionnait à la manière d'une secte."
"Ce sont des affaires qui ne regardent pas la police."

La première énigme est vieille de presque cinquante ans. Il s'agit de la mort de Rosa Gulingen, actrice allemande de films désormais démodés qui a été retrouvé noyée dans sa baignoire. Une heure auparavant, elle jouait encore une scène de son prochain long métrage : "Le village oublié." Accident ? Suicide ? Meurtre ? C'est ce que cherchera à établir le journaliste Nicolas Tèque en interrogeant notamment les personnes qui étaient déjà là au moment de la tragédie.
"On l'a noyée dans sa baignoire, le 06 juin 1960 à six heures du soir, à l'hôtel du grand cerf, à Reugny."

Au même moment, de nos jours, un premier meurtre est commis, aussitôt suivi d'un second. Par ailleurs, une jeune fille, peut-être témoin des évènements, disparaît. Mais ce ne sont pas ces crimes qui vont ébranler la population. Même le bûcheron Paul Meyer ne semble guère s'émouvoir du décès tragique de son simplet de fils. Tous s'accomodent très bien en tout cas de la décapitation du douanier Rousselet. Celui-ci connaissait tous les petits secrets de tout le monde et prenait son rôle frontalier très au sérieux. 
Chacun aurait pu avoir un mobile.
"Les gens de Reugny ont toujours su tenir leur langue. Il se détestent, mais n'iraient jamais dénoncer leur pire ennemi à la police."
Mais l'enquêteur envoyé sur place, Vertigo Kulbertus, va secouer le cocotier avec une élégance pachydermique pour retrouver l'assassin. Ce qui ne sera pas une sinécure dans une commune où chacun aime à régler ses propres comptes.
Est-il possible que les deux affaires soient liées ?

Le roman de Franz Bartelt se présente comme un compte à rebours. Chaque partie correspond à un jour de la semaine, et chacun de ces jours qui s'écoule est un pas de plus vers la retraite pour l'inspecteur Kulbertus. Retraite salvatrice dont l'approche revient de façon récurrente dans les propos de l'enquêteur.
"A onze jours de la retraite, on m'impose de courir derrière d'abominables assassins."

Au niveau des lieux, certains passages nous emmènent à Bouillon, Verviers, Paris, Dinant et même en Pologne. Malgré tout, la grande majorité du roman se déroule en vase clos à Reugny, et plus particulièrement à l'hôtel qui a donné son titre au roman ou au centre de motivation dirigé par le riche Richard Lépine. Qu'est-ce qu'un centre de motivation ? Malgré ma lecture attentive j'avoue ne pas l'avoir bien compris, ce qui a gêné ma progression. On y effectue des stages, on y mêle discipline militaire et développement personnel au travers d'exercices spirituels ou métaphysiques. C'est tout ce que j'en ai retenu.

Le début du roman m'a un peu perdu. Chaque paragraphe nous réserve un point de vue différent et l'auteur y présente tour à tour chaque protagoniste. Le lecteur fait donc connaissance avec le journaliste, l'enquêteur, les victimes et les principaux habitants du village. Parmi lesquels trois générations de femmes qui ont tenu l'hôtel du grand cerf, Sylvie Monsoir, chauffeur de taxi et son époux le jaloux Freddy. Mais très vite, cette confusion intitiale dans la présentation d'une dizaine de principaux personnages ( et presque autant de suspects ) va se clarifier et passer de l'un à l'autre se fera naturellement, chacun ayant ses spécificités.

