AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le blues roumain, tome 1 (42)

les anges naissent dans les phalanges

mes poésies sont des doigts qui suppurent
coupés au milieu
avec du sang frais jaillissant des petites croûtes marron
où l’attouchement grince
et fait un mal acéré
des moignons gangrenés avec lesquels j’essaie
encore et encore
d’appréhender le monde

(Anca Zaharia, p. 54)
Commenter  J’apprécie          90
je nage

se noyer dans la pluie d’été
si flotter ne mène nulle part

la baleine m’a de nouveau avalée
et je ne suis pas prête à mourir comme ça
les cheveux pas teints et les ongles rongés
comme si je devais mourir en étant quelqu’un d’autre

mes pieds se sont affranchis du sol
et au bout j’aperçois toutes les choses
que j’aie jamais désirées
elles sont toujours à la même distance

je nage
c’est peut-être de l’amour
ou bien tout simplement
de l’eau chaude

(Alice Popescu, p. 51)
Commenter  J’apprécie          90
bon à rien

je rentre chez moi après des années passées
en long en large et à travers Bucarest
et je rentre les mains vides
et elle sort et me dit dès qu’elle me voit
mais mon cher tu disais partir faire fortune
tu disais aller gagner en deux ans plus que d’autres en quatre
et voilà que maintenant tu viens avec rien

mais oui c’est vrai mes chers c’est tout à fait ça
j’ai vraiment gagné rien
et j’apporte tellement de rien à la maison
comme personne n’a pu ramasser pendant ces années
j’ai même pas pu transporter seul tant de rien gagné

derrière moi viennent les voitures chargées de rien
prêtes à casser sous le poids
quand on va les délester dans la cour
nous serons les seuls au monde à détenir autant de rien

dans quelques printemps ce rien sera plus recherché que l’or
et nous allons en vendre seulement quand il sera fort bien coté
soyez sûrs mes chers personne n’a autant de rien
j’en ai tant amassé pendant ces années en pensant à vous
qu’il ne reste plus rien dans les rêves des gens trépanés par la fortune

Ioan Es Pop
(p. 25)
Commenter  J’apprécie          90
Auto-interview

Laisse tomber, Ursachi,
renonce à la marotte fourbe de la poésie.
Toi qui à l’adolescence voulais devenir berger
puis fonctionnaire dans une entreprise piscicole
toi qui as leurré les insomnies avec le sanskrit, Schlegel ou Bopp,
pourquoi tu persécutes les typographes, les compositeurs, les amis,
les gens bienveillants (les critiques ne comptent pas – ils sont trop sournois pour lire un livre)
Voilà, tu as encore écrit un poème, tu t’es encore piégé tout seul,
tu ferais mieux de devenir arbre ou chauffe-eau ou chou-fleur.
Arrête, que diable !

Mihai Ursachi (p. 106)
Commenter  J’apprécie          90
[...]
tu apprendras ainsi sur-le-champ
que le reste du monde t'aime de plus en plus
et te donne
comme une hostie infinie
like après like

(p. 42, fin du poème Une photographie miraculeuse de Robert Șerban)
Commenter  J’apprécie          90
l’ascension

cet automne
à la commémoration des 40 jours
j’ai dessiné sur la terre qui t’abrite
un cœur aux chandelles

ce cœur a des défauts
– comme les tranches fines de poivrons
avec lesquelles je t’écrivais des messages innocents
sur les sandwichs préparés pour le petit déjeuner –
mais on entend son battement
qui s’élève en l’air
comme un papillon amoureux
du soleil

(Horia Ghibuțiu, p. 70)
Commenter  J’apprécie          80
les taches

douce enfant penchée sur un cheval en bois
pendant les nuits d’hiver et les jours de chimères
le nez dans la lune
le menton appuyé sur un nuage

de l’autre côté de la vie
une femme mûre balayait ses espoirs
elle les portait à un arlequin
décoloré d’illusions

au-dessus du cheval en bois
l’existence avait dessiné
sans répit
des taches de bonheur

(Mihaela Colin, p. 67)
Commenter  J’apprécie          80
LES 400 COUPS
et l’aritméthique du cœur

Quand on naît
quelqu’un nous attend à la sortie du tunnel
en déroulant le tapis rouge
et nous dit parmi ses dents de barbe à papa
prenez chacun trois milliards de battements de cœur
cachez-les dans la poche de la poitrine
faites-en bon usage
il n’y en aura pas d’autres

Puis ça se passe dans une autre spirale

Je rêve que mon cœur bat des mains et des pieds
je regarde terrifié les battements qui courent comme un train fou
sur un champ ensoleillé sur un champ ensanglanté
alors je vais voir mon cœur le supplier de battre moins vite
je me mets à genoux devant lui
je lui dis bats plus délicatement s’il te plaît
où vas-tu comme ça ne t’emballe pas
je ne voudrais pas que tout s’arrête bientôt
vas-y doucement ne prends plus le mors aux dents
tu ne vois pas dans quelle situation tu me mets
je ne voudrais pas que tout s’arrête bientôt
je viens à peine de le trouver je lui dis
regarde il dort comme un enfant dans ma poitrine

vas-y doucement s’il te plaît

(Iulian Tănase, p. 40)
Commenter  J’apprécie          80
Des lignes et de l'être

Et toute la soirée et tout le club n’étaient que les lignes blanches et noires, horizontales, du t-shirt de l’homme vu de dos. Et toute la soirée et tout le club n’étaient que le dos d’un homme, penché sur une femme invisible. Et je voulais sortir mon crayon et dessiner sur les rayures horizontales du t-shirt de l’homme vu de dos, penché sur une femme invisible, les notes d’une nouvelle mélodie, jamais entendue, que j’allais entendre ensuite avec le verre collé à son dos et l’oreille collée au verre, entendre cette nouvelle mélodie jamais entendue, née de la jonction entre l’homme au t-shirt à rayures horizontales et une femme invisible.
Mais comme je n’avais pas de crayon, j’ai attrapé une bouteille vide sur une table quelconque, je l’ai mise aux yeux comme une longue-vue et j’ai vu comme les rayures devenaient des vagues et la femme sirène, j’ai vu comme les rayures devenaient des barreaux et la femme un canari chantant, j’ai vu qu’il n’y avait pas de femmes invisibles mais seulement des crayons sans mine et des bouteilles sans fond…

(Silviu Dancu, p. 60)
Commenter  J’apprécie          60
la tirelire

j’ai mis
le peu de choses que je savais de toi
sur une balance
et son aiguille m’a fait grimper le cœur
sur une pente cabossée

depuis
je lui compte méticuleusement les tours
et chaque fois
elle m’indique un plus
que je mets soigneusement de côté

comme un enfant
qui met toujours des pièces dans une tirelire
avec la pensée secrète
que si jamais elle se remplit
il ne sera pas obligé
de la casser

(Robert Serban, p. 55)
Commenter  J’apprécie          60






    Lecteurs (17) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

    Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

    Paris
    Marseille
    Bruxelles
    Londres

    10 questions
    1228 lecteurs ont répondu
    Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

    {* *}