Mais l'un d'eux écrase tous les autres. Ce qui pourrait paraître un mauvais jeu de mots étant donné le poids de l'inspecteur Vertigo. 
"Il s'était fait de l'obésité une spécialité, comme d'autres s'en font une du marathon ou de l'alpinisme."
"On commence toujours par grossir du ventre. Mais je grossis aussi des genoux et des oreilles."
Au-delà de sa carrure et de son appétit gargantuesque ( ses menus, immuables, se composent dès le petit matin d'une importante quantité de frites et de cervelas ) ou de sa soif de bière sans mousse, le bonhomme est aussi le policier le plus farfelu qu'il m'ait été donné de rencontrer depuis longtemps.
"Ma méthode, avait expliqué le policier, c'est de ne pas avoir de méthode."
Paraîssant maladroit, Kulbertus soupçonne et accuse tout le monde presque ouvertement à chacun de ses interrogatoires, se mettant ainsi toute une population déjà hostile à dos. 
Et que penser de ses pratiques plus que douteuses ? Il organisera par exemple un vote pour déterminer le coupable. Il obligera en effet chaque habitant à désigner leur principal suspect en inscrivant son nom sur un bulletin anonyme. Quel sera le résultat de ce sondage inaccoutumé ?
Ce personnage nous régale et nous fascine avec le maniement du vocabulaire ( "Il y avait longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi suprêmement en verve. Lancé comme il l'était , il avait la ressource verbale pour tenir jusqu'au soir." ), avec son auto-dérision, avec ses provocations et sa faculté innée d'énerver profondément autrui.
Son originalité, son côté clownesque non dépourvu de poésie, sa façon calculée d'irriter et de répugner les villageois, fait qu'on a envie de le retrouver tant pour connaître sa prochaine bévue que sa prochaine déduction ou son prochain propos scandaleux. le problème étant que ce personnage a tellement d'envergure, qu'il est tellement réussi dans la démesure qu'il fait de l'ombre aux autres.

Un blogueur du site "San Antonio, demandez les nouvelles !" a fait un parallèle très intéressant pour parler de ce roman, en écrivant qu'on avait l'impression de voir l'extravagant Bérurier débarquer dans un roman de Simenon, caractérisé par ces petits villages où règnent les non-dits et un climat pesant de haine et de suspicion entre les habitants.
Un choc des cultures particulièrement audacieux au résultat dépaysant, c'est le pari réussi effectué ici par Franz Bartelt.

Quant à l'éditeur, il dit vrai en évoquant la plume de Bartelt, "entre burlesque et mélancolie". On est à la croisée des chemins entre un humour qui pourrait paraître lourd mais qui est manié avec élégance et qui contribue à donner à ce roman policier moderne un charme désuet.

Même si j'émets quelques réserves, il s'agit vraiment une oeuvre pleine de contrastes, à la croisée des genres et des styles que l'auteur manie à la perfection. 

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J'ai d'abord été déroutée par les premières pages de ce polar au premier abord très conventionnel, je devrais même dire agacée par certains détails, à commencer par les noms bien improbables des deux personnages principaux qui mèneront les deux enquêtes parallèles : Nicolas Tèque et Vertigo Kulbertus. Au vu des excellentes notes attribuées par certains Babeliotes de confiance, j'ai persévéré et j'en suis bien contente ! Journaliste dilettante, Nicolas Tèque enquête sur une actrice des années soixante. Elle a été retrouvée noyée dans sa baignoire alors qu'elle jouait dans un film tourné à l'hôtel du Grand Cerf, à Reugny, petit village des Ardennes, avec son partenaire et amant, Armand Grétry. La police a d'abord soupçonné un meurtre, interrogé l'amant, mais elle a finalement conclu à un accident. Intéressé par le sujet, un producteur mandate Nicolas pour qu'il aille se renseigner sur place et recueille tous les renseignements nécessaires pour un éventuel documentaire. Ces nombreux renseignements sont révélés dans les trois pages du premier chapitre. Pendant le « Dernier été du XXe siècle », toujours à Reugny, un incendie criminel détruit la maison du douanier Rousselet dont le corps décapité sera finalement découvert à l'occasion des recherches pour retrouver une jeune fille disparue. À quinze jours de sa retraite, c'est Vertigo Kulbertus, inspecteur obèse, personnage gargantuesque et cynique, qui va hériter de cette enquête, à son grand désarroi…
***
Le récit est clair et les deux enquêtes se répondent et s'entrecroisent dans une intrigue assez complexe, le passé ayant forcément des répercussions sur le présent. On voyage de l'une à l'autre aisément, chacun des brefs chapitres précisant un lieu et une heure. Heureusement, car les avancées des deux enquêteurs réservent finalement bien des surprises. le roman se conclut comme un « whodunit » classique par les explications de l'inspecteur Kulbertus qui n'a décidément pas fini de nous surprendre… Il ne faut chercher dans ce polar ni la vraisemblance, ni le suspense des thrillers à multiples rebondissements. L'intérêt est ailleurs. Ce que j'ai beaucoup aimé dans ce roman, plus encore que l'originalité de plusieurs des personnages, c'est le ton. Les dialogues sont impertinents, savoureux (savoureux de chez savoureux !), brillants et caustiques. Les travers de langage sont fréquemment épinglés, et les banalités et bêtises que l'on profère quotidiennement relevées et resservies avec beaucoup d'humour. Quelques remarques bien senties sur la « race » des Français par rapport à celle des Belges se révèlent tordantes ! Bref, après la page 50 et les manifestants qui occupent la gare, j'ai gardé le sourire tout au long de ma lecture, me régalant au passage de quantité d'aphorismes (voir les citations). Je recommande chaleureusement, et je lirai volontiers d'autres ouvrages de cet auteur : il y en a un dans la sélection de Quais du polar 2020 que je ne devrais pas tarder à attaquer…
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Vous êtes cordialement invités à venir sécher une bière à l'hôtel du Grand Cerf. Vous pouvez même y séjourner. Vous verrez, c'est décapant.
L'hôtel du Grand-Cerf, c'est à Reugny, un bled paumé aux fins fonds des Ardennes belges, pas loin de la frontière française. Aller s'enterrer dans un trou du cul du monde, quelle drôle d'idée, me direz-vous ?
Tssss, tsss, ne vous arrêtez pas à ce genre de considérations !

A défaut d'être enchanteur, le séjour regorgera de surprises. Vous ne vous ennuierez pas une seconde, car à Reugny, vous aurez droit à un douanier maléfique, des cadavres, des paysans taiseux aussi muets que les cadavres, des secrets inavouables enfouis sous des tombereaux de mensonges, un curieux centre de motivation, dont on se demande bien à quoi il peut motiver, un mystère entourant la mort d'une star célébrissime noyée dans sa baignoire quarante ans plus tôt, à l'hôtel du Grand Cerf évidemment, et bien d'autres choses très croustillantes...

Vous y ferez la connaissance d'un policier hors normes, fort simplement baptisé Vertigo Kulbertus, spécialiste en obésité, selon ses dires, pratiquant de très curieuses méthodes d'investigation, grand buveur de bière et gros consommateur de frites, rotant fort et pétant de même, bref un être tout ce qu'il y a de rabelaisien, mais bigrement futé, menant son enquête de façon plus qu'originale.

Franz Bartelt mélange tout cela pour en faire un ragoût bien relevé et particulièrement savoureux.
Il concocte une intrigue parfaitement ficelée, bien sombre et bien retorse, passionnante d'un bout à l'autre, où passé et présent s'enchevêtrent harmonieusement avec des personnages bien campés, auxquels on croit, tant ils ont de chair, tant ils paraissent réels.
Tout cela est mené tambour battant, par un écrivain au verbe revigorant, à la plume acide et affûtée mais aussi rigolarde - et il est vrai que l'on rit pas mal - En outre Franz Bartelt s'y entend pour déployer un remarquable talent de conteur émaillé de dialogues truculents et réussit à surprendre le lecteur en lui assénant une fin joyeusement amorale. Un régal dans le genre, à déguster une chope en main !
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Quand Nicolas Tèque se voit confier une mission, il ne sait pas qu'il va mettre les pieds dans une espèce de nid de vipères particulièrement voraces… Et c'est peu dire ! Chargé en effet, en tant que journaliste, d'aller enquêter sur la mort a priori accidentelle d'une jeune actrice, Rosa Gulingen, décédée dans sa baignoire un demi-siècle plus tôt, il n'est pas bien convaincu de l'intérêt de sa mission, mais comme il est vaguement désoeuvré et désargenté, il obtempère.
Les renseignements qu'il glanera sur place permettront à un producteur de réaliser un documentaire sur cette actrice et son ami de l'époque, un certain Armand Grétry.
Et voilà notre Nicolas parti pour Reugny, petit village au coeur des Ardennes : une chambre lui est réservée à l'Hôtel du Grand Cerf, tenu par une certaine Thérèse Londroit qui voue un culte absolu à cette Rosa Gulingen qui a eu la bonne idée de se noyer dans la baignoire d'une des chambres de l'hôtel où elle logeait avec toute l'équipe du tournage, ce qui a apporté une certaine renommée à l'établissement.
Mais lorsque Nicolas débarque de Paris, il découvre un village sens dessus dessous : deux meurtres viennent d'avoir lieu et une disparition. du jamais vu dans ce pays où tout le monde connaît tout le monde depuis la nuit des temps et où « on règle ses comptes avec trois siècles de retard, mais on les règle. » Douce humanité…
C'est donc logiquement qu'arrive à l'auberge du village un certain Vertigo Kulbertus… Inspecteur…
Alors, comment vous dire ? Vertigo Kulbertus… (Ah, ce nom !)
Rien que pour ce personnage, le livre vaut le détour… et plus que ça même… A quatorze jours de la retraite, le dit inspecteur qui a horreur des déplacements, sa masse corporelle dépassant l'impensable, arrive à l'auberge en râlant, en demandant un lit très large soutenu par des parpaings et des briques. Trois oreillers : monsieur ne peut dormir allongé. Pour les repas, c'est simple, il mange tous les jours la même chose: frites et boulettes le matin, frites et cervelas le midi, frites et fricadelles à quatre heures, frites et brochettes de steak haché le soir : « Toujours dans le même ordre et toujours avec des frites. » On avait compris ! Et la bière, sans mousse, s'il vous plait. Un gars qui dit ce qu'il a à dire et plus, si besoin est, direct quand il le faut, logique à sa manière : « tous les assassins ont des alibis. Un assassin sans alibi, c'est un pompier sans échelle », sans gêne, plus qu'un brin vulgaire, très cabotin, s'arrangeant avec la justice et la morale si nécessaire, un gars dont le naïf du coin se dit en le voyant : l'assassin peut dormir sur ses deux oreilles, il ne risque pas d'être arrêté par cet excentrique un peu barge…
Mais, méfions-nous de l'eau qui dort… Thérèse Londroit n'est pas dupe : elle a bien senti qu'il fallait se méfier de l'inspecteur qui « cachait son jeu sous des manières loufoques. A travers le grotesque, elle percevait quelque chose de subtil, une logique tortueuse, un genre d'inspiration… » Il sait ce qu'il fait, l'animal et son plan est clair et bien pensé : « J'installe la folie dans le pays. En trois jours, j'ai réussi à semer la pagaille dans les esprits. Ils me prennent pour un dingue. Mais quelque chose en eux les somme de se méfier de moi… Alors je fiche un coup de pied dans la fourmilière, je piétine le bon sens, la logique, la politesse. J'abuse des pouvoirs qui me sont conférés. A la fin, il sortira bien une vérité de ce sac de noeuds. » Une figure de flic qu'on n'est pas près d'oublier…
Un vrai plaisir de lecture : c'est drôle, incisif et le tout parfaitement ficelé…
Un seul bémol : dites-moi, Monsieur Franz Bartelt, votre Vertigo Kulbertus, il ne pourrait pas faire un peu de rab parce que quand on s'attache… Allez, remettez-le au boulot, on l'aime tellement !

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Reugny, bourgade des Ardennes belges a peu changé en cette fin du vingtième siècle, l'Hotel du Grand Cerf est toujours tenu par les femmes Londroit, Léontine la grand-mère, Thérése la mère mais Anne Sophie la fille rêve de partir  et l'orphelinat voisin a été remplacé par un Centre de Motivation dirigé par Richard Lépine, héritier d'une famille assassinée au moment de l'épuration ...

C'est dans une des chambres de l'hôtel que l'actrice Rosa  Gulinghen a été retrouvée noyée dans sa baignoire , l'enquête avait conclu à l'époque à un accident mais tous les protagonistes étaient persuadés qu'il s'agissait d'un meurtre . Restent , cinquante ans plus tard un petit musée dans l'hôtel et une chambre fermée sur ses secrets.

Nicolas Thèque, journaliste vivant de petits reportages , est envoyé par un de ses patrons préparer un documentaire sur Rosa , le tournage du film interrompu par la mort de l'actrice principale et sur les quelques survivants de Reugny qui avaient été spectateurs du drame .

Or, au moment où Nicolas arrive dans le village, un vieux douanier , haï de tous car collectionneur de ragots écrits sur des ronds de verre de bière est retrouvé assassiné ainsi que un jeune garçon baptisé l'Idiot du village et Anne Sophie a disparu , seule est repêchée près de la scène du crime, sa mobylette .

L'inspecteur Vertigo Kubertus , un homme obsédé par la nourriture et la bière  et à quelques jours de sa retraite est dépêché  pour enquêter sur place .

Galerie de personnages au mieux atypiques mais le plus souvent désagréables et antipathiques et la conscience pas vraiment tranquille : l'arrivée des deux hommes, l'inspecteur et le journaliste n'est pas vu d'un bon oeil , d'autant plus que les méthodes du policier sont pour le moins inhabituelles , une interprétation très personnelle de son boulot de flic et de la justice .

Ecriture dichotomique, avec des dialogues à la Audiart , des références à Maigret et quelques moments de poésie, cela donne un roman plutôt amusant à mon goût !
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